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Quelques impressions de la rencontre régionale « Pauvreté, précarité, quelle démocratie participative pour quelles transformations ? ».

jeudi 4 décembre 2008, par Georges Günther

Quelles impressions je retire de cette journée du 29 novembre au siège de la Région Rhône Alpes ?
D’abord beaucoup de monde, entre 600 et 700 personnes (90 à 100 du département de la Loire), dont 60 élus, 160 « professionnels » et donc une écrasante majorité de personnes confrontées à la pauvreté et à la précarité. Bien au-delà de ce qui avait été imaginé au départ. C’est peut-être d’ailleurs le fait le plus important, le plus intéressant de cette journée : qu’autant de personnes, dont la grande majorité est victime de la pauvreté et de la précarité, se rencontrent, débattent ensemble, nouent des liens, ne peut qu’aider à leur donner plus de force, plus de puissance d’intervention.
Une telle affluence est sans doute l’indication du besoin des personnes qui vivent la précarité et la pauvreté, d’échanger, d’être entendues, de participer. Un autre élément explicatif, réside aussi dans le choix d’associer en grande partie à la préparation, les associations, les collectifs, les réseaux de solidarité.
Une journée qui est quand même restée assez encadrée, notamment l’après-midi avec des animateurs professionnels dont les techniques et comportements rappelaient, parfois, les travers des animateurs des plateaux de télévisions. Le débat aurait eu une autre tournure si l’animation avait été confiée à des militants.
Du monde donc et beaucoup de discussions partout, dans les ateliers, les couloirs, au repas..., beaucoup de contacts pris. Beaucoup de personnes participaient pour la première fois à un échange aussi large, parlaient pour la première fois en public de leur vie, de ce qu’elles entreprennent, constataient que d’autres personnes, d’autres groupes étaient engagés dans des tentatives similaires.

Qu’est-ce que cela peut produire ?
Sans aucun doute de la confiance en soi. Le sentiment qu’on est une force ? L’idée qu’ensemble on peut compter ? Une envie aussi d’élargir les liens, de poursuivre les réflexions, l’échange d’expériences ? Une dynamisation des initiatives, des constructions ?
Il serait d’ailleurs utile que ces échanges, au moins ceux qui ont été écrits, puissent être mis à disposition de tous.

La présence des élus était finalement assez réduite : des conseillers municipaux, des conseillers généraux, quelques conseillers régionaux mais tout de même assez peu compte tenu que le Conseil Régional était à l’initiative de la journée ; je n’ai pas vu de parlementaires. Certes nous avions adopté le principe d’une présence majoritaire des personnes en situation de pauvreté et de précarité, mais cela n’empêchait pas une présence plus forte des élus. Pourquoi si peu d’élus ? Une distance du monde politique institutionnel vis à vis des pauvres ? Une gêne, la peur d’être par trop remis en cause ou de donner trop d’importance à une telle rencontre ? La manifestation d’un sentiment de fatalisme, d’un désarroi ?

Une telle journée permet d’avoir un bon état des lieux.
Plusieurs échanges et témoignages m’ont semblé intéressants, comme par exemple ce collectif de SDF de Strasbourg qui agit sur la réquisition de logements vides. D’autres révèlent les dégâts creusés dans les esprits et les comportements par les politiques sécuritaires et d’injustices, anti pauvres. Comme par exemple cette proposition d’appeler les « SDF », les « habitants de la rue » !
J’ai senti une forte aspiration à comprendre, à se donner de la force en se mettant en réseau, en croisant les expériences, les compétences, pour sortir d’un trop grand cloisonnement entre les groupes et les collectifs. Il a été évoqué la mise en place de « carrefours des savoirs », la création de "lieux d’élaboration de pensées et pas de consommation d’activités". Il y a là un appel à se donner les moyens d’une véritable éducation populaire.
Un besoin aussi « du collectif » pour trouver ensemble la capacité à intervenir, à compter. Il a même été demandé dans l’atelier auquel j’ai participé que l’action des professionnels, des associations et des institutions, soit orientée vers le soutien à l’intervention collective. Nous y avons eu un début de débat sur la portée limitée de l’action caritative (toutefois indispensable) et le besoin de construire de vraies solidarités non pas pour soulager la misère, mais pour en sortir en mutualisant les capacités et les compétences des personnes directement confrontées à la pauvreté et aussi de toutes les catégories de la société. Une réflexion intéressante aussi sur la responsabilité collective de la société dans les réalités que vivent les personnes, ce qui va à l’encontre de tout le mouvement et des dispositifs actuels d’individualisation et de culpabilisation des pauvres.

