Mon site SPIP

Accueil > Justice sociale / Droits sociaux > Services publics > Contre la privatisation de Gaz de France, et contre la fusion avec (...)

Contre la privatisation de Gaz de France, et contre la fusion avec Suez-Lyonnaise des Eaux.

lundi 4 septembre 2006, par Roger Dubien

Cela fait plusieurs années que l’affaire est dans les tuyaux mais les marchands veulent maintenant aller vite. Ce jeudi 7 septembre s’ouvrira à l’Assemblée le débat sur la privatisation de GDF puis sa fusion avec Suez-Lyonnaise des Eaux. Une opération Chirac - Villepin - Sarkozy avec le soutien de tous les milieux financiers...

De quoi s’agit-il ?

D’une nouvelle étape (1) de la "libéralisation/dérèglementation" du secteur de l’énergie, de la privatisation et donc de la destruction d’un service public. Un processus engagé dès 1999, avec parmi les étapes décisives, la loi du 9 août 2004 qui a changé le statut des deux entreprises publiques EDF et GDF, qui d’établissements publics sont devenus des entreprises commerciales.
Sarkozy était alors ministre de l’économie et des finances. Et il avait d’ailleurs promis "Je l’affirme parce que c’est un engagement du gouvernement : EDF et Gaz de France ne seront pas privatisés" , et c’était même inscrit dans la loi, que jamais la part de l’Etat dans le capital ne descendrait en dessous de 70%. Mensonge, évidemment.
Depuis, la part de l’Etat dans EDF est passée à 85% (ouverture du capital et émission d’actions). Dans GDF, elle est d’environ 80%. Pour pouvoir faire la fusion avec Suez, cette part tomberait dans GDF à 34%. En attendant pire.

Que signifie cette privatisation ?

Cela signifie que le gaz deviendra encore plus une marchandise comme une autre, pour laquelle l’objectif sera non pas de fournir à chacun un bien indispensable au meilleur prix couvrant les coûts (ce qui déjà se discute), mais de réaliser le maximum de profits pour les actionnaires. En faisant les prix non pas les plus accessibles possibles, mais les plus élevés possibles.
Et le nouveau groupe GDF-Suez en aurait les moyens, avec dès le départ un chiffre d’affaires de 72 Milliards d’Euros... Il faut noter au passage que dans ce domaine là de son activité, Suez est d’abord un électricien, notamment en Belgique. Et on nous expliquait il y a peu qu’il fallait séparer gaz et électricité, GDF et EDF !

On ne va pas idéaliser les mérites du service public du gaz et de l’électricité tel qu’il fonctionne depuis de nombreuses années. Et il a encore bien reculé aux cours des derniers temps. Ici en France, tarifs élevés et coupures pour les pauvres, contre lesquelles c’est vrai se mobilisent des salariés de l’entreprise publique, même si c’est une minorité. Il y a aussi évidemment le problème du nucléaire, à rediscuter. Et dans le monde, EDF joue depuis pas mal d’années un rôle pas joli joli. Se comportant comme n’importe quelle entreprise capitaliste, l’entreprise publique française a mis la main sur d’autres entreprises de l’énergie, ni plus ni moins pour faire du fric.
Mais est-ce pour cela qu’il faut accepter d’aller vers bien pire ? C’est la stratégie des capitalistes : ils dégradent les services publics, et ensuite ils proposent comme "solution" de mettre totalement la main dessus. C’est comme pour la guerre : ils détruisent, puis ils installent l’OTAN pour "assurer la paix" (!!) et les groupes du BTP pour "reconstruire"...

Les conséquences, on les connaît...

Augmentation des tarifs

Aux stéphanois, le fait que ce projet de fusion soit avec Suez que nous connaissons surtout à travers la "Lyonnaise des Eaux" va rappeler des souvenirs douloureux : puisque ce sont la Lyonnaise et la Générale des Eaux qui ont mis la main en 1992 sur le service public municipal de l’eau à St-Etienne. Le résultat est que nous avons maintenant l’eau la plus chère de France parmi les grandes villes, alors que c’était l’une des moins chères. On voit donc à quoi s’en tenir.

D’ailleurs les tarifs ont déjà commencé à flamber. Parce qu’ils ont tendance à s’aligner non pas sur les coûts, mais sur les cours mondiaux. Et le "droit à l’énergie" - déjà bien théorique pour beaucoup de gens qui ont du mal à payer les factures - est largement remis en cause. Le prix du gaz a augmenté de 30% en 18 mois.

Attention : c’est le 1er juillet 2007 que va être "transposée dans le droit français" la directive européenne sur l’énergie concernant l’ouverture totale du marché de l’électricité pour les particuliers.
Depuis le 1er janvier 2004, cette "ouverture totale à la concurrence" (droit de se fournir auprès de n’importe quel privé, et tarifs libres pour les fournisseurs au lieu d’un tarif réglementé) était limitée aux entreprises.
On nous explique que "la concurrence", "le marché", ça fait baisser les prix. Les PME qui y ont cru et se sont embarquées là-dedans en savent quelque chose : leurs factures ont flambé. Elles paient l’électricité 66% plus cher que celles qui sont restées au tarif régulé. Au point que le gouvernement va faire voter un amendement limitant à 30% cette hausse des prix jusqu’en juin 2007, date à laquelle elle pourront rediscuter leur contrat... Mais à quel prix alors, puisque tout aura flambé ?
Et en plus c’est EDF qui dédommagera les groupes privés fournisseurs (type Poweo, Direct Energie ...) de leur "manque à gagner" ! Est-ce que quelqu’un se prépare à rembourser aussi les millions de personnes dont la facture va exploser dans les prochains mois avec la libéralisation totale pour les particuliers ?
Apparemment non, ce n’est pas le but.

