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Au-delà du Non au Traité Constitutionnel

mercredi 5 janvier 2005, par Raymond Vasselon

Le texte ci-dessous est le résumé de l’intervention de Raymond Vasselon, pour les Réseaux citoyens de St-Etienne, à la réunion organisée à la Bourse du travail par le collectif "dire Non au traité constitutionnel pour construire l’Europe", le 9 décembre 2004. 35 personnes ont participé à cette soirée (Voir).
 A noter qu’une Conférence-débat de Raoul-Marc Jennar sur le traité Constitutionnel aura lieu à l’Université de St-Etienne le vendredi 28 janvier prochain, à 20h, amphi J, campus Tréfilerie, en ouverture du 3ème Forum social local. 

Ce traité n’a pas pour objectif la mise en place d’un cadre institutionnel permettant la confrontation politique des "idées de gauche et des idées de droite", ni d’un lieu de débat entre traitement politique d’un point de vue gauche ou de droite des problèmes. Il n’est pas fait pour nous reconstruire, à l’échelle de l’Europe, un super état nation comme au bon vieux temps des trente glorieuses.

En fait, le but du dispositif exposé dans le document baptisé "traité établissant une constitution pour l’Europe" est de perfectionner, de parachever un niveau d’intendance politique et bureaucratique dont la fonction est la mise en œuvre légale et institutionnelle des politiques élaborées par les pouvoirs économiques et financiers qui opèrent à l’échelle planétaire.

Pour eux, ce nouveau niveau d’"intendance politique" doit être conçu pour accompagner leurs décisions, leurs actions, leurs vastes projets et les traduire dans la réalité des territoires de l’espace européen.

Ce niveau d’intendance est pour eux le cheval de Troie, l’instrument de la transformation de tout ce qui, au sein des états nations et des régions, est inadapté à leurs projets, à leur vision du monde. Pour diriger le développement, ils ont le monde entier comme horizon. L’Europe, pour eux, n’est qu’un ensemble territorial parmi les autres. Si nécessaire, nous le voyons, sur certaines partie de la planète, ils ont recours à la guerre comme outil de transformation des territoires.

Il ne s’agit donc pas vraiment et seulement de dire non à une conception libérale de l’Europe qui pourra être corrigée par une conception plus sociale, plus régulée, plus de gauche. Il s’agit de rejeter une conception du monde, une conception de l’organisation des rapports humains, culturels et environnementaux à l’échelle de la planète.

L’énorme déficit démocratique que révèlent les analyses approfondies du texte est lié au fait que le perfectionnement des processus démocratiques ne peut pas faire partie des objectifs de ses rédacteurs.

Il semble que le résultat des élections américaines permette aux partisans du "oui" de mettre la pression sur la nécessité de bâtir "une Europe cohérente, capable d’efficacité" face au géant américain "qui connaît mal le monde" et que sa puissante solitude rend dangereux. Ils mettent toujours plus le doigt sur la faiblesse du "non" : l’absence d’alternative. Le "non" est sans projet, c’est tout juste un repli identitaire. Leur argumentaire est connu.

Il importe donc de se hisser au bon niveau des enjeux et donc, dans la campagne pour le "non" de gauche, sans perdre de vue la nécessité du rassemblement large, d’inviter les citoyens à entrer en réflexion sur la question de l’Europe, de son devenir, de son rôle politique dans le monde.

Les raisons du "Non" seront d’autant plus profondes si elles sont nourries par un mouvement donnant corps à quelque chose d’autre.

Cette sorte d’obligation d’engagement de la réflexion au niveau international qui nous est faite est au fond positive car le combat pour une alternative de gauche n’a ni sens ni d’issue s’il reste local, franco-français, s’il n’élargit pas son horizon.

Les "fragments" du projet politique d’Europe sociale, écologique et citoyenne se fixant comme but le dialogue et non pas le clash entre les civilisations et les cultures, le co-développement et non pas le pillage des pays du sud, le multiculturalisme et non pas l’exaltation de la pulsion de puissance, existent.

- De très nombreux collectifs et mouvements européens portent des solutions alternatives à la guerre, des solutions de lutte contre la pauvreté, des solutions de coopérations, de co-développement. Ils aspirent, comme nous à une Europe qui propose au monde de rejeter la guerre comme méthode de règlement des différents entre les peuples, entre les différentes cultures. Certains de leurs militants peuvent se décider à jouer un rôle politique de premier plan dans un avenir proche.

- Beaucoup travaillent sur la question du maintien et surtout du développement des services publics conçus comme éléments fondateurs d’une société de partage, de solidarité, d’élargissement des droits humains fondamentaux à l’échelle mondiale. Beaucoup réfléchissent à la construction de mécanismes d’appropriation sociale pour développer le contrôle citoyen de leurs missions et objectifs à tous niveaux.

- Beaucoup de travail a été fait pour repenser et moderniser la démocratie de délégation, pour développer des formes de démocratie participative à tous les niveaux et notamment le contrôle des budgets publics. Dans de nombreuses régions d’Europe (Italie, Espagne, Allemagne) on débat pour décentraliser les institutions dans le sens d’un partage des pouvoirs pour aller vers une maîtrise de la globalisation. On discute pour inventer une notion de citoyenneté universelle avec libre circulation, droit de vote des étrangers, etc...

Donc, dans l’univers libéral commence de scintiller une multitude de petites planètes alternatives.

Leur rassemblement, et si nous y travaillons, leur convergence, permettra non seulement de rejeter le projet de traité actuel, mais aussi de proposer de véritables alternatives, de bâtir un projet politique européen pour le 21ème siècle et en même temps de construire les formes et les forces politiques capables de le porter.