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Des procès pour imposer une loi contre le travail

lundi 7 novembre 2016, par Roger Dubien

Ce texte a paru dans l’édition de mi-octobre du Paysan d’Auvergne, qui publie maintenant chaque mois un "4 pages" de la Confédération Paysanne de la Loire

Depuis février, le mouvement contre la « loi travail » est tenace. Dans la Loire, sans aucune violence physique, des centaines de jeunes ont rythmé les manifestations par des actions symboliques fortes : construction du « mur du dialogue social » devant la Préfecture le 31 mars, dénonciation des banques le 9 avril, guillotinage du code du travail devant la mairie le 28 avril, parade des esclaves du Medef le 3 mai, manif-riposte au 49-3 le 10 mai, interpellation du député Gagnaire le 12 mai (1)...

Les actions continuent : une mauvaise loi doit être abrogée. Mais les poursuites se multiplient. Et suite à la manifestation du 12 mai au cours de laquelle, sans destruction, les jeunes ont accroché une banderole au balcon de la permanence d’un député en pointe sur la loi travail et le 49-3, Martin, Nina, Jules et Yvan ont été jugés le 13 juillet. 5700 personnes avaient rejoint leur comité de soutien (6 700 aujourd’hui), et nous étions un millier à les accompagner au Tribunal.

Au Palais de Justice de St-Etienne le 13 juillet : Nina, 24 ans, Jules, 25 ans, Yvan, 29 ans, et Martin, 24 ans, syndicalistes cgt et militants jc, que le ministre de l’intérieur Cazeneuve a qualifié de « professionnels de la haine » lors de sa venue dans la Loire le 13 mai. Photo Martine Chevalier.

Nina, Jules et Yvan - menacés de peines de prison et de 8500 euros d’indemnités aux policiers - ont été relaxés par le Tribunal. L’accusation s’est effondrée, et d’ailleurs elle n’a pas montré la vidéo de la permanence. Mais le Procureur - qui dépend du ministre de la Justice et du gouvernement - a fait appel, et ils seront rejugés.

Le verdict pour Martin est tombé le 6 septembre. Déclaré coupable d’avoir à lui tout seul blessé 7 policiers en moins d’une minute quand ils ont chargé la manifestation, il a été condamné à 8 mois de prison avec sursis, 3850 euros d’indemnités aux policiers et 5 ans d’interdiction de fonction publique. Martin a fait appel.

Mater la jeunesse qui résiste à la destruction du code du travail et à l’ubérisation de la société.

C’est que cette « loi travail » n’est pas un peu de souplesse dans un monde changeant, c’est la possibilité pour l’employeur d’imposer sa loi dans chaque entreprise (article 2 : primauté de l’accord d’entreprise sur la loi et sur la convention collective de branche). « Loi travail, outil du capital » : le patronat veut s’exonérer de toutes les contraintes et protections (cotisations sociales, conditions de travail, reconnaissance de la qualification du poste par les conventions collectives) que les salariés ont obtenu au cours du dernier siècle en contrepartie de la subordination à l’employeur qui caractérise l’emploi. Et aussi pousser cette jeunesse - qui en a marre des boulots de merde (on a entendu dans les manifestations : « le salariat c’est l’esclavage ») et recherche un travail qui aie du sens - vers « l’auto-entreprenariat » qui permet aux capitalistes une lourde prédation sur la valeur économique créée par le travail.

Le MEDEF veut détruire l’emploi tel que réglementé par le code du travail. Mais pas pour aller vers mieux avec le salaire à vie de la fonction publique qui reconnaît la qualification de la personne. Pour régresser vers des infra-emplois, et vers une exploitation féroce sur le marché des biens et services.

Les paysans sont bien placés pour comprendre cette aspiration des jeunes à faire un travail utile et qu’ils maîtrisent. C’est sans doute parce qu’elle est au cœur de leur vie qu’ils s’accrochent à leur métier même dans les pires difficultés. Mais les paysans savent aussi par expérience que ce n’est pas parce qu’on est indépendant et qu’on vend sa production sur un marché qu’on maîtrise la valeur de ce qu’on produit. Avec la dérégulation et le pouvoir des firmes, une grande partie de la valeur économique créée par leur travail est pompée en amont (prix des semences, du matériel agricole, remboursement des emprunts) et en aval (bas prix du lait et des produits agricoles, sous-payés par l’industrie agro-alimentaire et la grande distribution)...

Cette « loi travail » ne peut laisser personne indifférent. Salariés, paysans et d’autres travailleurs indépendants sont en réalité confrontés aux mêmes prédateurs de la valeur économique qu’ils créent, et ont le même besoin de libérer le travail. Il serait utile d’en parler ensemble, non ?

Roger Dubien
Réseaux citoyens de St-Etienne

(1) http://www.reseauxcitoyens-st-etienne.org/article.php3?id_article=3356

Le site du Paysan d’Auvergne :
http://paysandauvergne.fr