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Télescopage à St-Etienne : 300 à 400 personnes qui dorment à la rue, et 100 logements qui partent en fumée...

jeudi 24 novembre 2011, par Roger Dubien

A St-Etienne, on sait démolir des immeubles. Ce jeudi matin 24 novembre 2011, la Tour “Plein ciel” de Montreynaud - même pas 40 ans -, surmontée de son château d’eau, s’est effondrée sur elle même, comme à l’exercice. Une prouesse technique, c’est indiscutable...
Depuis l’explosion de la Muraille de Chine en 2000, plusieurs milliers de logements, HLM pour la plupart, ont ainsi été détruits. La Tour Plein Ciel, d’ailleurs, n’était pas du logement HLM, mais de la co-propriété...
Bien entendu, on ne va pas crier “vive les grands ensembles”. On connaît aujourd’hui certaines conséquences de ces choix urbanistiques, encore que bien des difficultés soient très liées à l’aggravation et à la concentration des difficultés sociales, et pas seulement aux aberrations utilitaristes de “l’urbanisme fonctionnel”...

Bien évidemment, c’est surtout en invoquant ces conséquences, ces difficultés à vivre, que les décisions de démolition ont été prises.
Et elles ont été accompagnées de promesses de construction de logements de meilleure qualité.
Mais dans la réalité, ça ne s’est pas passé comme ça. On a bien eu les démolitions. Mais on attend encore beaucoup des constructions promises. Et puis, surtout, parmi celles qui ont été faites, on se rend compte que beaucoup des logements construits ne sont pas accessibles, financièrement, aux familles dont les logements sociaux ont été détruits.
Au point que dans une ville qui est pourtant passée en 40 ans de 220 000 habitants à moins de 175 000 (!!), des centaines de personnes sont aujourd’hui à la rue...



Une demande des habitants du quartier ?

La démolition de la Tour Plein Ciel était-elle une demande des habitants du quartier de Montreynaud ? Ça ne saute pas aux yeux ! C’est vrai que l’avenir de la Tour a été soumis par la mairie à un vote des habitants en juin 2009, et qu’on nous dit que “72%” ont choisi la démolition...
Mais il faut préciser que le choix était entre 2 options : la démolition et un projet artistique (la Tour étant murée et devenant une oeuvre d’art) : le projet Chopy
(Voir)
Et puis que seulement 318 habitants ont voté (sur un quartier de 10 000 habitants, et alors que le vote était possible à partir de 16 ans, et qu’il était aussi ouvert aux personnes qui travaillent sur le quartier). C’est peu ! Résultat : 230 pour la démolition, 86 pour l’oeuvre d’art, 2 nuls. 318 votants, c’est moins de 5% des habitants consultés...

La démolition plus chère que la réhabilitation...

En 2002 (voir ci-dessous des extraits d’un document de 2002 de l’Observatoire de l’habitat et du logement rhône-alpes) le coût de la réhabilitation de la Tour Plein Ciel avait été estimé à 6,6 millions d’euros, dont 3,9 à la charge des pouvoirs publics (85% ANRU-Etat, 5% ville et 10% St-Etienne Métropole). Et le coût de la démolition à 4,4 millions d’euros, entièrement à la charge des pouvoirs publics. Soit plus d’argent public pour démolir que pour réhabiliter... Et combien ça aura coûté au final ?
Pourquoi les autorités sont-elles incapables de mettre ces sommes et ces énergies pour loger des familles sans logement, alors même que la loi y oblige ?

C’est clair qu’au point où les choses en étaient pour la Tour Plein Ciel, dont le démontage et la démolition étaient en cours depuis 2 ans, on n’allait pas demander ces jours-ci le maintien de la Tour pour loger les sans-logement. Mais quand même, il faut bien remarquer que quand il s’agit de démolir 107 logements pour faire des gravats et du gazon, un travail de longue durée et des moyens financiers considérables peuvent être mobilisés. Et qu’on n’est pas capable - ou qu’on ne veut pas - prendre les décisions pour loger des familles - et des enfants - qui dorment à la rue en ce moment même.

De plus en plus de "sacrifices" pour nourrir et "apaiser" les nouveaux dieux “profits”, “marchés”, “compétitivité économique”...

Mais il y a autre chose : en regardant le bilan de 10 ans de démolitions, on peut se rendre compte que - et c’est dans l’air du temps - , la Tour Plein ciel a d’abord été sacrifiée à la rentabilité financière...
Non seulement ça coûtait plus cher aux finances publiques de démolir que de réhabiliter, mais le document de novembre 2002 de l’Observatoire régional de l’habitat et du logement Rhône-Alpes dit assez clairement que l’objectif des démolitions a été au fond de “retendre” le marché du logement suite à la baisse de population de la ville.
Il estimait à 4000 le nombre de logements à supprimer, dont 3000 dans le privé (dont beaucoup de HLM en réalité), et 1000 dans le parc HLM public, donc. En réalité, rien que dans le parc HLM public il y a eu plusieurs milliers de logements démolis.
Alors même qu’il manque plusieurs milliers de logements sociaux à St-Etienne et dans la Loire...
Cela n’a donc pas grand chose de rationnel, ces décisions. Ou du moins il s’agit d’une rationalité très particulière, très étroite, réduite au seul profit que certains veulent retirer de la vente et de la location des logements.

De tous les côtés aujourd’hui, on nous ordonne de sacrifier ce qui fait nos vies pour nourrir ces nouveaux dieux abstraits et jamais rassasiés que sont le profit, l’efficacité économique, la compétitivité, "les marchés". Des dieux qu’il faut en permanence "rassurer" en sacrifiant la vie. Et au nom desquels pour que ça aille mieux avec eux il faut impérativement que ça aille plus mal pour nous.

Il va falloir revenir au réel, et rappeler par exemple que : “un logement c’est un droit, un logement, c’est la loi !”

Roger Dubien


photo prise sous les arcades de l’hôtel de ville de st-étienne, dans la nuit du 25 au 26 octobre 2011.

Des extraits d’un document de 2002 de l’Observatoire de l’habitat et du logement Rhône-Alpes :  

(Voir le document 2002 complet de l’Observatoire... sur la Tour Plein Ciel)