Donc, comme toutes les expériences sans exception le prouvent, déréglementation - privatisation = flambée des tarifs. Une entreprise commerciale a pour objectif de vendre ses produits au prix le plus élevé acceptable par le consommateur. Et dans ce domaine, les prix tendent à s’aligner sur le coût mondial de l’électricité, dont la production est dominée par le pétrole...

Fin de toute maîtrise publique de l’énergie

L’énergie et l’accès à l’énergie, c’est quand même quelque chose de très important. Surtout avec les problèmes actuels de la planète et l’urgence à tout réorienter pour essayer d’enrayer la catastrophe écologique en cours. Or c’est le marché qui prendra toutes les décisions.
Evidemment, il y aurait beaucoup à dire sur ce qui se passe déjà dans ce domaine depuis des années. Mais si ça passe, ce sera de pire en pire.
On est parti vers un bazar du même type que pour les renseignements téléphoniques. Sauf que là, il s’agit de l’électricité et du gaz, dont on a quand même chaque jour plus besoin que du 12 ; ça promet !

Urgence d’une mobilisation citoyenne !

A l’Assemblée, les députés PS, PCF, Verts, promettent une bataille serrée pour bloquer le projet. Tant mieux. Même si on pense qu’il aurait mieux valu ne pas le mettre sur les rails parce que ce sont des "gouvernements de gauche" qui ont fait ça...
Le gouvernement Villepin-Sarkozy se prépare à utiliser le 49-3 pour passer en force.
Une journée d’action des personnels aura lieu le 12 septembre.
Les citoyens sont invités à exprimer leur opposition à cette privatisation - fusion. Sous toutes les formes que chacun peut imaginer, là où il se trouve.

Sur son site web www.edf-gdf-loire-cgt.com, le syndicat CGT d’EDF et GDF de la Loire appelle par exemple à intervenir auprès des députés et sénateurs pour exiger qu’ils refusent ce projet. Et déjà leur montrer qu’on n’est pas dupes et qu’on suit ce qui se passe...
Pour protester auprès des députés : http://www.assemblee-nationale.fr/12/qui/circonscriptions/
Et auprès des sénateurs : http://www.senat.fr/elus.html

On peut y lire aussi des informations sur les conséquences de ces orientations dans la Loire, se faire une idée de ce qui se prépare avec la libéralisation totale de l’électricité pour les particuliers au 1er juillet 2007. Non seulement l’augmentation du tarif de l’électricité et du gaz, mais aussi celle de tous les services annexes, la fermeture de centres, services d’accueil et sites techniques dans le département, la désorganisation du travail des 860 agents du service public dans le département (60 000 en France...).
La CGT propose un "pôle public de l’énergie" basé sur une fusion d’EDF et de Gaz de France.

Ce qui est sûr, c’est que nous avons besoin d’un service public de l’énergie. Qui ne fonctionne pas dans l’opacité. Dans lequel non seulement les salariés, mais aussi les utilisateurs, les citoyens, auront un réel pouvoir d’intervention.

Comme pour le CPE, il y a des moments où il faut empêcher une aggravation lourde de conséquences pour la suite. Essayons d’empêcher la privatisation de GDF et sa fusion avec Suez. A chacun de nous voir ce qu’il peut faire...

Roger Dubien


(1) Pour ne pas avoir la mémoire courte...

Ce samedi 2 septembre, le 1er secrétaire du PS a marié symboliquement EDF et GDF en mairie de Tulle, à l’initiative du syndicat CGT énergie Corrèze-Cantal. Pour soutenir la revendication du syndicat d’une fusion entre EDF et GDF.
Selon l’AFP, Hollande a interrogé les futurs mariés (Roger Déhaiffe et Aimée Lectricité de France) sur leur "volonté d’un accès pour tous à l’énergie, des prix égaux pour tous sur tout le territoire, un haut niveau de desserte et de sécurité et un pôle public de l’énergie". Il s’est prononcé pour une "grande entreprise énergétique en France, sous contrôle public, capable de préparer l’avenir du pays en termes d’approvisionnement et de sécurité".
Pourquoi pas ?
On se souviendra quand même que le processus actuel a été bien lancée en 2000 lors d’un Conseil européen tenu à Barcelone en Espagne, quand Chirac et Jospin (et donc le gouvernement PS-PCF-Verts) ont accepté le lancement de la privatisation d’EDF-GDF en 2004. Etait prévue dès ce moment l’ouverture totale à la concurrence pour les particuliers en juillet 2007, même s’il était question de le faire "après un bilan" des premières étapes.
Auparavant, c’était en mars 1999, l’Assemblée nationale avait décidé de mettre en oeuvre la directive européenne sur la libéralisation du marché du gaz et de l’électricité...
En 2004, au Parlement, tous les députés de gauche ont voté contre la loi changeant le statut d’EDF. Mais on était alors "dans l’opposition"...
Souhaitons que ce mariage-là soit sincère, lui.
Quoi qu’il en soit, le mieux à faire est que des millions de citoyens s’occupent de la question.