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Empêchés de se marier et de vivre ensemble à Firminy.

Elaabid a été arraché à sa compagne Stéphanie et expulsé en quelques heures, sans pouvoir se défendre

dimanche 25 novembre 2007, par Roger Dubien

Jeudi en fin d’après-midi, on apprenait qu’un couple avait été arrêté et placé en garde à vue au commissariat du Chambon Feugerolles. Leur délit ? Ce couple dont la femme est de nationalité française et l’homme de nationalité algérienne, voulait se marier. On n’en savait pas plus. On connaît maintenant à peu près ce qui s’est passé. Et que Elaabid a été expulsé vers l’Algérie vendredi matin, sans même que Stéphanie le sache.
Ce n’est pas possible d’en rester là !

Stéphanie Verbeke habite Firminy et a un enfant de 4 ans. Elle veut se marier avec Elaabid Hami, 33 ans. Ils sont ensemble depuis un an. Ils sont allés déposer un dossier de mariage en mairie de Firminy. Ils ont récemment été reçus par un adjoint auquel ils ont expliqué leur situation et leur décision de se marier. Sans cacher qu’Elaabid n’avait pas de titre de séjour. Tout semblait bien se passer. L’adjoint leur a dit qu’il fallait une dizaine de jours avant de fixer une date pour le mariage, le temps que le dossier parte en Algérie et revienne... (1)

Selon toute vraisemblance, Stéphanie et Elaabid ont été piégés.
Car ce mercredi, 3 policiers sont venus chez Stéphanie. Ils cherchaient Elaabid. Qui était au travail. Dans la journée, ils ont demandé par téléphone à Stéphanie que Elaabid aille au commissariat du Chambon-Feugerolles jeudi matin à 8h30. Elle a dit d’accord, et qu’elle irait avec lui.
Jeudi matin, ils se sont rendus au commissariat du Chambon. Ils ont immédiatement été arrêtés tous les deux, immédiatement séparés et placés en garde à vue. Ils n’ont pas pu se parler, se sont seulement croisés dans un couloir, et ont été interrogés séparément. Les questions, y compris sur leur vie intime, portaient sur la sincérité de la demande en mariage (“suspicion de mariage blanc”). Si c’était ça le problème, la police ou la mairie ou le procureur avait tous les moyens de savoir à quoi s’en tenir... Mais apparemment, tout était déjà réglé.
Stéphanie n’a été relâchée qu’à 16h30, elle a été accusée d’avoir hébergée un sans-papier. Elle leur a expliqué que c’était son futur mari.
En fin de matinée, le commissariat du Chambon a téléphoné à la soeur de Stéphanie - qui habite à st-étienne - pour lui dire qu’il fallait qu’elle aille chercher le fils de Stéphanie à l’école maternelle Le bois de la barge à Firminy.
Dans l’après-midi, la famille a essayé de trouver un avocat, ce qu’elle a réussi à faire vendredi matin. Mais ce qu’on sait maintenant, c’est qu’il a été interdit à Elaabid de contacter directement un avocat, et de voir un médecin. Il l’a pourtant demandé plusieurs fois. Refus.

Vendredi matin vers 5h50, Elaabid a téléphoné avec son portable et a pu dire qu’ils l’emmenaient à Lyon. Puis coupure, et long silence.
Vendredi matin, on a essayé de savoir où se trouvait Elaabid, en étant persuadé qu’il était à la prison pour étrangers, le “centre de rétention administrative” de Lyon St-Exupéry. S’il avait été emmené au centre de rétention, il aurait du être présenté sous 48 heures - donc dimanche matin - au Juge des Libertés et de la Détention. Il ne pouvait pas être expulsé avant 48 heures. Et comme Elaabid a un passeport, normalement, il aurait pu être libéré avec assignation à résidence, et aurait de toutes façons pu faire un recours avec un avocat devant le Tribunal administratif, pour expliquer sa situation. Ils ont préféré ne pas lui en laisser la possibilité.
Car ni l’avocate contactée, ni la Cimade n’ont trouvé sa trace au centre de rétention et la possibilité qu’il ait été immédiatement expulsé a commencé à s’imposer.
A 17h, Elaabid a pu téléphoner, d’Alger, à Stéphanie. Et lui a dit qu’il avait été conduit directement à l’aéroport, sans passer par le centre de rétention. Ils l’ont mis dans un avion qui a décollé vers 9h. Il est arrivé à Alger vers 11h, mais ils ne l’ont “lâché” que vers 17h. Il est alors parti pour rejoindre ses parents, à 4 heures de route d’Alger.

