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L’Assemblée internationale des mouvements anti-guerre et anti-mondialisation vient de se tenir à Beyrouth...

Compte-rendu, décisions, et texte de la "déclaration de Beyrouth"...

jeudi 30 septembre 2004, par José Luis Moraguès

José-Luis Moraguès, de Montpellier, à participé pour la CCIPPP (Campagne civile internationale de protection du peuple palestinien - mouvement qui organise des "missions civiles" en Palestine), à l’Assemblée qui s’est tenue à Beyrouth du 17 au 19 septembre. Il présente le sens et les décisions de cette Assemblée... Merci de cette information et de ce témoignage.

Les promesses de Djakarta

Au sein des Forums Sociaux (mondiaux, européens...), divers mouvements sociaux de la planète ont progressivement affiné leurs analyses et tissé des liens à partir des nombreux points de convergence. La conférence de Djakarta, en Indonésie (19-21 Mai 2004), marque une avancée dans le processus d’échange et de coordination de ces forces.
Ont participé à Djakarta : "des représentants de l’ Asian Peace Alliance, un large réseau d’organisations antiguerres de toute l’Asie ; la Stop the War Coalition britannique, qui a organisé les manifestations historiques de Londres ; United for Peace and Justice, la plus grande coalition antiguerre des Etats-Unis ; le Forum social italien, organisateur clé de la manifestation d’un million de personnes durant le Forum social européen de l’année passée ; la Istanbul No to War Coordination, qui était responsable des actions massives en Turquie ; et Books not Bombs, un mouvement lycéen australien, ainsi que bon nombre d’autres coalitions nationales antiguerre.
D’autres mouvements étaient aussi représentés : des militants irakiens pour la démocratie, les organisateurs/trices du prochain Forum social mondial en Inde, des déléguées de la Marche mondiale des Femmes, des syndicats indonésiens, le South Africa Anti-Privatization Forum, Greenpeace, Focus on the Global South et Jubilee South. D’autres délégué-e-s du Pakistan, de Palestine et un exilé irakien au Japon avaient l’intention de participer mais n’ont pas reçu de visa indonésien.
Les participants-tes venaient des 25 pays suivants : Afghanistan, Australie, Autriche, Brésil, Canada, Timor Oriental, France, Hong Kong, Inde, Indonésie, Irak, Israël, Italie, Japon, Corée, Liban, Malaisie, Pays-Bas, Nicaragua, Philippines, Afrique du Sud, Tunisie, Turquie, Royaume Uni et Etats-Unis. Cette conférence, centrée sur la question de l’Irak s’est conclue par le "consensus de paix de l’Irak" qui enclenche une série d’initiatives et d’actions en solidarité avec le peuple irakien.

Les avancées de Beyrouth

Il n’est pas exagéré de dire que le fruit le plus significatif de Djakarta n’est autre que l’assemblée internationale des mouvements anti-guerre et anti-mondialisation de Beyrouth (17-19 septembre 2004). De par sa composition, son ordre du jour et son lieu, cette assemblée concrétise parfaitement les intuitions et orientations politiques de Djakarta, à savoir :
- D’une part, établir une continuité d’analyses et d’actions effectives entre les mouvements anti-guerre et les mouvements des forums sociaux. C’est à dire traiter ensemble ces deux questions (la guerre totale et la mondialisation libérale) dont les liens sont devenus inextricables, ce qui appelle des réponses communes adaptées.
- Et d’autre part, intégrer dans ce combat les forces vives (anti-guerre et anti-mondialisation) du monde arabe et musulman, qui est aujourd’hui en première ligne dans la confrontation face à l’Empire. Si Djakarta était centré sur l’Irak, Beyrouth aborde conjointement les actions de solidarité avec le peuple irakien et palestinien tout en brisant l’isolement dans lequel la politique Bush-Sharon tente de jeter le monde arabe et musulman (et pas seulement du moyen orient !).
- Enfin, la tenue de cette conférence à Beyrouth, haut lieu de résistance contre l’invasion israélienne et au cœur même du monde arabe et musulman, que les occidentaux nomment "moyen orient" en souligne la signification symbolique.

