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Une école pour tou(te)s !

Le racisme dévoilé

80 participant(e)s vendredi à Montreynaud à la soirée du Collectif contre une loi d’exclusion

mardi 21 septembre 2004

Des jeunes pour la plupart, garçons et filles, lycéens et étudiants...
Présentée par Ahmed Abdelouadoud et Amina Sahel, la soirée (1) a commencé par la projection du film "Un racisme à peine voilé", en présence Jérôme Host, réalisateur, et de plusieurs des membres de la (jeune) équipe, alsacienne (de souche !), de La Flèche Production et du Festival permanent contre les idées racistes de Strasbourg.

Ce film, il faut le voir ! Parce qu’il montre et démonte le processus qui a abouti au vote de cette loi discriminatoire contre une partie de la population et de la jeunesse française. Le film donne la parole aux uns et aux autres, et on voit au fur et à mesure où toute cette affaire veut en venir et nous conduire...
Une affaire à travers laquelle ses promoteurs, pour citer Pierre Bourdieu  "ont livré leurs prises de position inavouées sur le problème de l’immigration : du fait que la question patente - faut-il ou non accepter à l’école le port du voile dit islamique ? - occulte la question latente - faut-il ou non accepter en France les immigrés d’origine nord-africaine ? - , ils peuvent donner à cette dernière une réponse autrement inavouable."
Ce film (2), donc, est appelé à circuler largement dans les prochains mois et années. Puisque cette affaire, quoiqu’en dise ses promoteurs, durera des années, et qu’il faudra bien revenir en arrière - une loi injuste doit être abrogée un jour ou l’autre (tiens, au fait : voici un point à inscrire dans le programme d’urgence d’une gauche qui voudrait "(re ?)venir au pouvoir" pour transformer la société, cette fois...).

Après le film, discussion...

Et d’abord le témoignage de Jérôme HOST, réalisateur du film... Il fait partie d’un collectif de vidéastes. Ayant été surveillant d’externat, il a beaucoup côtoyé des jeunes filles voilées. Il a constaté un grand décalage entre ce qui pouvait être dit sur ces jeunes filles et ce qu’il voyait dans la réalité. D’où l’idée de réaliser un film qui redonnerait la parole à ces jeunes filles.
Le collectif "Une école pour tous" de Strasbourg est, lui, né du Collectif "Voix de musulmanes", une cinquantaine de jeunes filles et de jeunes femmes qui ont commencé en février 2004 un travail d’information auprès des lycéens et des lycéennes.
Jérôme est membre du "Festival permanent contre les idées racistes", qui est proche du MIB (Mouvement Immigration et Banlieue). Ils ont rejoint le collectif.
Pour lui, la lutte ne fait que commencer. "Une loi votée peut être abrogée." D’ailleurs, "dans un an il est prévu de faire un bilan de la loi. Et on va montrer combien c’est mauvais".
Parce que contrairement a tout ce qui a été dit, la rentrée ne s’est pas bien déroulée. Beaucoup de jeunes filles refusent d’enlever leur voile et sont consignées dans une salle. Dans les cas recensés, on ne compte même pas les jeunes filles qui se sont auto-exclues. L’auto-exclusion est un cadeau pour les auteurs de cette loi. Et ça ne rentre pas dans les chiffres...
Oui, il y a des moyens de s’organiser. Sur Strasbourg, beaucoup de débat ont lieu, ils ont déjà distribué environ 30 000 tracts dans les lycées pour dénoncer cette loi. Car il faut absolument que les lycéens très majoritairement opposés à cette loi discriminatoire (D’après un sondage, 80% des élèves sont contre cette loi) puissent défendre leurs camarades.
Agir, il le faut aussi parce que "la question du foulard n’est qu’une étape. Cette loi a été voté pour interdire une visibilité plus grande de l’islam en France. Beaucoup de jeunes qui revendiquent leur appartenance a cette religion, s’impliquent en même temps dans la vie citoyenne". Avec cette loi, on a voulu "remettre les bougnoules à leur place" comme le montre dans le film Pierre Tévanian, enseignant en région parisienne.
"C’est une politique à base de dressage, d’exception. Si l’on n’y met pas le holà dès maintenant, il y aura d’autres étapes encore..."