Par contre j’ai été surpris du peu de réflexions sur les responsabilités et les logiques qui construisent les inégalités et la misère. Comment dire ? : beaucoup de débats, de propositions, restaient dans « la bulle des pauvres », sans trop interroger ces logiques et ces responsabilités. Presque rien, par exemple, sur la question de l’argent, de l’utilisation de l’argent, sur qui en décide. On aurait pu penser que cette question aurait fait l’objet de nombreuses discussions, en ces temps où le gouvernement trouve des centaines de milliards pour renflouer les banques alors qu’il n’y a jamais d’argent pour assurer des droits fondamentaux. Personne n’a proposé par exemple que la Région Rhône Alpes mette en route un budget participatif ouvrant la possibilité de participer aux choix budgétaires. Comme si, pour l’instant, nous acceptions que cette question de l’utilisation de l’argent reste hors de notre portée, de nos compétences. Une autre répartition des richesses est pourtant un passage obligé si nous voulons faire reculer, même un peu, la pauvreté.
La crise, (l’ébranlement) que nous connaissons, indissociablement financière, économique, sociale et écologique, appelle à inventer de nouvelles solutions liant l’urgence sociale et l’urgence écologique. Or les échanges des ateliers sur le pouvoir d’achat et l’emploi (où les syndicats étaient présents), sont restés dans les démarches traditionnelles en terme de croissance. Elles reviennent d’ailleurs en force de tous bords. Pourtant la croissance actuelle creuse les inégalités, la pauvreté en France et dans le monde, débouche sur des difficultés alimentaires et détruit la planète. Les alternatives concrètes, restent donc à inventer et à construire.

Majoritairement, les réflexions et les comportements, restent dans une démarche « délégataire » : se faire entendre par les élus, des élus plus à l’écoute, revenait comme un leitmotiv. Ce faire entendre des élus, c’est bien sûr important. Mais l’aggravation de la pauvreté et des inégalités n’est pas essentiellement la conséquence d’un manque d’écoute des élus, d’une incompréhension. Il y a là, quand même, pas mal d’illusions. La pauvreté et les inégalités, sont surtout le résultat de choix. Permettre aux personnes victimes de la pauvreté de se rencontrer pour rassembler les capacités, sentir que chacun peut apporter au groupe, pour identifier les problèmes, les blocages, les logiques, les responsabilités, pour se donner beaucoup plus de puissance d’intervention, pour construire et défendre des alternatives, est essentiel. Ceci est d’ailleurs en filigrane dans cette aspiration à se mettre en réseau, à se rencontrer, à décloisonner. C’est ce à quoi nous travaillons avec le réseau du Portail pour l’accès aux droits sociaux (voir ci dessous le document de présentation à télécharger, voir aussi un power point de Présentation du projet et "Qui sommes nous ?"

Qu’elles suites à une telle rencontre ?
De fait elle en aura. Quand autant de personnes échangent cela a forcément quelques conséquences. Ainsi sur l’agglomération stéphanoise, plusieurs groupes venus y participer ont décidé de se rencontrer, sans autre objectif de départ que d’échanger sur ce qu’ils font.
Mais comment aider au prolongement, à l’approfondissement des réflexions, comment nourrir les liens ? Il serait vraiment dommage que cette journée devienne un simple élément de la communication de la Région Rhône Alpes.
Peut-être faudrait-il déjà lancer un appel à ce que les participants individuellement ou par groupe écrivent leurs impressions, ce que l’évènement leur a apporté, ce qui leur a plu et déplu.

Georges Günther

Ce texte est publié sur le site du Portail pour l’accès aux droits sociaux

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Lire un compte-rendu de cette journée sur le site internet de la Région Rhône-Alpes : Une Rencontre autour de la Précarité