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Changer l’école, ça ne se fera pas en réduisant les moyens !

Manifestation ce samedi 3 février à 10h à St-Etienne et à Roanne

mercredi 31 janvier 2007, par Roger Dubien

La question de changer l’école, pour lutter contre l’échec et l’exclusion scolaires, est devant nous.

Du côté du gouvernement, ce qui est proposé est - si les mots ont un sens - réactionnaire.
De Robien essaie d’imposer un retour en arrière vers des méthodes pédagogiques (comme la méthode syllabique pour la lecture) conçues pour former de futurs exécutants ; sous-entendu : c’est bien suffisant pour les enfants des milieux populaires. Car la grande bourgeoisie, elle, a ses filières pour les siens...
Il faut ajouter à ça une dérive sécuritaire continue, qui trouve d’ailleurs des alliés de divers côtés, chez S. Royal par exemple, mais aussi chez une partie des enseignants maintenant gagnée à l’idée que la priorité serait de faire régner l’ordre plutôt que d’essayer de gagner le respect des enfants en redonnant sens et goût à l’apprentissage des savoirs.
Et puis ce sont les coupes sombres dans le budget de l’Education nationale : moins d’argent, moins de postes d’enseignants. Et donc encore des fermetures de classes...

A St-Etienne, il faut ajouter aussi, pour les écoles maternelles et élémentaires - qui relèvent de la mairie - une politique sciemment conduite depuis des années d’abandon de l’école publique. Avec un budget amputé du tiers en valeur réelle depuis 2000, au bénéfice notamment du financement de la politique sécuritaire (police municipale et caméras vidéos). Voir : le budget des écoles est siphonné au profit de la police municipale et de la vidéo-surveillance
Cette réduction du budget de l’école continue en 2007 (1).

La rentrée 2007 dans les établissements scolaires se prépare dans cette logique.
C’est pourquoi toutes les organisations syndicales d’enseignants et aussi la FCPE pour les parents d’élèves, appellent à manifester de l’Inspection d’Académie à la Préfecture, ce samedi 3 février à 10h.
Le texte d’appel à cette manifestation demande : “Le maintien de l’accueil des 2/3 ans à l’école maternelle, une dotation horaire suffisante en collège et lycée, le remplacement de tous les enseignants, les ouvertures de classes nécessaires, des effectifs corrects, une réelle prise en charge des élèves en difficultés.”

Fini l’accueil des 2-3 ans ?
Cette action se déroulera juste avant la réunion mardi 6 février en Préfecture du CDEN, sur la carte scolaire 2007-2008. Le CDEN - conseil départemental de l’éducation nationale - est formé du Préfet, de l’Inspectrice d’Académie, d’élus, et des représentants des syndicats d’enseignants et des organisations de parents.
Le projet de carte scolaire pour la rentrée 2007 prévoit un nombre important de fermetures de classes : 66 écoles sont menacées d’une fermeture, alors qu’il est question de 30 ouvertures possibles seulement.
Pourtant le nombre d’élèves ne baisse pas, contrairement à ce qui est souvent laissé entendre. Ainsi, en primaire (maternelles + élémentaires), de 1999 à 2006 on compte 387 élèves de plus dans les écoles de la Loire, mais 87 postes d’enseignants en moins !
En fait, la raison principale de cette nouvelle hécatombe est la non scolarisation des 2-3 ans. La possibilité d’accueil dès 2 ans dans les maternelles est pourtant l’un des points forts de la Loire, pour des raisons historiques (faiblesse des autres modes d’accueil...). Cette particularité et l’atout qu’elle constitue ont été pointées par une étude nationale sur la réussite scolaire réalisée par plusieurs sociologues (dont Choukri Ben Ayed) pour le ministère. Parmi les facteurs qui expliquent une certaine “sur-réussite” dans le département : l’accueil avant 3 ans aux côtés de la “mixité sociale dans les établissements”, et de la “stabilité des équipes enseignantes”...
Sur les 66 écoles menacées d’une fermeture de classe, on trouve donc 11 élémentaires et 55 maternelles ! La maternelle est donc en train d’être sacrifiée à cause des restrictions budgétaires, du détournement de l’argent vers la finance, des baisses d’impôts pour les plus riches.

La politique scolaire de la municipalité de st-étienne : abandon délibéré de l’école publique
Pour St-Etienne, contrairement aux mensonges de l’adjoint aux écoles qui tente de justifier à tout prix la réduction continue du budget et les fermetures de classes, le nombre d’élèves ne diminue plus dans le primaire public. Sans parler du fait que cette baisse, réelle pendant toute une période, a été provoquée non seulement par la baisse du nombre d’habitants mais aussi par la situation désastreuse de l’école publique (le privé s’est alors relativement maintenu).
Mais cette baisse est terminée, alors que la plongée du budget et du nombre de classes continue : 11 464 élèves à la rentrée 2004, 11 440 à la rentrée 2005, 11 471 à la rentrée 2006 (5054 en maternelle, 6 241 en élémentaire, + 176 en classes CLIS de soutien).
Pour le moment sont envisagées pour St-Etienne : 5 ouvertures en élémentaire (écoles Chappe, Francs-maçons, Molina, La Veüe, La Terrasse ) ; et 3 en maternelles (Chappe, Molina, St-Saëns). Et 13 fermetures : 3 en élémentaire (dans les écoles Montchovet, Soleysel, Villeboeuf le Haut) ; et 10 en maternelle (dans les écoles Bergson, Ferry, Jomayère, Métare, Monge, Ovides, Rouget de Lisle, Solaure, Terrenoire Perrotière, Vivaraize).