Si l’on voit de quoi il s’agit, que peut-on faire ?
D’abord, contrairement à la version officielle largement relayée par la plupart des médias, les choses ne se passent pas bien en cette rentrée. En France, des centaines de jeunes filles sont déjà ou vont être exclues du droit aux études. Même les bandanas sont refusés.
Sur Saint-Etienne : "depuis la rentrée, le rectorat a recensé "8 cas qui poseraient problème". 4 dans un même collège et 4 dans 2 lycées" explique Ahmed.
"Pour le collège en question : Marc Seguin, à Montreynaud, pendant plusieurs années, 10 élèves portaient le voile, ça ne posait pas de problème, elles étaient même citées en exemple par le proviseur pour leurs études. Aujourd’hui, dans ce même collège, le règlement intérieur stipule que tous les couvre-chef sont interdits.
Pour le lycée, c’est pire. En effet, au mois de juin, le proviseur avait assuré les parents que le port d’un bandana serait toléré. La rentrée "fraternelle" et le travail formidable des chef d’établissements (dixit Fillon) ont conduit ce proviseur a outrepasser la loi...Après intervention du rectorat, il s’est ravisé..."

On a aussi entendu le témoignage totalement inattendu d’une jeune fille qui a renoncé à faire la rentrée au Lycée d’Alembert, à St-Etienne, pour ne plus subir les brimades et pressions auxquelles elle a eu droit l’an passé. Sachant de plus quelle serait la conclusion de l’affaire : le renvoi. "Cette année, j’ai décidé de ne plus aller à l’école. L’année dernière, sans cette loi, c’était déjà très dur. On était considérées comme des pestiférées. On avait toujours droit a des remarques méchantes. Pour cette rentrée, j’en ai eu marre, je ne voulais plus revivre cela."
Se soumettre ? Elle explique l’expérience de certaines de ses amies, l’an passé : "on peut enlever le voile au portail, c’est pire, après, dedans. On a des remarques sur tout..."

On comprend en l’écoutant que personne ne décidera à sa place. "J’ai la carte d’identité française". Elle a aussi un bagage culturel et une dignité qu’on aimerait rencontrer chez les partisans de la discrimination...
Elle ne pourra pas passer son bac. Gâchis. Mais on en reparlera très certainement... Bon courage à celui qui voudra la "faire rentrer dans l’invisibilité."

On a entendu aussi le témoignage d’un père, dont deux des trois filles collégiennes et lycéenne sont en instance d’exclusion. La troisième : non : elle ne porte pas le voile. Ce sont les filles qui décident.
"Ma fille est actuellement au lycée (Mimard), elle est mise à l’écart des autres élèves. Elle passe sa journée enfermée dans une salle. Au départ, on lui avait même interdit de se rendre en récréation ou de se mettre à la fenêtre.
La période de réflexion est surtout une période de pression afin que ma fille enlève son voile. Le proviseur lui a même dit que si elle ne l’enlevait pas, elle allait rater ses études et dans 2 ans, elle serait mariée de force avec une ribambelles d’enfants. C’est n’importe quoi. J’ai trois filles, deux sont voilées et la troisième ne l’est pas. C’est avant tout leur choix.
On fait même pression sur les amies de ma fille en leur interdisant de la fréquenter sous peine de convoquer leur parents."

Quelqu’un témoigne aussi des dérives qui se multiplient dans cette "ambiance", comme cette femme qui s’est fait insulter dans la rue : "saloperie de femme voilée "...
Moussa a rappelé qu’au plus fort de la guerre d’Algérie, à la fin des années 50, l’armée française avait organisé des "dévoilements" publics de femmes voilées. L’histoire bégaie...

Dans ces conditions, la solution n’est-elle pas tout simplement de créer des écoles musulmanes ?
Cela se fera probablement, vu la situation. Mais cela pose plusieurs problèmes.
Financier bien sûr, s’il faut payer 1 500 euros / an, qui pourra ? "Le coût des inscriptions dans ces écoles est encore très élevé. Elles ne sont donc accessibles qu’à ceux qui peuvent en payer le prix. Ca pénalisera encore ceux qui n’en auront pas les moyens", a rappelé Ahmed.
Christelle Husson, membre du Collectif une Ecole Pour Tous-tes Strasbourg, pense que : "bien sûr, cela peut être une solution. Malheureusement, ce genre d’écoles ne pourra voir le jour que dans quelques années. Pour construire une école, il faut réunir des fonds, cela peut prendre un certain temps. De plus pour pouvoir enseigner il faut avoir un agrément du Rectorat. Les quelques écoles musulmanes qui existent actuellement en France (une à Lille et une à Paris) ont beaucoup de mal à l’obtenir, on leur met des bâtons dans les roues."

