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André Pochon : une agriculture durable est plus productive que l’agriculture industrielle

mardi 21 octobre 2008

Samedi 18 octobre, la FRAPNA organisait au centre des congrès de St-Etienne une journée “vers un avenir sans pesticides”, avec plusieurs conférences-débats. Dont celle d’André Pochon, paysan breton, aujourd’hui à la retraite après 40 ans de travail, et qui a une expérience précieuse.

André Pochon parle de la région Bretagne, il y a 60 ans. Cite Pierre-Jakez Elia : “nous étions pauvres, mais pas miséreux”, avec une vie qui était à peu près la même que deux siècles avant...
Une Bretagne "sous-développée”. Mais ça va bouger rapidement à partir des années 1950-1955, avec l’arrivée des nouvelles générations. C’est à ce moment qu’André Pochon s’est installé dans une nouvelle ferme. Il avait été inscrit au cours par correspondance agricole, comme les autres jeunes de la région, et avait donc quelques rudiments agronomiques. Et puis il y avait la JAC-jeunesse agricole chrétienne, qui a alors joué le rôle d’un mouvement d’éducation populaire dans les campagnes. “On voulait refaire le monde et amener le progrès dans les campagnes françaises”. André Pochon s’engage dans le mouvement des CETA : centres d’études des techniques agricoles. C’est à propos de cette période et de ces CETA que René Dumont parle de “révolution dans les campagnes françaises”. Des sortes de “coopératives d’idées”, en lien avec la recherche agronomique.

Les terres françaises étaient alors appauvries en calcium, potassium, phosphore, qui sont des éléments de base. Les rendements étaient très très faibles. On amende. Grâce aux changements, en 2 ans, les paysans passent pour les céréales de 15 à 30 quintaux à l’hectare...
De 1950 à la fin des années 60, la grande avancée est la “révolution fourragère”, propulsée par l’INRA, qui orientait alors les paysans vers la prairie. André Pochon raconte : “on nous disait : les vaches sont un outil merveilleux : une barre de coupe à l’avant, un épandeur à l’arrière”... L’INRA apprenait comment ensemencer, fertiliser, exploiter rationnellement les herbages. André Pochon met en application et fait connaître le travail et la méthode d’un vétérinaire : André Voisin.
Tout ça permet de doubler le nombre de vaches à l’hectare, et d’améliorer la structure du sol. Les prairies temporaires semées pour 4 à 5 ans, suivies de céréales, donnent des rendements extraordinaires.
Ça a été la période de modernisation des maisons d’habitation. Grâce aux revenus procurés par ce développement considérable de la production, et sans dépense ! “Et pas une seule exploitation a disparu ! Du bon boulot !‘ Et pas d’algues vertes dans la baie de St-Brieuc. “On est sorti du sous-développement dans des années de développement économe.”
"On marchait sur deux pieds : production laitière. Et production porcine (petit lait après crème et beurre). Les danois disaient : “le porc est pendu au pis de la vache”.

Et puis c’est vers ce moment que les choses ont commencé à basculer du mauvais côté. L’INRA disait : la vache a besoin d’herbe, et l’herbe a besoin d’azote. Donc, il faut un apport d’ammonitrate à chaque passage. Le CETA d’André Pochon fait de la résistance : il a prouvé que c’était une connerie, en ne mettant pas d’engrais azoté et en ayant de hauts rendements. Car quand on met de l’engrais azoté, “on démolit le trèfle blanc”, c’est à dire l’usine naturelle à engrais azoté. Le trèfle blanc, c’est “la méthode Pochon”, il a même écrit un bouquin, et tout est mis en oeuvre au CETA de Corlaix. Et il n’y a aucune pollution...

Alors, pourquoi y a-t-il eu basculement dans un autre développement, qui n’avait rien à voir avec ça ? Plusieurs causes se sont ajoutées.
- Evidemment, les industriels de l’agro-business n’y trouvaient pas leur compte (pas d’achats d’aliments, de pesticides, d’engrais...)
- Les écoles d’agriculture qui enseignent un modèle dominant
- plus au fond : la PAC - mise en place en janvier 1963 par Edgar Pisani : c’est la PAC qui a tout chambardé, avec des prix garantis fixés aux agriculteurs chaque année (alors qu’on produisait pour un marché). Alors la question est devenue de produire le maximum, en étant sûrs d’être payés. Ça a été la voie ouverte à la spécialisation, à l’abandon de l’élevage dans les régions céréalières, etc...
“L’assolement quadriennal : blé - sport d’hiver - maïs - cote d’azur”. !!...
Et dans la foulée, la spécialisation de l’élevage aussi : Laitières / Porc / Taurillons... Et pour l’élevage aussi, la PAC a garanti les prix.
Et autre chose a joué : la “préférence communautaire” jouait pour les importations : celles venant de l’extérieur de l’Europe étaient taxées. SAUF une exception : le soja US et diverses pulpes et cie..."c’était la brèche, le péché originel de la PAC".
On a pu produire le maximum avec des aliments à moitié prix (payés au prix mondial) alors que les produits étaient vendus à prix garantis... S’ensuivit l’explosion des élevages industriels. Des excédents ? Ils étaient stockés, et exportés avec subventions... Vers l’URSS (Interagra), et vers Afrique dont l’agriculture familiale a été bloquée.
C’est ça qui explique le productivisme à outrance...