Changer l’école : il en parler !
Nous ne pensons pas (plus) que la question des “moyens” soit la seule question importante pour transformer l’école. Il y a besoin aussi d’un sérieux changement des mentalités et du rôle assigné à l’école. Mais la diminution continue des moyens ne va pas y aider et va au contraire contribuer à aggraver les difficultés. Donc, il faut refuser les fermetures de classes, les suppressions de postes. Et la ville de St-Etienne doit décider d’une augmentation massive du budget des écoles.
Il faut en même temps remettre en question l’utilisation des moyens et remettre en cause le rôle de l’école. Il est aujourd’hui de transmettre un savoir, mais en même temps surtout d’orienter vers la sortie une partie importante de la jeunesse. (voir Bertrand Ogilvie, sur le site www.lautrecampagne.org : De nouvelles pratiques pédagogiques pour lutter contre l’exclusion scolaire ?).

On nous fait croire qu’à l’école tout le monde a sa chance (“l’égalité des chances”), et que si on travaille bien on peut y arriver, même pour les enfants des classes populaires. On nous fait croire que l’école permet la révélation et l’affirmation des capacités personnelles... Et d’ailleurs il y a toujours le cas pour qui ça s’est vérifié...
En réalité, explique cet auteur, et cela mérite réflexion : " l’École a pour objectif de produire de l’échec scolaire (pour être complet, il faut ajouter : ainsi qu’un pourcentage modeste de réussite scolaire), et ceci de telle manière que cet échec n’apparaisse pas comme le résultat de l’institution elle-même mais comme la conséquence des « défauts comportementaux » (psychologiques et moraux) de ceux qui la fréquentent (les élèves et les étudiants) (...) (c’est) un secret de polichinelle qui a la structure de la lettre volée d’Edgar Poe : sous les yeux de tous, nul ne veut vraiment le voir (...) On comprend à partir de là le vice de forme de l’entreprise traditionnelle qui s’efforce de trouver les moyens de « réduire l’échec scolaire » : autant vouloir demander à l’École d’être le contraire de ce qu’elle est."
Et c’est bien vrai que l’école fabrique un volant important de jeunes en échec. Et que, bizarrement, ce sont surtout les enfants des milieux populaires. Et ce alors même que beaucoup d’enseignants se battent pour essayer de faire “réussir” les élèves.

Il est donc urgent de reposer la question de l’échec des enfants. D’élucider ses liens avec la concurrence et l’évaluation-notation forcenées qui sont au coeur du système, ainsi qu’avec un rapport aux savoirs qui “défavorise” les enfants des classes populaires.
Changer ce rapport aux savoirs demande d’ouvrir l’école sur la vraie vie, sur le quartier, sur le travail, sur le territoire. De donner envie d’apprendre et de créer, à travers des démarches de projet, avec une volonté de re-lier école - quartier - travail - société.
Ceci ne pourra se faire qu’avec une irruption des parents dans l’école de leurs enfants (et pas seulement par des “délégués”).

Il est maintenant indispensable de faire vivre un débat citoyen sur l’école et sur les conditions de la réussite de tous les enfants (2).
Et d’empêcher les retours en arrière, bien sûr.

Roger Dubien.

(1) budget 2007 de la ville de St-Etienne : L’éducation continue à plonger.
En 2007, le budget consacré par la ville de St-Etienne (180 000 habitants !) aux écoles du primaire (écoles maternelles + écoles élémentaires) dont elle a la responsabilité de par la loi est de 8,886 Millions d’euros (fonctionnement + investissement). Au lieu de 9,121 ME dans le Budget primitif de 2006.
Soit - 2,6 %, à quoi il faut ajouter l’inflation. La baisse réelle sera donc de l’ordre de - 4,5%. La chute de 30% de 2000 à 2006 continue donc...
Et encore, il faut prendre en compte le fait que 20% de cette somme : soit 1 810 800 E, va à la participation aux écoles privées. La ville consacre donc, en fonctionnement et investissement : 7,0752 millions d’euros (46,4 MF) à ses 95 écoles publiques (46 écoles maternelles, 42 écoles élémentaires, et 7 écoles "primaires" comprenant à la fois une maternelle et une élémentaire). Soit 11 295 enfants accueillis en 2006-2007 (5 054 en maternelle, 6 241 en élémentaire). Existe-t-il en France une grande ville qui fasse pire ?
Par exemple, seulement 700 000 euros de travaux sont annoncés dans les bâtiments de l’ensemble des écoles des quartiers non GPV. Une misère pour chaque école. Il faut ajouter 170 000 E pour Jacquard, suite au regroupement des deux sites de l’école, et aux actions des parents. Mais cette somme elle-même ne règle pas les problèmes de Jacquard.
Les travaux dans les écoles (2) situées dans les quatre quartiers concernés par le projet de ville et la convention ANRU (Agence nationale pour la rénovation urbaine) sont notés à part et un peu plus conséquents parce que financés par l’Etat. Montant annoncé : 1 018 400 E dont 425 752 E de subventions (42%) (3).
Pour l’ensemble des écoles sont prévus 200 000 euros d’achat de mobilier neuf ! ! 2 100 euros par école en moyenne ! !
La politique scolaire de la ville est un véritable désastre. On se dirige vers des problèmes très graves dans les écoles à St-Etienne.

(2) L’équipe de travail “Ecole-Education populaire”des Réseaux citoyens se réunira vendredi 16 février à 18h, pour discuter de son programme de travail en 2007. Contact pour celles et ceux qui souhaitent y participer : contact@reseauxcitoyens-st-etienne.org