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Le nouveau gouvernement grec va-t-il réussir à desserer le carcan des politiques d’austérité ?

Un enjeu très politique pour tous les peuples de l’Union Européenne.

lundi 16 mars 2015, par Georges Günther

Un enjeu politique de grande portée se joue dans l’affrontement entre les institutions européennes, le FMI et le nouveau gouvernement grec dirigé par Syriza.

Le gouvernement et le peuple grec vont-ils réussir à sortir de la situation dans laquelle les a plongés les politiques dictées par la commission européenne, la banque centrale européenne (BCE) et le FMI ? Vont-ils réussir à faire la démonstration qu’il est possible d’ouvrir une autre voie que l’austérité tous azimuts dictée par les institutions européennes et le FMI au nom du remboursement de la dette, où bien vont-ils capituler face aux pressions, aux ultimatums, aux mesures coercitives et punitives, des institutions européennes et des milieux bancaires et économiques dominants ?

Pour la première fois, un gouvernement de l’Union Européenne refuse clairement les politiques d’austérité qui lui sont dictées au nom de la dette et de son remboursement, et engage de véritables négociations pour une politique de justice sociale.

En Grèce a été expérimentée une thérapie de choc, une véritable saignée dictée par la fameuse « Troïka » (Banque Centrale Européenne, Commission Européenne et FMI), qui a plongé son peuple dans la grande misère, l’économie dans la récession, qui a déstructuré la société en piétinant la démocratie.

Le peuple grec, dans un sursaut de dignité, a dit : ça suffit. Il a affirmé sa volonté de reprendre son destin en main, de refuser d’être une colonie de la dette à perpétuité. Et en face c’est l’union sacrée. Tous les gouvernements de l’UE avec la commission européenne, la BCE et le FMI sont coalisés pour tenter de faire plier Syrisa, l’obliger à appliquer coûte que coûte les réformes acceptées par les gouvernements précédents, les fameux « mémorandums ».

Et si Syriza réussissait ? Si ce petit pays démontrait qu’une autre voie, une autre politique était possible en Europe ? Les milieux financiers et politiques dominants en ont des sueurs froides. L’alternative ne serait plus entre les politiques actuelles et la colère impuissante qui fait le lit des extrêmes-droites. Il ne faut donc pas que Syriza réussisse. Il faut même faire un exemple, montrer l’inutilité de cette tentative pour vacciner le peuple grec et les autres peuples européens. Et puis pour les banques il y a des millions d’euros en jeu, parce que la dette grecque ça rapporte gros.

Peu importe que les politiques de « sauvetage » dictées par la Troika aient mis le peuple grec à genoux. Aujourd’hui 35 % des grecs vivent sous le seuil de pauvreté et 600 000 enfants n’ont pas assez à manger selon l’UNICEF. Depuis 2010 le chômage a été multiplié par trois. Il frappe 25% de la population et 50 % des jeunes. Le tissu économique a été détruit : près de 250 000 petites entreprises ont disparu alors qu’elles constituent l’essentiel de la base productive grecque. L’âge de la retraite a reculé à 67 ans, les pensions ont baissé de 7%. Les salaires ont diminué de 15% dans le secteur public et les licenciements ont été facilités dans le privé. La TVA a augmenté de 2 points. Le fonctionnement des hôpitaux est asphyxié par la diminution de 40 % de leur dotation de fonctionnement depuis 2008 ...

Résultats dramatiques et échec. Avant le programme de sauvetage, la Grèce (1) avait une dette de 129 % de sa production économique, elle est maintenant de 176 % !

Le vote pour Syriza a signifié : nous ne voulons plus de ceux qui à gauche comme à droite ont accepté ça.

L’accord du 20 février avec l’eurogroupe a été une étape de cette confrontation.

