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Dans la Loire, un paysan sur trois a voté pour le projet et l’action de la Confédération paysanne.

lundi 12 février 2007

Autant le dire tout de suite, le résultat des élections aux Chambres d’agriculture, qui voit la FNSEA/JA rester majoritaire, et la Confédération paysanne reculer sensiblement, alors que le Coordination rurale, classée très à droite, étend son implantation et son audience, n’a pas de quoi réjouir, à commencer par les militants de la Conf’.
Après, il faut s’efforcer de comprendre ce qui a pu se passer... On peut ajouter qu’à deux mois et demi des présidentielles, cela fait aussi réfléchir plus globalement, au-delà du monde paysan.

D’abord, retour sur les chiffres...
Au plan national, en comptant les départements d’outre-mer, et contrairement à ce qui a été annoncé pendant quelques jours, la Conf’ reste la 2ème organisation agricole, avec 20,14% des voix, contre 54,9% à la FNSEA-JA et 18,7 à la Coordination rurale. En 2001, les résultats étaient respectivement : 26,8%, 52,8% et 12,2%. (1). Le recul de la Conf’ est quand même bien réel.

Dans la Loire, la Confédération paysanne a obtenu 32,4% des voix (au lieu de 39,6% en 2001), la FNSEA-JA 55,3% (60,4% en 2001), la Coordination rurale 12,3% (absente en 2001).
C’est clair que les militants et candidat-e-s de la Confédération paysanne, qui ont mené ces dernières années un énorme travail de terrain et aussi de propositions, attendaient autre chose. D’où une rude déception.
Une réflexion est donc nécessaire pour comprendre comment la FNSEA, une organisation qui soutient en réalité la dérive libérale et la diminution massive du nombre de paysans (même si au niveau du discours elle a infléchi), reste majoritaire parmi les paysans, et comment une organisation classée très à droite comme la Coordination rurale réussit une certaine percée.
Est-ce que c’est le projet d’une agriculture paysanne que les paysans rejettent ?

Apparemment plusieurs causes se sont ajoutées.
D’abord, dans la Loire comme dans de nombreux départements, la Coordination rurale présentait cette fois des candidats. Il y a eu comme un effet mécanique : des paysans, très opposés à la politique de la FNSEA et à ses relations avec les pouvoirs en place, et qui l’avaient sanctionnée en 2001 en votant pour la Conf’, ont apparemment cette fois-ci voté “Coordination rurale” dont le programme protestataire, corporatiste et pas antilibéral au fond leur va mieux que le projet d’agriculture solidaire de la Conf’. Surtout que l’identité, le projet de la Confédération paysanne s’est affirmé ces dernières années.
Soit dit en passant, ceci fait aussi réfléchir sur le contenu de pas mal de votes “Non” au référendum sur la Constitution européenne. On est prié de ne pas prendre ses désirs pour la réalité.
On peut penser aussi que le mode de scrutin a joué : le vote se déroulait cette fois par correspondance. Et le pourcentage de votants est passé de 63% à 71% dans le département. Très bien, mais cela signifie aussi que des personnes nettement moins “engagées” et “militantes” ont cette fois-ci voté.
Enfin, depuis 2001 où la Conf avait réalisé près de 2000 voix dans la loire, 17% des inscrits ont disparu suite aux disparitions de fermes. C’est dire aussi qu’avec environ 1500 voix, la Confédération paysanne perd assez peu de ses électeurs de 2001. Sauf que le pourcentage de votants a sensiblement augmenté...

Bref, si tout cela amène à relativiser le recul, il n’y a cependant pas de quoi se tranquilliser.
Vient aussi l’idée que l’engagement de José Bové dans la campagne des présidentielles, avec l’image d’extrême gauche (et non de militant de la société civile) que certains n’ont pas oublié de lui accoler, à commencer par le responsable de la FNSEA, n’a pas aidé.

Et maintenant ? Les problèmes des paysans restent les mêmes qu’avant l’élection. De même que le dilemme : soit aller plus loin dans la libéralisation économique, la concurrence, l’agriculture industrielle et productiviste, l’élimination de la majorité des paysans pour aller vers 150 000 agri-managers, soit le développement d’une agriculture paysanne qui permette à tous les paysans de vivre et à des jeunes de s’installer, en développant des partenariats avec l’ensemble de la société.

On peut penser qu’il en est pour le monde paysan comme pour les autres domaines de la société : on ne pourra pas faire reculer l’ultra-libéralisme uniquement en le dénonçant et en montrant sa nocivité. Car alors on reste impuissant face au rouleau compresseur. C’est en collant au terrain et en construisant des formes alternatives viables qu’on peut infléchir et changer le sens de l’évolution.
Dans ce domaine là, d’ailleurs, la Confédération paysanne est sans doute bien plus avancée qu’on ne l’est dans d’autres secteurs de la société, avec son projet (et ses réalisations) d’agriculture paysanne. Rien à voir avec un arrêt sur image. C’est une agriculture moderne et viable que beaucoup de paysans de la Conf’ sont en train de faire vivre et de développer. Et pas seulement parmi les petits agriculteurs.
Et comme de lourds enjeux vont se préciser dans les prochains temps, par exemple la question des OGM dont la nocivité est en train d’éclater, ou les autres questions touchant à l’environnement et à l’avenir de la planète et de la vie humaine, la Conf’ paysanne n’a pas son avenir derrière elle, et est à même de faire des propositions qui intéressent beaucoup de paysans et une grande partie de la société.

Pour ce qui est du département de la Loire, qui est l’un des grands départements laitiers du pays, il faut remarquer d’un paysan sur trois a voté pour la Confédération paysanne, qui fait ici un de ses meilleurs résultats : 32,4% des voix (32,5% en Ardèche, 35,8% dans le Puy de Dôme, 33,6% au Pays Basque, 37,6% en haute Savoie, 44,6 % en Guyanne, 72,7% à la Réunion)

Bref, la Confédération paysanne continue. Et on en a bien besoin !

(1) A l’élection des Chambres d’agriculture de 1995, les résultats au plan national avaient été : 56,44% pour la FNSEA, 20,07% pour la Confédération paysanne, 12,17% pour la Coordination rurale.