Pisani a compris et a dénoncé les “effets pervers” de la PAC en 1973. Pochon, lui, avait résisté deux ans, puis cédé sous la pression générale. S’était résigné à labourer ses prairies de trèfle blanc pour faire ... du maïs. C’était l’époque de l’engouement pour le maïs-fourrage : une plante présentée aux paysans comme miraculeuse, et qui fonctionne avec le soja...
Pourtant la culture de maïs est sinistrée une année sur deux. Mais il y a les subventions... Et en 1992 : réforme de la PAC : 2.600F de subvention par an par hectare de maïs...

Problème : avec cette culture, les dépenses sont multipliées par 5 : semences, produits de traitement, mécanique, soja US... Et sans produire plus ! Pour s’en sortir, il faut multiplier par deux la production ... et les surfaces. Et c’est comme ça que 2/3 des exploitants ont disparu en 25 ans !

Et la production porcine a suivi la même dérive : on a quitté celle liée au sol pour une production porcine industrielle. Avec augmentation considérable du nombre de cochons dans les élevages. Des élevages à 200, à 500 truies... Et en plus, passage du système danois (litière, avec de la paille) au système hollandais : caillebotis intégral. Plus besoin de paille, ni de travail. Mais lisier partout...
Maïs fourrage + lisier = algues vertes assurées, nitrates dans l’eau. Et le couple maïs + lisier + le peu de prairies qui reste a signifié un apport 450 unités d’azote par an à l’hectare. Engrais...

C’est alors qu’André Pochon a réagi et poussé un coup de gueule “la Bretagne est mal partie, il faut changer de méthode”. L’industrie agro-alimentaire n’a pas aimé.
1981 : il publie un livre sur les prairies. Octobre 1982, il créé le Centre d’Etudes pour le Développement d’une Agriculture Plus Autonome - CEDAPA des Cotes d’Armor. Aujourd’hui 500 adhérents. Et 30 associations aujourd’hui en France dans le réseau “agriculture durable” des CEDEPA.

L’INRA a proposé de faire un programme de recherche-action avec le CEDAPA, une expertise de 27 fermes pendant 5 ans. Pour faire le bilan, à partir du cahier des charges du CEDAPA des Cotes d’Armor. Les résultats sont dans le livre “à la recherche d’une agriculture durable”. Et le cahier des charges du CEDAPA a été à un moment proposé par le gouvernement français à Bruxelles...

Sauf que ce n’est pas vraiment ça qui inspire la politique agricole actuelle ! Et c’est urgent de changer ! On sait que les subventions européennes de la PAC vont s’arrêter en 2013 (le budget est acquis jusque là). Mais en 2009, il va y avoir une révision de la PAC, à mi-parcours. Il faut une autre répartition des aides ! Plus pour l’herbe, moins pour les céréaliers !

Pour terminer, André Pochon a listé les points clés pour une l’agriculture durable :
- équilibre sol/plantes/animaux ;
- rotation des cultures (assolement) triennal ou quadriennal
- des plantes adaptées au sol et au climat
- du fumier - pas de lisier - de la litière !
- de l’herbe pour l’alimentation animale
- priorité aux investissements productifs (au lieu du gros matériel et de bâtiments sophistiqués)
Un système fourrager basé sur l’herbe, 3/4 d’herbe et surtout du trèfle blanc...

Et est-ce que c’est “viable économiquement” pour les paysans ? André Pochon a présenté une étude tout à fait officielle qui fait la comparaison entre les résultats obtenus dans 74 fermes du réseau agriculture durable qui pratiquent cette agriculture là et les résultats de l’agriculture conventionnelle.
La production obtenue est plus importante. Elle est obtenue avec moins de travail. Et en utilisant moins d’énergie. Les revenus sont plus importants, et cela fait travailler plus de paysans, et il y a dix fois moins de pollution (engrais, pesticides)...

Alors qu’est-ce qu’on attend ? Peut-être tout cela dérange-t-il quelques intérêts ?...

La disparition des fermes en France en 25 ans.

Cette étude de l’INSEE est à http://www.insee.fr



Les chiffres indiquent le nombre de milliers de fermes. Et le nombre de milliers d’hectares de SAU-surface agricole utile (territoire consacré à la production agricole)
On est passé de 1 263 000 fermes (et 29,5 millions d’hectares) en 1979 à 545 000 fermes et (27,5 millions d’hectares) en 2005...
Il faut arrêter ça, vite !