Cela pose aussi une question de principe : n’est-ce pas accepter la mise en place durable de la ségrégation, des discriminations, du racisme ? Ce que cherchent au fond les promoteurs de la loi...
Yves, enseignant, et syndicaliste ,estime que ce serait accepter cette dérive. "Si le service public n’accueille pas tout le monde, il s’affaiblit. La création d’écoles privées renforcerait la destruction du service public."

La discussion vient alors sur l’attitude des enseignants -et le film pose le problème -, dont une partie est mobilisée en faveur des discriminations. Son expérience est que "il y a énormément de discussions entre eux, beaucoup ne sont pas d’accord avec cette loi. Il faudrait trouver un moyen de dialoguer avec eux."

Et du côté juridique, que peut-on faire ? Quels recours sur le plan Européen ?
Il y a le "comité 15 mars" qui a mis en place un numéro vert et qui s’occupe notamment des questions juridiques. Bien sûr, il ne faut pas hésiter à utiliser ce recours, mais il y a assez peu de chances que cela aboutisse. Au niveau de l’Europe, vu la guerre faite à l’islam au plan mondial, il ne faut pas trop attendre de résultat. L’Europe ne veut pas mettre de freins à cette dérive...

Le terrain de l’action se situe plutôt sur celui des idées. Il faut contester cette loi par tous les moyens, faire prendre conscience à la société de ce qu’elle signifie, faire bouger l’opinion publique.
C’est l’avis de Raymond Vasselon, responsable d’une association laïque : "On fera reculer cette loi en faisant reculer les idées qui ont permis qu’elle passe dans la population".

Le Collectif "Une école pour tous-toutes 42" va donc développer son travail.

En 2005, par exemple, on va fêter le centenaire de la loi de 1905. Cela pourrait être l’occasion d’organiser une réflexion sur la laïcité, en s’appuyant par exemple sur les travaux de la commission "Islam et Laïcité". ( Voir le site islam et laïcité)
Il faudra bien l’avoir, cette discussion, puisqu’une certaine conception de la laïcité veut faire en sorte que "la laïcité ne soit pas l’espace d’expression libre de toutes les croyances, mais l’expression d’UNE croyance" - la lutte contre les religions - , et "se vit dans les catégories du religieux."

Bref, l’action du collectif contre cette loi discriminatoire ne fait que commencer.

Une réunion de travail du Collectif Une école pour tous-toutes 42 aura lieu vendredi 1er octobre à 18h au Centre Al Qalam 58 rue Balay à St-Etienne.
Elle est ouverte à toutes et à tous.

(1) Organisations partenaires de cette initiative : Forum des réseaux citoyens, APEIS, Centre Al Qalam, Réseau Egalité des Droits et Lutte contre le Racisme, Réseau Action Jeunes.

(2) Ce film existe en cassette vidéo. Des soirées ciné-débat sont en cours d’organisation dans toute la France. Voir la liste des projections sur le site web de La Flèche Production

On peut acheter la cassette dans divers lieux. Notamment à Al Qalam, 58 rue Balay à St-Etienne (15 euros).
Contact avec le collectif cept42 : cept42@hotmail.com.

Messages

  • Les rencontres Islam & Laicité de juin 2004 et les
    nouveautés parues sur le site Islam & laïcité
    (1er septembre 2004)

    - 1905 - historique, par Alain Bondeele
    Alain Bondeelle dresse l’historique de la loi de séparation des Eglises et de l’Etat de 1905 en mettant en regard les conflits mais aussi les changements de cultures ou de mentalités qui l’ont accompagnée et rendue nécessaire.
    http://islamlaicite.org/article247.html

    - Les courants actuels, par Joël Roman
    Joel Roman dresse le tableau des courants en présence dans le débat sur la laïcité en France, des années 70 à aujourd’hui.
    http://islamlaicite.org/article248.html

    - Les conséquences du débat récent auprès des musulmans par Saïda Kada
    Saïda Kada analyse l’hystérie à l’oeuvre vis-à-vis de la question de l’Islam et les conséquences de la loi sur la communauté musulmane.
    http://islamlaicite.org/article246.html

    - Les interprétations de la laïcité dans les courants de pensée musulmans, par Tariq Ramadan
    Tariq Ramadan analyse l’inscription de la laïcité dans les différents courants de pensée musulmans présents aujourd’hui en France et plus généralement dans le monde.
    http://islamlaicite.org/article245.html

    Vous pouvez choisir d’écoutez (format real player) ou de télécharger (format .mp3) les interventions.

