Mon site SPIP

Accueil > Collectif Liberté Justice Palestine > "Le dernier jour d’Yitzhak Rabin", d’Amos Gitaï, ce mardi 19 janvier à 19h30 (...)

"Le dernier jour d’Yitzhak Rabin", d’Amos Gitaï, ce mardi 19 janvier à 19h30 au Méliès St-François. Projection suivie d’un débat...

lundi 4 janvier 2016

Le dernier film d’Amos Gitaï est au programme du Méliès ces jours-ci. La projection de ce mardi soir 19 janvier sera suivie d’un débat avec des membres du collectif Liberté-Justice-Palestine.
Voir Le Méliès http://www.lemelies.com

Réalisé 20 ans après l’assassinat d’Yitzhak Rabin, et 22 ans après que celui-ci ait signé avec Yasser Arafat les "accords d’Oslo", ce film de 2h30 mêle documentaire (images d’archives) et fiction (reconstitution). Il entend décortiquer comment cet acte s’est déroulé de façon concrète, y compris les négligences étonnantes de la sécurité (les "défaillances opérationnelles", en reconstituant les débats de la "commission d’enquête") mais aussi et surtout montrer le contexte dans lequel a été organisé cet assassinat du 1er ministre israélien, tué par un religieux d’extrême-droite. Parce que c’est ce contexte qui a permis l’assassinat.

Du coup, ce film en dit long sur la société israélienne et les forces qui la travaillent. Société coloniale, qui ne se soude qu’autour de la guerre et de la haine des Palestiniens. On y voit par exemple le 1er ministre actuel Netanyahu, alors jeune loup du Likoud, dans l’opposition en 1995, mobiliser des foules qui traitaient Rabin de "traître" et scandaient "mort à Rabin", Netanyahu qui parlait à côté d’une affiche présentant Rabin en uniforme de la Gestapo, etc... Ce Netanyahu qu’Amos Gitaï considère comme "un type cynique, un idéologue de droite, habile mais sans limites morales ou éthiques."
La droite israélienne dans toute sa laideur, et ces religieux extrémistes dont les dirigeants israéliens ont fait le fer de lance de la création des colonies en Cisjordanie...
C’est un seul tueur qui a tiré. Mais ils sont nombreux à l’avoir programmé et à avoir préparé et espéré cet acte. Léa Rabin, épouse d’Yitzhak Rabin, met en cause à la fin du film "les maîtres à penser qui ont cultivé cette mauvaise herbe".
Or c’est cette équipe qui dirige aujourd’hui Israël, et c’est avec cette équipe que Hollande-Valls et Obama s’entendent très bien !

Pourquoi ont-ils assassiné Rabin ?

Y. Rabin venait - au lendemain de la 1ère intifada - de signer avec Yasser Arafat les accords d’Oslo, accords disant prévoir sous 5 ans la création d’un Etat palestinien. Avec le recul, on voit maintenant que ces accords rendaient impossible cet Etat palestinien et organisaient la poursuite de la dépossession des Palestiniens. Par exemple en divisant la Cisjordanie en 3 zones, dont deux entièrement contrôlées par l’armée israélienne, et la 3ème sous cette "Autorité Palestinienne" à laquelle la tâche première demandée a été d’assurer la sécurité de l’occupant. D’ailleurs, entre 1993 (signature des accords) et le 5 novembre 1995 (son assassinat au cours d’un meeting de campagne électorale), Y. Rabin a installé en Cisjordanie 60 000 nouveaux colons israéliens ! 100 000 colons en 1992. 160 000 colons en 1995...
Homme de paix, Rabin ? Pas vraiment. Il était le chef de l’armée pendant la guerre des 6 jours de 1967 au cours de laquelle furent occupées la Cisjordanie et Gaza, c’est-à-dire contrôlés 100% de la Palestine.
C’est aussi Rabin qui a réprimé la 1ère intifada, celles des années 80, donnant cet ordre du jour à ses soldats face aux jeunes palestiniens qui lançaient des pierres (cette intifada-là n’était pas armée) ; "brisez-leur les os". Et ce fut fait : les soldats cassaient les bras et les jambes de jeunes manifestants qu’ils attrapaient.
Mais après la 1ère Intifada, il fallait bien faire quelque chose. Et Rabin signa les "accords d’Oslo", qui proposaient de s’y prendre autrement pour que continue le sionisme. Et c’est ça qui était trop et pas assez pour la droite israélienne, et pas que pour elle, ainsi que la suite devait le montrer.

