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La république et ses enfants

lundi 21 novembre 2005, par Raymond Vasselon

Dans son intervention télévisée le Président de la république nous a rappelé que toutes et tous, "enfants des banlieues" compris, nous sommes les enfants de la république.

Du sommet de l’édifice où se concentrent les commandes des fonctions régaliennes de l’état et d’où l’on a une vision "globale" du vaste territoire sur lequel se traînent les malheureux citoyens, il a contemplé la vie de ces enfants. Certains sont sages, travailleurs, humbles : la mère république est là, solide, pour les protéger (ils payent bien sûr). Mais attention, avec les autres, ceux qui déraillent, la mère est dure : qui aime bien châtie bien ?

Les enfants ont-ils tous trouvé dans leur berceau le paquetage du bon élève, ont-ils pu écouter les belles histoires qui mènent doucement au sommeil (et qui paraît-il donnent le goût de la lecture et de l’écriture) ? Ont-ils la carte qui indique les issues dans les labyrinthes de l’accès aux emplois ? Pour ces questions, la république répond que l’état ne peut pas tout, qu’il faut restaurer l’autorité, que les parents démissionnent. Et puis, certains enfants sont maudits : ils sont des barbares, des "sauvageons", des filles voilées et puis il y a la racaille. La république, quoiqu’en dise Chirac n’est pas, n’a pas été une bonne mère pour tous ses enfants.

Elle n’a finalement jamais été une mère pour qui que ce soit mais plutôt une longue et douloureuse construction humaine pour vivre en collectivité, pour vivre ensemble sur une terre commune. Vu ainsi, la république est plutôt notre enfant, notre création.

Mais elle est aujourd’hui confisquée par des forces qui détruisent méthodiquement les relais publics et institutionnels de l’égalité et qui minent les fondements de la fraternité. Sa devise devient alors un slogan creux. Ces mêmes forces, méfiantes envers les habitants, les citoyens, veulent persuader l’opinion qu’elles sont l’autorité suprême parce qu’elles représentent l’intérêt général contre les intérêts particuliers. Nous voici dans une effroyable impasse, dans le cercle vicieux où la force et la répression fixent le cadre des rapports humains.

La république a d’abord besoin de se transformer, de redevenir une construction collective. Ses institutions doivent restituer la parole à ses citoyens, en priorité à ceux qui sont systématiquement exclus des débats qui concernent leurs vies, leurs quartiers, leurs territoires. Pour cela, elles doivent être construites avec eux, pour eux. Quartier par quartier, ville par ville il faut permettre aux habitants de participer à la reconstruction de l’intérêt général, du tissu social, des outils publics de la solidarité.

Pour sortir de l’impasse, il faut non seulement plus de moyens, mais aussi d’autres orientations construites avec et pour ceux qui ont été exclus du partage.

Raymond Vasselon