Mon site SPIP

Accueil > Justice écologique > “Vinci dégage ! Nous garderons les terres de Notre-Dame-des-Landes”

50 000 personnes à Nantes contre l’aéroport

“Vinci dégage ! Nous garderons les terres de Notre-Dame-des-Landes”

vendredi 28 février 2014

50 000 personnes ont manifesté à Nantes samedi 22 février. Venues non seulement de toute la région - dont de nombreux paysans présents avec 520 tracteurs ! - mais de toute la France, par tous les moyens dont 65 cars. Cette mobilisation est plus forte que la manifestation de réoccupation de la ZAD du 17 novembre 2012, après la lamentable opération policière “César”.
Ce alors qu’une enquête d’opinion indique que 56% des français sont contre la construction d’un nouvel aéroport à NNDL, 24% sont pour, et 20% n’ont pas d’avis.
C’est dans ce contexte que le préfet de Loire-Atlantique a publié fin 2013 les décrets nécessaires à l’ouverture des travaux. Le gouvernement Ayrault, qui vient de reculer plusieurs fois face à la droite va-t-il tenter de passer en force contre cette mobilisation de gauche qui a un soutien majoritaire dans le pays ? C’est ce qu’on peut craindre en voyant la manipulation organisée autour de cette manifestation du 22 février.
Depuis 8 jours, les médias ont relayé en boucle des images et commentaires de violences qui ont eu lieu à Nantes. S’appuyant sur ces violences, le président socialiste de la Région, Auxiette, a demandé à Hollande l’évacuation de la ZAD. Le préfet qui n’est pas pour rien dans la façon dont les choses se sont passées au moment de la manifestation a accusé les associations qui soutiennent la ZAD d’être la “vitrine légale d’un mouvement armé” ! Et Valls a mis en cause “l’ultra-gauche”, reprenant un terme que son grand ami Bauer - également grand proche de Sarkozy - a mis en circulation.

En réalité, à Nantes samedi, des dizaines de milliers de personnes ont manifesté pacifiquement, souvent en famille. Le trajet de la manifestation a été réduit, puis encore modifié, par la préfecture, pour entasser les gens les uns sur les autres en les empêchant au fond de vraiment défiler. 1500 policiers et gendarmes équipés pour la guérilla urbaine ont été déployés, sur le comportement desquels beaucoup de questions se posent. Quelques centaines de personnes (200 ? Moins de 500) ont affronté la police... Qui bizarrement ne protégeait pas quelques locaux et matériels pourtant très marqués : ceux de Vinci, et un commissariat, incendié. Ces policiers ont tiré dans le tas (grenades lactymogènes, flashball, grenades assourdissantes) et un jeune charpentier atteint par une balle de flashball a eu un oeil crevé. Quelques personnes ont été arrêtées et jugées en comparution immédiate, parce qu’elles étaient là, mais qui n’ont rien à voir avec ces “black blocs” dénoncés avant même la manifestation et soit disant connus et attendus par les forces de Police... Bizarre.

Ce qu’il faut bien appeler des manipulations, qui ne grandissent pas le gouvernement et les forces qui agissent ainsi, ne suffira pas à en finir avec Notre-Dame des Landes. Peut-être en haut lieu faudrait-il réfléchir à ce qui s’est passé avec le Larzac...

Le reportage de Télébocal sur la manifestation.

Plus d’infos : le site de la ZAD-Zone à Défendre : http://zad.nadir.org

Le témoignage, et les questions embarrassantes posées par Françoise Verchère à Valls


Monsieur le Ministre de l’Intérieur,

Je vous ai entendu commenter dès samedi soir les événements en marge de la manifestation contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes et vos propos appellent de ma part quelques réactions et aussi plusieurs questions.

Sur les chiffres d’abord : vous avez parlé de 1 000 casseurs et de 20 000 manifestants dont vous avez dit qu’il fallait les différencier des premiers. Je crois décidément que vos services ont un problème avec le calcul car nous étions beaucoup plus de manifestants et il y avait beaucoup moins de casseurs : disons qu’on pourrait diviser le premier chiffre et multiplier le second par deux au moins pour approcher de la vérité. Mais dans cette affaire d’aéroport, la vérité est décidément malmenée depuis longtemps...

Sur les fameux casseurs : je vous avoue que j’ai été très surprise de comprendre que vos services les connaissaient visiblement bien (vous avez donné des précisions sur leur origine, leur positionnement politique) et même qu’ils savaient ce qui allait se passer. Depuis deux jours, les bruits couraient sur des incidents à venir ; les avocats savaient qu’ils risquaient d’être réquisitionnés pour de nombreuses gardes à vue. Samedi matin, au moment où nous étions avec les tracteurs à l’aéroport de Nantes-Atlantique, les policiers présents nous ont spontanément parlé des « blacks blocs », en nous disant « qu’ils allaient gâcher notre manifestation ».
Je m’étonne donc que « les forces de l’ordre » n’aient pas été au fond plus efficaces puisque cela aurait dû être leur mission, n’est-ce pas ? Puisque l’on sait désormais interdire un spectacle avant même qu’il n’ait lieu, et puisque nous n’avons pas sur la ZAD 1 000 casseurs ni blacks blocs, pourquoi ne les avez-vous pas fait arrêter avant leur arrivée ? J’imagine que s’ils sont si dangereux, vous avez certainement des preuves et même des faits graves à leur reprocher ?
Mais peut-être préfériez-vous les arrêter en flagrant délit ? Est-ce pour cela que vous n’avez pas fait protéger l’agence Vinci, située au tout début du parcours de la manifestation, pas plus que des engins de chantier Vinci aussi (car Vinci est partout vous le savez, immobilier, parkings, aéroports...) dont vous saviez qu’ils seraient forcément des cibles ? Est-ce pour cela que la Préfecture n’a autorisé qu’un parcours ridiculement petit, jamais vu jusque là ? Est-ce pour cela que les échauffourées localisées dans un périmètre pourtant restreint ont duré plusieurs heures ? Et au bout du compte combien y a-t-il eu d’interpellations ? Une douzaine seulement... C’est assez curieux et à vrai dire difficilement compréhensible alors que les moyens déployés étaient impressionnants, en hommes et en matériel anti-émeute, alors que la fermeture du centre ville était inédite, alors qu’il y avait vraisemblablement des hommes à vous des deux côtés.