L’Etat palestinien promis était un leurre. Et d’ailleurs il aurait signifié l’abandon de l’essentiel des droits des Palestiniens. Par exemple, lors des dernières "négociations" entre Arafat et Barak (travailliste) et Clinton en 2001 à Taba - négociations présentées comme un quasi-accord finalement non signé par Barak puis rejeté par Sharon -, les dirigeants israéliens acceptaient le retour de seulement 40 000 Palestiniens parmi les 3,7 millions chassés en 1948 (ou leurs enfants) qui pouvaient prétendre rentrer en Israël en application de la Justice la plus élémentaire et de la résolution 194 de l’ONU de décembre 1948, toujours pas appliquée.
La suite des accords d’Oslo, leur utilisation par tous les dirigeants israéliens (Likoud et travaillistes) qui ont suivi, pour accentuer l’oppression des Palestiniens, ont fait comprendre ce que ces accords contenaient, et le piège qu’ils constituaient pour les Palestiniens.
Après 1995, les années ont montré que le "processus de paix" était une farce. Des "négociations" jamais terminées dans lesquelles les Palestiniens devaient sans cesse abandonner leurs droits. Et puis il y a eu Sharon et l’opération "rempart" en Cisjordanie. Le massacre de Jénine et d’autres. Et puis la nouvelle guerre contre le Liban (2006). Et puis les 2 massacres à Gaza. Et la construction du mur. Les assassinats quotidiens. Les démolitions de maisons, les vols de terres, l’implantation de toujours plus de colonies (plus de 500 000 colons aujourd’hui !), l’expulsion de palestiniens de Jérusalem...

Ceux qui entouraient Rabin ont ensuite soutenu le pire. Les choses se seraient-elles passées différemment si Rabin - qui était quand même d’une autre trempe que ceux qui lui ont succédé - n’avait pas été assassiné ? Personne ne peut refaire l’histoire ...
Amos Gitaï dit, lui, qu’aujourd’hui “le seul homme politique qui pose une alternative à Netanyahou est un homme mort : c’est Yitzhak Rabin”, ce qui n’est pas flatteur pour la soi-disant "gauche israélienne", qui a prétendu s’appeler "le camp de la paix", à commencer par ce Shimon Perès auquel le film fait quand même la part belle alors qu’il a participé à toutes les horreurs.

Cela dit le film de Gitaï crédibilise quand même cette idée d’une droite et d’une extrême droite religieuse et fasciste mais d’une gauche travailliste laïque qui serait pour la paix, qui formerait un "camp de la paix". Alors qu’il n’en est rien : la réalité est que les deux sont sionistes, et ce sont d’ailleurs les travaillistes qui ont été à la pointe du sionisme et de la dépossession des Palestiniens. Ce sont par exemple eux qui ont lancé dès 1967 la colonisation de la Cisjordanie, tout de suite après la guerre des 6 jours. En ayant l’idée "géniale" d’aller chercher pour ça le seul groupuscule religieux alors franchement sioniste (les religieux étaient avant largement anti-sionistes)... qui a ensuite prospéré au-delà de toutes les espérances.

Du coup, la question que n’aborde pas vraiment le film - même s’il constitue une plongée instructive dans la société israélienne -, le problème de fond en Israël-Palestine, c’est le sionisme : la séparation, l’oppression, l’apartheid, la depossession des Palestiniens, le refus du droit des réfugiés à revenir chez eux...
Comme en Afrique du Sud, et en sachant que ce sera forcément un processus, la solution est du côté de l’égalité des droits et de la construction d’un Etat commun dans lequel vivront ensemble les arabes palestiniens et les juifs israéliens, de la Méditerranée au Jourdain.

Difficile ? oui, mais plus difficile que la guerre infinie qui se déroule sous nos yeux et dont personne ne voit la fin si le sionisme est maintenu ?

Roger Dubien.

A lire :
- Une interview d’Amos Gitaï dans Télérama “Le seul homme politique qui pose une alternative à Netanyahou est un homme mort : c’est Yitzhak Rabin”

- Un texte d’Eric Hazan : Pour le boycott universitaire et culturel de l’Etat d’Israël"

- Un texte de Pierre Stambul