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La Rencontre Internationale de Beyrouth en solidarité avec la Résistance

Des identités, une résistance.

mardi 5 décembre 2006

Du 16 au 19 novembre a eu lieu à Beyrouth une rencontre internationale en solidarité avec la Résistance. L’idée de cette rencontre était née cet été, au cours des visites que des délégations venues du monde entier ont faites à Beyrouth, sous les bombardements israéliens.
Loubna Siblini et Raymond Chahda ont participé à cette rencontre pour les Réseaux citoyens de St-Etienne. Nous publierons au fil des semaines des comptes-rendus collectifs et personnels de cet évènement qui va se prolonger à travers tout un processus de travail multiforme entre des participants.
Le texte ci-dessous a été écrit au sein de la délégation française, qui était composée d’une vingtaine de personnes de plusieurs organisations et associations.

C’est devant un auditoire attentif de plus de 400 personnes que s’ouvre, jeudi 16 novembre vers 18h, le meeting politique marquant le début de la rencontre internationale de Beyrouth en solidarité avec la Résistance. Sont présentes les forces politiques libanaises à l’origine de l’invitation : le Parti Communiste Libanais, le Hezbollah, la Tribune de l’unité nationale, le Mouvement du Peuple et le club Al-leqaa ainsi que des représentants des mouvements anti-guerres venus des cinq continents.

La rencontre se déroule pendant trois jours au Palais de l’Unesco, à proximité du quartier de Aïn El Tineh. Les participants, issus principalement du monde associatif, de la gauche politique et des courants islamo nationalistes ont répondu à un appel lancé par les délégations internationales venues soutenir les libanais durant la ’’guerre des trente-trois jours’’.

Une participation composite

Une première chose saute aux yeux : l’hétérogénéité des participants. On retrouve parmi eux les acteurs traditionnels des forums sociaux : réseaux alter mondialistes et militants de la gauche anticapitaliste venus d’Europe (principalement de Grèce, de France, d’Angleterre, mais aussi d’Espagne, d’Italie, d’Allemagne, de Hollande, de Belgique et des pays Scandinaves), d’Inde (Calcutta), d’Amérique du Sud (Mexique, Argentine, Brésil) ainsi que des délégations plus restreintes d’Amérique du Nord et du Canada. Le second groupe en terme numérique est composé des acteurs de l’opposition politique au Moyen et Proche-Orient : militants de la gauche libanaise (Parti Communiste Libanais, Groupement Communiste Révolutionnaire...), membres du FPLP (Front Populaire de Libération de la Palestine), représentants du mouvement ’’Kifaya’’ égyptien (opposition au gouvernement Moubarak), militants de la gauche Turque, Syrienne, Jordanienne, membres du Hezbollah et des différentes mouvances nationalistes libanaises. Tous ces militants se retrouvent autour du soutien de la résistance et du mot d’ordre anti-impérialiste. Un hommage est rendu pour réaffirmer le soutien intemporel à la résistance palestinienne.

Les axes de travail

L’objectif affiché de cette rencontre est de constituer un front commun de lutte contre « la logique de guerre et l’hégémonie coloniale ». Concrètement il s’agit de proposer, au terme de la rencontre, une déclaration générale qui constituerait un plan d’action pour les prochaines rencontres internationales (forum social de Nairobi en janvier 2007 et conférence du Caire en mars 2007). Les axes de travail sont au nombre de six : un axe stratégique, un axe dédié à l’élaboration d’un réseau arabe, un axe juridique, un axe relatif aux médias globaux, un axe relatif aux reconstructions et à l’urbanisme ainsi qu’un axe intitulé ’’art et culture de résistance’’.

- L’axe stratégique a consisté en un état des lieux des conflits régionaux et suprarégionaux ainsi que la définition d’un plan d’action pour une résistance commune aux agressions futures. Ont été abordées les questions des alliances (entre mouvements de gauche et islamo nationalistes), de l’état mondial du mouvement anti-guerre et des outils de lutte contre l’idéologie du « choc des civilisations ».

- L’axe d’élaboration d’un réseau arabe s’est concentré sur les problématiques régionales telles que celle des conflits ethno-confessionnels, facteurs de désintégration sociale (notamment les tentatives d’alimentation du clivage sunnites/chiites) et celle du rôle politique des minorités religieuses et ethniques.

- L’axe juridique rassemblait juristes et néophytes dans le but d’examiner les démarches nécessaires aux poursuites du gouvernement israélien devant la Cour Pénale Internationale et d’étudier les conditions d’organisation d’un tribunal international ’’ad hoc’’ du type Tribunal Russel (chargé de juger les crimes de guerres américains au Vietnam).