Évidemment les images de « la guérilla urbaine » dont vous avez parlé seront reprises à l’envi plus que celles du char-triton, des 520 tracteurs présents ou des nombreuses familles manifestant paisiblement. Évidemment, cela permettra d’occulter une fois encore le fond du dossier, évidemment le chœur des partisans de l’aéroport poussera des cris horrifiés en rejetant la responsabilité sur les organisateurs de la manifestation.
Organisateurs qui ont pourtant tenté d’éviter l’affrontement en interposant des tracteurs entre l’imposant mur de fer érigé et ceux qui voulaient effectivement en découdre. Organisateurs dont le métier n’est pas d’assurer l’ordre, vous en conviendrez et à qui il serait malvenu de demander de faire mieux que vous... Organisateurs particulièrement choqués, en tout cas, par les propos du Préfet de Loire-Atlantique qui n’a pas hésité à affirmer que nous « opposants historiques » devions cesser « d’être la vitrine légale d’un mouvement armé ». Je me suis pincée pour y croire... encore un peu de temps et nous finirons nous-mêmes par être tenus pour de dangereux terroristes alors que nous avons participé loyalement au débat public, et à toutes les commissions mises en place.
Débat déloyal puisqu’il y a une « vérité officielle » intangible même quand elle est contraire aux faits, aux chiffres et à la réalité. Le Premier Ministre ne reconnaît la validité que de la commission du dialogue à qui il avait donné mission de valider à nouveau le projet, mais refuse de regarder les conclusions accablantes de la commission des experts scientifiques au regard de la loi sur l’eau. Comment croire encore à la parole de l’État ?

En réalité, Monsieur le Ministre, tout cela est très lisible et vieux comme le pouvoir.
Pour discréditer notre combat, et tenter de retourner l’opinion publique qui nous est aujourd’hui favorable, on fera appel à la peur du désordre, on utilisera l’image, déplorable je vous l’accorde, des dégradations commises par les méchants casseurs et on justifiera ainsi une nouvelle opération policière pour aller enfin nettoyer la ZAD de ses « délinquants dangereux », en même temps que de ses tritons et de ses paysans. Il faudra mettre les moyens (ils sont mille, ne l’oublions pas, et les tritons innombrables...) mais vous y êtes peut-être prêts pour que « force reste à la loi » ? Permettez-moi de vous le déconseiller car pour que nous, citoyens, acceptions désormais cette clef de voûte théorique de la société, (« la seule violence légitime est celle de l’État »), il faudrait que l’État soit irréprochable, que la loi soit juste et que ses représentants soient dignes du mandat que nous leur avons confié. Vous avez compris, je pense, que ce n’est pas le cas depuis longtemps.

Depuis deux jours, j’ai lu et entendu que le centre ville de Nantes était « saccagé », qu’un commissariat avait été « dévasté », qu’il faudrait du temps pour « panser les plaies de la ville », que les dégâts ne pouvaient pas encore être chiffrés, autant dire que c’était l’apocalypse. Les mots eux-mêmes sont visiblement sens dessus dessous... Puis-je vous suggérer de venir à Nantes pour juger de la situation ? Aujourd’hui dimanche, flottait certes une petite odeur de gaz lacrymogène, mais le tramway roulait et les nantais flânaient. Je ne nie pas les poubelles brûlées, les pavés arrachés, les vitrines brisées et les murs maculés dans le secteur des affrontements. Je déplore ce vandalisme d’autant plus que nous dénonçons par ailleurs le gaspillage d’argent public qu’induirait le transfert de l’aéroport !
Mais je voudrais aussi vous rappeler que samedi des personnes âgées, des enfants ont été noyées sous les lacrymogènes. Et qu’un jeune manifestant a perdu un oeil à cause d’un éclat de grenade assourdissante. Ce n’était pas un casseur. Et cela nous rappelle le même malheur survenu déjà à Nantes, à cause d’un tir tendu de flash ball lors d’une manifestation sans violence devant le Rectorat. Les aubettes seront reconstruites, cela fera même monter le P.I.B mais ce jeune restera, lui, marqué à jamais. Cela m’interroge sur la manière dont les forces de l’ordre utilisent leurs armes et me scandalise davantage que la casse matérielle.
Et demain, si le gouvernement persistait dans son projet d’aéroport, la destruction du bocage de Notre-Dame-des-Landes et de la vie qu’il abrite serait elle aussi irréversible.
Il faut arrêter un projet désormais dans l’impasse et régler le problème en prenant la seule décision raisonnable : respecter la loi sur l’eau, améliorer l’aéroport de Nantes-Atlantique et rendre sa sérénité à Notre-Dame-des-Landes pour que la ZAD redevienne une campagne où vivre et travailler. Vous pourrez ainsi, Monsieur le Ministre, vous consacrer aux blacks blocs si vous le jugez indispensable.

Dans l’espoir de votre réponse, je vous assure de mes salutations les plus distinguées,

Françoise Verchère
Conseillère générale de Loire-Atlantique