Ce sont fondamentalement ces réponses que l’assemblée de Beyrouth apporte à la question unique qui lui était posée : "Quelle stratégie pour les mouvements anti-guerre et anti-mondialisation ?".
Dans sa remarquable intervention d’ouverture, Walden Bello président de cette assemblée, (membre de "Focus on a global south" qui a lancé cette initiative) a clairement posé les enjeux. "Nous avons deux défis majeurs - a-t-il dit en substance :
- Notre ennemi est parfaitement centralisé et ce, au niveau planétaire, aussi nous n’avons pas d’autre choix que celui d’atteindre nous-mêmes un tel niveau de coordination et de solidarité. Mais nous devons le faire avec un professionnalisme qui respecte nos pratiques démocratiques.
- L’autre défi consiste à combler le fossé qui existe entre le mouvement mondial pour la paix et la justice et son équivalent dans le monde arabe et musulman. Cette brèche que l’impérialisme exploite jusqu’à la garde vise à faire passer nos amis et camarades arabes et musulmans pour des terroristes et des soutiens du terrorisme.(...) et laissez-moi vous dire que sans de solides liens de solidarité avec le monde arabe et musulman nous ne pourrons pas vaincre la mondialisation et l’impérialisme".

Le second jour de l’assemblée paraissait dans As Safir, le quotidien le plus lu de Beyrouth, la lettre de Michel Warschawski, adressée à ses amis des mouvements anti guerre. Il y développe la même analyse en affirmant : "(...) Il est de la plus haute importance que le mouvement mondial anti-guerre s’enracine dans le monde arabe qui est la ligne de front de l’offensive impérialiste qui y mène actuellement deux batailles : en Irak et en Palestine."

Comme le 18 septembre est la date commémorative du massacre de Sabra et Shatila (1962),
toute l’assemblée s’est déplacée dans le camp pour une (émouvante) commémoration.

Des participants plus nombreux et divers

26 pays étaient représentés à Djakarta, 43 l’étaient à Beyrouth. 150 organisations inscrites en août, 230 délégués présents. Par souci de partager le maximum d’échanges, la plupart des séances ont été plénières (avec traductions simultanées en arabe, français, espagnol et anglais, grâce aux bénévoles de Babels, bravo !). Une demi-journée en sous groupes a permis de finaliser des actions concrètes de solidarité avec l’Irak et la Palestine.

Ce qui est extra-ordinaire - outre la présence des représentants (Argentine, Brésil,
Vénézuela, Etats-Unis et Canada, Afghanistan, Inde, Pakistan, Corée, Japon, Australie et de toute l’Europe), c’est l’importante mobilisation et participation du monde arabe : une délégation Palestinienne de 16 délégués (dont un tiers de femme) avec 2 délégués de Gaza qui ont réussi à passer. Une délégation de 21 Irakiens (dont plus d’un tiers de femmes) et des représentants-tes du Maroc, d’Egypte, du Liban, de Jordanie, de Syrie, de Tunisie, d’Algérie, etc.
La gauche libanaise : Parti Communiste, Parti Socialiste Progressiste (W. Jumblat), Coalition Al Liqaa, et le Hezbollah ont fait taire leurs divergences pour organiser l’accueil des délégations. (Le Hezbollah figure sur la liste des organisations terroristes aux USA !).

La délégation irakienne était constituée de plusieurs sensibilités politiques, depuis le Parti Communiste Direction Centrale, jusqu’aux partis religieux : le Comité des Oulemans, la Fédération Islamiste des Soufis, en passant par des représentants des villes de Nadjaf, Falouja. Egalement des membres du Parti Socialiste (nasserien), du Mouvement Nationaliste Arabe (nasserien), du Courant Démocratique National Irakien (CONDI), des Démocrates Irakiens contre l’occupation, du parti Démocratique, de l’association des prisonniers politiques de Basra, des représentants des tribus de Samara et des personnalités indépendantes, des femmes journaliste et avocates de Bagdad...