Comment faut-il appeler ce qui s’est passé contre Stéphanie et Elaabid ?
La vie, l’amour, l’avenir d’un couple et d’un enfant ne comptent pas sous Sarkozy-Hortefeux.
Voilà où l’on en est dans la Loire, en France, en 2007, du point de vue du respect des droits humains élémentaires (2)

Comment a été décidée l’expulsion d’Elaabid ? Est-ce que le Préfet de la Loire a pris au cours de la dernière année un APRF (arrêté préfectoral de reconduite à la frontière) contre Elaabid, qui ne l’aurait pas reçu ? Elaabid était-il sous le coup d’une OQTF (injonction à quitter le territoire français), et depuis quand ? Pas à la connaissance de Stéphanie : Elaabid n’a jamais reçu de tels papiers.
Elaabid a vécu en France pendant plusieurs années, alors qu’il était enfant, et a beaucoup de famille dans la région stéphanoise. Reparti en Algérie, il est ensuite revenu en France faire des études après 2000, avec une carte d’étudiant, et a fait une demande de titre de séjour, qui a été refusée, il y a plusieurs années apparemment. Depuis, plus rien.
Est-ce que la décision d’expulsion a été prise tout récemment, suite aux démarches pour le mariage ? C’est probable.

Et maintenant ? Stéphanie est décidée à aller se marier avec Elaabid, en Algérie. Ensuite, ce sera un marathon et des mois pour qu’il puisse revenir...

(1) Le rôle joué dans cette histoire par la mairie de Firminy doit être tiré au clair. Apparemment, lors d’une demande en mairie pour un mariage, l’agent d’Etat civil est tenu de signaler au Procureur une éventuelle irrégularité. Mais l’absence de titre de séjour n’empêche pas un mariage. Pour mettre en route ce qui s’est passé contre Elaabid et Stéphanie, il a fallu semble-t-il une autre démarche de la mairie de Firminy - en fait d’un élu - pour s’opposer au mariage (le prétexte tout trouvé alors est “suspicion de défaut de consentement = de mariage blanc). Alors, si l’élu renvoie le dossier au Procureur, celui-ci ordonne une enquête qui peut déboucher sur ce qui vient de se passer, en ce moment où tout est bon pour remplir leurs quotas et “choisir” l’immigration.
Précision : vendredi matin, Stéphanie a demandé à être reçue en urgence par le député maire de Firminy Ciniéri, pour savoir ce qui se passait et demander une aide. Pas possible : surbooké. Rendez-vous a été obtenu pour l’après-midi (14h30) avec l’adjoint qui les avait reçus, M. Jean-Jacques Peyrachon, “adjoint à la tranquillité publique et à l’état civil”. Mais une heure après, coup de téléphone de la mairie : rendez-vous annulé. Difficile de lui annoncer que son futur mari avait été expulsé ?
Ça c’est de la loyauté et du courage.

(2) Depuis près de six mois, des centaines de couples mixtes s’organisent dans toute la France au sein du “collectif des Amoureux au ban public” - collectif créé avec l’appui de la Cimade - , pour assurer la défense collective de leurs droits de mener une vie familiale normale. Parce que ce qui arrive à Stéphanie et Elaabid est en train de se multiplier en France.
Voir le site http://placeauxdroits.net/amoureux/index.php
Dans la seule région Rhône-Alpes, 55 couples sont concernés.

Messages

  • Lu dans le progrès, jeudi 22 novembre 2007...

    "Immigration clandestine : confinés cinq jours dans un conteneur

    Cinq jours confinés dans moins de 2 m2 d’un conteneur chargé de vêtements. C’est le calvaire que deux ressortissants marocains viennent de vivre. Ils ont eu la vie sauve grâce à l’intervention d’un chauffeur puis des gendarmes du peloton autoroutier de Chanas (Nord-Isère).
    Lundi après-midi, un chauffeur remontant l’A 7 avait alerté les gendarmes. Il venait d’apercevoir de la fumée noire s’échapper du container chargé sur le poids lourd qui le précèdait. C’est à hauteur du péage de Vienne/Reventin que le camion a été intercepté. Les gendarmes ont brisé les scellés et découvert deux hommes épuisés. Souffrant de déshydratation et d’intoxication, ils ont été immédiatement hospitalisés à Vienne. Auditionné, le chauffeur de nationalité roumaine a révélé qu’il avait chargé le matin même le conteneur à Marseille. En provenance de Tunis, il devait le livrer en Belgique. Il a été mis hors de cause.
    Entendus, les deux ressortissant marocains, démunis de papiers d’identité, n’ont pas su expliquer leur présence aux autorités. Préférant être reconduits dans leur pays que de mourir d’épuisement, ils avaient tenté d’attirer l’attention en brûlant les films plastiques protégeant les vêtements.
    Hier, alors que leur état de santé le permettait, les deux hommes, en situation irrégulière, ont été conduits au centre de rétention administrative de Lyon Saint-Exupéry."

    Ainsi donc,
    Lundi après-midi ils ont été conduits à l’hôpital de Vienne, épuisés, souffrant de déshydratation et d’intoxication, après 5 jours confinés dans un container de moins de 2 m2 (1m X 2m ?) déjà rempli de vêtements.
    Et le Progrès écrit calmement que mercredi, “alors que leur état de santé le permettait” (??) ils ont été transférés à la prison pour étrangers de Lyon...