Un accord arraché à un contre tous (2). Un compromis qui permet au gouvernement grec d’un peu respirer, de gagner du temps pour mettre en route ses réformes et sa politique anti-austérité et commencer à sortir le pays du trou dans lequel il a été plongé.

Il s’agit d’une prolongation de seulement 4 mois de l’assistance financière accordé à la Grèce en contrepartie d’un certain nombre de réformes.

Cet accord c’est d’abord un renversement de la façon dont les choses se réglaient. Auparavant la troïka envoyait par e-mail ce que le gouvernement grec avait à faire et il entérinait. Maintenant c’est le gouvernement grec qui élabore ses réformes qui sont ensuite négociées avec les institutions européennes. Un renversement en faveur de la dignité et de la souveraineté du peuple grec.

Cet accord permet à la Grèce d’obtenir le versement des 7 milliard d’€ prévu par la dernière partie plan d’assistance : 1,8 milliard d’euros pour le MES (3), une ristourne sur les intérêts et les plus-values versées par la Grèce et une nouvelle tranche d’aide du FMI. 7 milliards serviront à rembourser ses créanciers : 2 milliards d’euros d’intérêts à ses créanciers publics et privés, début mars et 1,6 milliards, fin mars, au FMI. En juillet et août, c’est au total 7,5 milliards d’euros que la Grèce doit payer à la BCE en remboursement des titres de sa dette arrivés à échéance et en paiement des intérêts. Donc ce qui rentre correspond à ce qui sort pour alimenter le FMI, la BCE et les autres banques créancières. C’est de cette situation que veut sortir la coalition dirigée par Syriza. Sortir du « trou noir de la dette » comme le dit Tsypras, le 1er ministre grec, dans son interview au Spiegel du 7 mars dernier : « L’argent qui a coulé vers la Grèce visait à sauver les banques - il n’a pas résolu notre problème de liquidités. »

Quelles sont les principales réformes que le gouvernement s’est engagé à mettre en route avec cet accord ?

- D’abord une lutte résolue contre la fraude et l’évasion fiscale à grande échelle. Des mesure qui étaient déjà dans l’ancien mémorandum mais que la Troïka s’était bien gardée de faire appliquer.
Les plus riches sont sous imposés et échappent à l’impôt alors que les salariés sont prélevés à la source. L’évasion fiscale est évaluée à au moins 20 milliards d’€ par an. Jusqu’à présent se sont seulement les couches les plus populaires et non les riches qui ont payé. L’église ne paye pas d’impôt alors qu’elle est le premier propriétaire foncier. Les armateurs non plus parce qu’ils sont domiciliés à l’étranger. Un ministre d’état responsable de la lutte contre l’évasion fiscale a été nommé, un ancien procureur surnommé « l’incorruptible ».

- Faire de la lutte contre la corruption une priorité nationale.

- Collaborer avec la direction des banques et les institutions pour éviter des ventes aux enchères de la résidence principale des ménages en dessous d’un certain seuil de revenu. Soutenir les ménages les plus vulnérables qui sont incapables de rembourser leurs prêts.

- Ne pas revenir sur les privatisations qui ont été achevées. Lorsque le processus d’appel d’offres a été lancé le gouvernement respectera le processus, conformément à la loi.

- Préserver la fourniture de biens et services publics de base par les entreprises privatisées.

- Adopter les meilleures pratiques de l’UE en matière de législations du travail grâce à un processus de consultation avec les partenaires sociaux et avec l’expertise et la contribution de l’OIT et de l’OCDE.

- L’augmentation du salaire minimum est réaffirmée mais sans calendrier précis.

- Le gouvernement grec y réaffirme sa volonté de mettre en œuvre son programme de « salut social ». Un projet de loi en ce sens a déjà été présenté au parlement avec le rétablissement du courant chez les ménages ne pouvant plus payer l’électricité et la fourniture de 300 kWh d’électricité gratuite, une aide au logement de 70 à 220 € par mois pour 30 000 foyers, une aide alimentaire pour 300 000 personnes. Quatre autres projet de lois prévoient le règlement des arriérés au fisc selon des modalités favorables aux contribuables modestes, l’interdiction de la saisie des résidences principales pour cause de dette, la reconstitution de l’audiovisuel public et la constitution d’une commission d’enquête sur les responsabilités des politiques qui ont conduit à la signature des mémorandums.