- L’axe relatif aux médias globaux avait pour objectif une réappropriation de la communication dans un contexte décrit comme celui d’une désinformation globalisée. L’information utilisée comme outil de guerre par les forces internationales est dénoncée. Les participants ont procédé à un recensement des agents et moyens médiatiques autonomes à même de constituer un espace d’information indépendante. Il fut aussi question de créer un ’’Media Watch’’, observatoire des médias internationaux pour contrer les sources de désinformation de manière citoyenne.

- L’axe ’’reconstruction’’ a regroupé des spécialistes de l’urbanisme dans la perspective de coordonner les différentes études sur le niveau des destructions causées par l’offensive israélienne. Il s’agit, à termes, de lancer un projet de reconstruction des espaces urbains détruits.

- Enfin, l’axe ’’art et culture de résistance’’ s’est déroulé en deux soirées : la première avec projection de courts métrages réalisés par des cinéastes libanais et internationaux sur la guerre de trente-trois jours et la situation en Palestine, suivis de lectures de textes. Un spectacle de musique et de poésie fut présenté par une troupe égyptienne lors de la deuxième soirée, sur le thème ’’Nous sèmerons la terre des germes de la résistance’’ avec des textes de Fouad Haddad.

Visite de Beyrouth sud et du sud Liban

Les deux dernières après-midi furent consacrées à une ’’visite guidée’’ des zones les plus touchées par les bombardements cet été : les banlieues sud de Beyrouth et les villages du sud Liban.

Départs en bus des participants vers les banlieues sud samedi 18 à 14h du Palais de l’Unesco. Rapidement le paysage change : il y a un contraste criant entre le centre ville riche de Beyrouth et ses banlieues oubliées où cohabitent libanais pauvres à majorité chiite et réfugiés palestiniens.

Le quartier de Haret Hreik est ravagé, durant la nuit du 25 juillet l’armée israélienne y a largué huit bombes de plus de trois tonnes. La cible principale était un immeuble bastion du Hezbollah mais toutes les habitations aux alentours ont été détruites.

Les participants contemplent les décombres silencieusement. Tous avaient pu voir des images de ces dégâts à la télévision mais, mises les unes à coté des autres, ces images forment un paysage de désolation beaucoup plus frappant. Les habitants du quartier interpellent ces ’’touristes de la destruction’’. Ils parlent de tout ce qu’ils ont perdus et de tout ce qui ne sera jamais remplacé. Ils critiquent la lenteur du gouvernement quant à la reconstruction de leur quartier. Qu’on ne s’y méprenne pas, les habitants de Haret Hreik sont plus que jamais gagnés à l’opposition et au Hezbollah, seul à avoir commencé les travaux. Les participants quittent les lieux dans une atmosphère lourde d’interrogations.

Départ pour le sud Liban dimanche 19 novembre vers 11h. Le trajet est long, tous les ponts ont été détruits par les bombardements. Les bus entament des détours par les routes secondaires vers les villes de Saïda et Tyr. Après une escale à Saïda le groupe est conduit dans la zone tristement célèbre des villages de Ayta Chaab, Bint Jbeil et Marroun Er Ras, lieux des confrontations directes entre la résistance libanaise et l’armée israélienne. Là encore il ne reste que des ruines. Les organisateurs appellent les internationaux à la prudence : c’est ici que Tsahal a largué ses bombes à sous munitions. Il commence à faire nuit, un dialogue se noue entre les habitants et certains participants.

Les villageois racontent avec fierté l’épopée des batailles. Au termes des trente-trois jours de combat l’armée israélienne a, pour la première fois dans l’histoire des conflits avec le Liban, du battre en retraite de l’autre côté de la ligne bleue. Les habitants continuent néanmoins à craindre une nouvelle incursion, et pour cause : cette zone a été occupée pratiquement sans interruptions de 1978 à mai 2000. Les traces de cette occupation, notamment les centres de détentions et d’interrogatoires israéliens, comme à Bint Jbeil, le camp d’Ansar ou la prison de Khiam, ont été complètement effacées par les bombardements cet été.

Droit des peuples à la résistance

De retour à Beyrouth, la réunion de conclusion démarre par une réaffirmation solennelle du droit des peuples à la résistance contre toute forme d’occupation et d’oppression. La résolution finale insiste sur la nécessité d’unifier les forces en présence - gauches politiques, alter mondialisme et islamo nationalismes - dans un cadre démocratique pour les luttes futures. Le droit à l’autodétermination des peuples doit être compris dans les luttes sociales et inversement. La conférence se termine sur l’annonce de trois journées de mobilisation à l’échelle internationale : le 20 mars contre l’occupation de l’Irak, le 12 juillet pour soutenir la résistance libanaise et le 29 septembre en solidarité avec le peuple palestinien.