une partie de la délégation Irakienne à Sabra et Shatila

De leur propre bouche ils nous ont dit ne pas représenter tout l’éventail des courants politiques de l’Irak actuel. Bien sûr nos medias ne nous permettent pas de deviner l’émergence d’un vaste mouvement populaire d’opposition à l’occupation. On ne nous parle ici que de la barbarie de ces terroristes qui décapitent au sabre leurs prisonniers (que je sache, les civils hommes, femmes, enfants n’étaient pas sous anesthésie lors des bombardements de Faluja et Nadjaf). Vu d’ici il n’y a pas de résistance, seulement des groupes de bandits et de terroristes qui font des coups pour s’enrichir ou encore des intégristes religieux, qui s’enferment dans des lieux saints, par fanatisme cela va de soi. Mais savez-vous que depuis l’occupation 141 partis, associations ou ONG ont vu le jour en Irak ? C’est toute une société civile qui s’organise sur la base du refus, et de l’occupation, et du gouvernement fantoche lequel installe progressivement une nouvelle dictature. Fédérer, coordonner ces mouvements tout en conservant leur diversité est la tâche qui incombe aux Irakiens. _ Ce sont en tout cas les préoccupations et les objectifs des représentants qui se sont exprimés à Beyrouth et qui ont annoncé la tenue prochaine d’une assemblée constituante d’une coordination de la résistance irakienne. Cette assemblée a été préparée au cours de la rencontre tenue cet été (29-30 août encore à Beyrouth) et qui a rassemblé 333 représentants d’organisations diverses.

Conjointement à l’occupation de l’Irak, l’occupation de la Palestine a été au centre des travaux. Les 16 palestiniens présents (de Cisjordanie, de Gaza, des camps du Liban, Deishe) ont présenté la situation avec Jamal Juma coordinateur de la campagne "Stop the wall".
Une coordination internationale s’est mise en place et la "campagne internationale contre l’apartheid israélien" a été lancée.

José Luis Moraguès, CCIPPP.
Contact
Voir le site web de la CCIPPP-missions civiles

Le forum des réseaux citoyens de St-Etienne est signataire de l’appel à l’Assemblée de Beyrouth.

La Déclaration de Beyrouth

Déclaration de la réunion stratégique des mouvements anti-guerre et anti-mondialisation
Beyrouth, Liban - 17-19 septembre 2004. )

"Nous, délégués de mouvements sociaux, d’organisations, de partis politiques, de réseaux et de
coalitions de 43 pays qui luttons pour une paix et une justice globales, engagés pour l’égalité,
la solidarité et la diversité. Nous venons d’Amérique Latine, d’Amérique du Nord, d’Asie et
du Pacifique, d’Afrique, du Moyen-Orient et d’Europe et nous sommes engagés dans nos
propres campagnes et luttes contre la militarisation, la nucléarisation, les bases américaines et
la mondialisation libérale.

Réunis à Beyrouth dans un moment critique de l’histoire, nous saluons et célébrons cette
chance historique qui nous permet d’approfondir et de renforcer nos liens avec nos camarades
et amis du monde arabe. Nous réaffirmons les principes d’unité et les plans d’actions déjà
articulés dans le consensus de paix de Jakarta. Nous nous engageons également à poursuivre
la lutte contre l’occupation de l’Irak et de la Palestine, contre la mondialisation libérale et les
dictatures.

Nous exprimons notre solidarité avec les peuples qui, dans la région, luttent pour la
démocratie, les droits sociaux, économiques, politiques et civils, frappés par la répression du
fait de leur opposition à la dictature.

Le Moyen-Orient est un terrain de bataille stratégique pour les Etats-Unis. L’Irak et la
Palestine sont deux centres essentiels et critiques de l’agression et la résistance. La libération
des peuples iraquiens et palestiniens est cruciale afin de construire une justice globale. Leurs
luttes sont les notres.
- Nous soutenons le droit des peuples irakien et palestinien à résister aux occupations.
- Nous appelons au retrait inconditionnel des forces américaines et de la « coalition »,
d’Irak.
- Nous demandons la fin de l’occupation israélienne de la Palestine.
- Nous demandons que le droit au retour soit appliqué et jusque là, les réfugiés
palestiniens dans la diaspora ainsi que les réfugiés de l’intérieur doivent se voir
octroyer tous les droits économiques, politiques et sociaux.
- Nous dénonçons le caractère raciste et colonial du sionisme, idéologie de l’Etat
d’Israël.
- Nous demandons la destruction du Mur de l’Apartheid et le démantèlement des
colonies.
- Nous demandons la libération de tous les prisonniers politiques palestiniens et
irakiens.

Au moment de la célébration du 22 ème anniversaire de la résistance du peuple libanais et de la
commémoration du massacre de Sabra et Chatila, nous saluons la résistance libanaise qui
nous a tant inspiré dans le monde, et nous exprimons notre solidarité avec la résistance
libanaise qui se poursuit au Sud-Liban.

Nous construirons notre solidarité par des campagnes communes et une dynamique positive
de dialogue, ainsi que par des actions communes qui doivent se poursuivre."

 Lire la déclaration de Beyrouth en anglais sur le site de Global South