Avec cet accord et grâce à la mobilisation des grecs et aux soutien qui se font jour dans la population d’autres pays de l’UE, le gouvernement grec a donc réussi a préserver l’essentiel de sa capacité à atteindre ses objectifs à long terme : rompre avec l’austérité, relancer l’économie, en finir avec le clientélisme et l’oligarchie économique.

Mais les responsables des institutions européennes et des gouvernements européens en demandent chaque jour davantage.

Fin février la directrice générale du FMI, Christine Lagarde, a condamné l’accord au motif que celui-ci « manque d’assurances claires » sur la poursuite des dispositions souscrites par le précédent gouvernement, notamment au plan des réformes du marché du travail (http://www.imf.org). Le président de l’eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, a lui estimé que les propositions de réformes grecques sont "loin d’être complètes.", et le 10 mars dernier il a déclaré : « s’il y a une pression sur la liquidité de l’Etat grec, ceci pourrait aider à accélérer la mise en œuvre des réformes ». Donc tenter d’étrangler financièrement la Grèce pour faire capituler son gouvernement démocratiquement élu.

Actuellement les 7 milliards d’euros ne sont toujours pas versés. Il faut maintenant que le gouvernement grec accepte de se soumettre à un nouvel examen de ses comptes.

La Grèce doit rembourser au FMI, à la BCE et aux banques privées, plus de 20 milliards d’euros sur l’ensemble de l’année 2015.

Le gouvernement grec a fait la proposition d’émettre des obligations d’État à court terme qui pourraient remplacer une partie de la dette et qui seraient indexées sur la croissance. Mais il faut pour cela l’accord de la BCE qui le lui refuse.

Pour l’instant le gouvernement de F. Hollande participe à ce chantage.

L’enjeu est bien très politique : prouver par les faits qu’aucune alternative n’est possible. L’objectif est bien de faire un exemple dissuasif. Eviter que le vote pour Syriza puisse faire tache d’huile.

La confrontation va donc se poursuivre d’autant qu’avec l’approche de l’échéance du mois de juin et les remboursements de près de 10 milliards d’ € dès cet été, va venir un nouveau débat, celui d’une restructuration et/ou d’une annulation d’une partie de la dette grecque.

« La BCE tient toujours la corde qui est autour de notre cou » a déclaré Alexandre Tsypras dans son interview à Spiegel le 7 mars dernier. Il poursuivait : « Si l’Europe réagit avec une arrogance punitive, la Grèce serait progressivement étouffée. Alors le risque ne serait plus juste financier, mais aussi politique. Punir le peuple grec d’avoir voté Syriza, d’avoir voulu desserrer l’étreinte des politiques d’austérité, briser cette tentative d’alternative progressiste, c’est encore renforcer les mouvements d’extrême droite ultra-nationalistes".
Pendant toute la durée des négociations, nous avons expérimenté la solidarité de toute l’Europe d’une façon que nous n’avions pas vue depuis l’époque de la dictature. (...) il ne s’agit pas d’un affrontement entre les gens - c’est un affrontement entre les forces conservatrices et de gauche. (...) »
(http://www.spiegel.de). Les forces de gauche qui ne se sont pas ralliées aux politiques libérales.

Georges Günther

(1) 11 millions d’habitants, 2 % du PIB de l’Union Européenne, 25 % pour la France.

(2) La réunion de l’ensemble des ministres des finances de la zone euro

(3) Le Mécanisme de Stablité Européen.

Voir aussi : Ce qui commence en Grèce...