    Contributions aux débats
    - Le traitement médiatique de la laïcité à travers le débat sur le voile, par Dominique Pinsolle
    Ce débat organisé dans le cadre de la 25e Université d’été de la communication d’Hourtin a abordé les problèmes posés par le traitement médiatique de la question du voile : simplification à outrance, caricature, surmédiatisaion, manque d’analyses critiques... Ce traitement-là était-il inévitable ?
    http://www.islamlaicite.org/article249.html

    - Commission Stasi, voile et télévision, par Dominique Pinsolle
    Dans une conférence donnée dans le cadre de "l’Université detous les savoirs" (16-07-2004), Daniel Schneidermann revient sur les relations entre les travaux de la commission Stasi et le traitement de l’"affaire du voile" à la télévision.
    http://islamlaicite.org/article244.html

    Voir en ligne : Le site de la commission Islam & Laïcité

  • Accès à l’école des mères de familles musulmanes portant un foulard
    20 septembre 2004

    "La loi sur la laïcité du 15 mars 2004 qui interdit aux élèves le port de tout signe marquant ostensiblement leur appartenance religieuse fait l’objet d’interprétations abusives concernant les mères de familles.
    Rappelons que cette loi ne s’applique qu’aux élèves, cela est clairement affirmé dans le texte.

    Le monde enseignant doit lire la loi et non l’interpréter à sa façon.

    La circulaire d’application précise que cette loi ne s’applique pas aux parents.

    Nous sommes confrontés à plusieurs type de situations :

    1 – Refus de laisser entrer dans la cour ou dans la classe une maman qui vient chercher son enfant ou parler à l’enseignant, au motif qu’elle porte un foulard.

    C’est une attitude inadmissible et illégale qu’il faut dénoncer avec la plus grande fermeté.

    2 – Exclusion de conseil d’école ou d’administration, ou de réunions diverses de mères portant un foulard.

    Même réponse que précédemment.

    3 – Interdiction d’accompagner les sorties scolaires.

    Nous avons interrogé la direction des affaires juridiques du ministère.

    Les avis des juristes sont partagés.

    Un parent bénévole qui accompagne une sortie est-il assimilé à un agent du service public et par conséquent doit-il respecter le principe de neutralité qui s’applique aux fonctionnaires ou intervient-il en tant que parent permettant souvent qu’une sortie se réalise en palliant les carences en personnels du service public ?

    L’accompagnement bénévole occasionnel peut-il être traité de la même façon qu’une intervention régulière indemnisée ou rémunérée ?

    Le ministère n’a pas tranché.

    Aucune consigne écrite ministérielle n’a été donnée, contrairement à ce qu’affirment certains Inspecteurs d’académie ou certains Directeurs d’école.

    Dans l’attente d’une clarification juridique nous devons soutenir ces mères que l’on exclut arbitrairement d’une activité alors qu’on les acceptaient jusque là.

    Certaines d’entre elles sont actives à la FCPE, elles souhaitent, comme les autres mères, participer à la vie de l’école. Nous ne pouvons cautionner qu’on les rejette au nom d’interprétations abusives, d’amalgames et d’une méconnaissance affligeante de la loi."

  • Message de Christel, sur la liste du Collectif "Une école pour tou-te-s" dimanche 3 octobre :

    "(...) Hier, samedi 2 octobre, le collectif « école pour toutes/tous »de Strasbourg a organisé un rassemblement sur la place du centre ville, Place Kleber, avec prise de parole, sono, table de presse, le rassemblement a commencé à 15h, il s’est terminé vers 18h. Il y a eu environ 200 personnes présentes, les prises de parole ont été nombreuses, pendant plus d’une heure se sont succédés des témoignages multiples : présentation et prise de position du collectif, témoignages émouvants d’une lycéenne du collectif qui a enlevé son foulard, et d’une autre lycéenne qui s’est rasée la tête (...), une professeur de strasbourg (elle a rejoint le collectif) qui a démissionné est également intervenue, un lycéen également, un professeur de philosophie à la retraite, un autre jeune homme appellant à la grève des lycéens, tous ces témoignages et discours ont créé une atmosphère émouvante et combative, et de solidarité. Ensuite, au son de darboukas et des chants-slogans criés nous avons fait une grande ronde sur la place avec un grand nombre des gens présents, cela a duré plus d’une heure, c’était très chaleureux, d’autres discutaient autour de la table de presse, bref ça été très motivant avec de nombreux échanges de contact. Des actions à multiplier, et qui gagneraient sûrement en puissance et en poids, si on pouvait des fois se coordonner tous ensemble dans sa ville respective sur une même date...
    Courage à toutes et tous, Christel - Strasbourg"