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Cafés citoyens en 2010

Penser travail

1er rendez-vous mercredi 5 mai à 19h : “le travail en questions”...

dimanche 18 avril 2010, par Roger Dubien

2010 : des cafés citoyens pour travailler sur le travail...
Lancés fin janvier 2008, les cafés citoyens organisés au café-lecture, 59 rue Désiré Claude, par le Remue-Méninges et les Réseaux citoyens de St-Etienne, ont maintenant un peu plus de deux ans d’existence. 20 rencontres mensuelles ont eu lieu, sans compter plusieurs autres rendez-vous de préparation plus restreints... Les rencontres le plus souvent organisées autour de livres, et plusieurs fois avec la participation des auteurs, ont porté sur des sujets assez divers...
Au moment de décider comment poursuivre ces rendez-vous, on peut constater que les moments de réflexion se sont multipliés maintenant dans pas mal de collectifs de travail et de réseaux de la région stéphanoise. C’est pourquoi l’idée est venue de se consacrer plutôt en 2010 (et au-delà ?) à travailler sur une question ressentie comme centrale par pas mal de personnes engagées dans des démarches de transformation sociale.
En discutant, il a donc été décidé de prendre à bras le corps la question du travail. Pour y voir clair, tellement il s’est dit tout et le contraire sur le sujet. Parce que, aussi, pas mal d’entre nous sentent que cette question du travail est et reste une question centrale pour la vie personnelle et pour la vie de la société.

Le livre que vient d’écrire Florence Aubenas, "Le quai de Ouistreham" fait porter l’attention sur la réalité de la vie de plusieurs millions de personnes devenues aujourd’hui invisibles notamment parce qu’elles sont dans des emplois totalement précaires et émiettés.
Mais au-delà même de ces millions de précaires, où est passée au fait la classe ouvrière ? Dans la réalité, elle n’a pas disparu et sans doute au moins 1/3 de la population active en fait partie, en France même. Mais tout a été fait pour qu’elle devienne invisible. Au point qu’un petit sondage fait parmi les étudiants d’une très grande école - de ceux qui se pensent destinés à diriger les destinées du pays et du monde - a révélé qu’ils étaient convaincus qu’il n’y avait plus que 3 à 5% d’ouvriers dans un pays comme la France ! ! On est donc bien barré...

C’est qu’au cours des 30 dernières années, le travail a été dévalorisé, mis plus bas que terre. C’est le fait de gagner de l’argent et toutes les combines pour faire des fortunes vite, sans bosser (c’est à dire forcément en captant les résultats du travail des autres) qui ont été données en modèle. Savoir faire ça en a même mené plus d’un au poste de ministre...
Quand Sarkozy a dit "travailler plus pour gagner plus" - avant d’aller faire la fiesta dans un palace ou de partir en voyages financé par ses complices milliardaires -, il s’est donc bien moqué du monde. Ceux qui "gagnent" bien plus d’argent qu’ils n’en ont besoin ne le font pas grâce à leur travail ! Le néolibéralisme a d’ailleurs poussé ça au bout : ceux qui font beaucoup d’argent le font en manipulant de l’argent, pas en créant ou produisant, mais par des actes qui sont parasitaires.
Une autre face de la réalité a été la descente vers la pauvreté et la précarité d’une partie importante des travailleurs. Et aussi la destruction de millions d’emplois et la "tombée" dans le chômage de millions de personnes. Avec la chute de leurs revenus. Au point qu’aujourd’hui même il est estimé qu’en France "13% de la population vit sous le seuil de pauvreté". Soit 8,5 millions de personnes !

Etait-ce le paradis quand tout le monde bossait s’il cherchait un travail ? Non, pas vraiment. Parce que le travail, c’est pour le plus grand nombre aussi l’expérience de l’exploitation. Et pour trop de gens un travail contraint, inintéressant, épuisant, abrutissant.
N’empêche : le travail ce n’est pas que ça. C’est aussi la construction de sa capacité à transformer la réalité, à être utile. A coopérer avec d’autres, à entrer en relations avec eux. Et en retirer un revenu qui est aussi une reconnaissance et donne des moyens pour vivre.
Et puis le travail, ça a été aussi la solidarité ouvrière, et ce sont des luttes sociales et des mouvements d’émancipation collective. La classe ouvrière et ceux qui produisent les richesses ont été (et sont ?) au coeur de la vie des sociétés. Mais mieux que ça : on y a cru nombreux au rôle historique de cette classe, qui allait prendre tout en mains et libérer toute la société. Elle allait être l’acteur du changement, LE sujet de la révolution.
La suite ne s’est pas passée comme ça. Et il faut abandonner la croyance au "sens de l’histoire", abandonner une vision téléologique de l’histoire. Mais tout ça n’empêche pas, Nicolas, que la classe ouvrière, elle, est toujours là et continue à travailler, ici et ailleurs dans le monde. Parce qu’elle est au coeur du rapport capitaliste. Et que le néolibéralisme, c’est toujours du capitalisme. Les luttes pour l’émancipation sociale et humaine, l’engagement pour les droits humains continuent. Et la question ouvrière doit être remise sur la table des discussions.

L’époque actuelle amène aussi d’autres questions. Par exemple : maintenant qu’il est clair qu’avec l’accroissement de la productivité du travail et les limites intrinsèques du système (qui semble par contre ne pas en avoir dans le registre de la destruction), des centaines de millions de personnes n’auront pas d’emploi, même si "ça repart" - puisqu’il est devenu évident qu’il est possible éventuellement de "relancer la croissance", mais que ça ne crée plus assez d’emplois pour que tout le monde en aie (sans parler des conséquences écologiques mortelles de cette logique) - que faire ?
Partager le travail (tout en changeant profondément les choses dans les secteurs dans lesquels il s’exerce ?
Mettre en place ce revenu universel, revenu d’existence déconnecté du fait d’avoir un travail ? Quelque chose qui serait le moyen pour tous les êtres humains de vivre dignement, chacun voyant ensuite comment il participe à la vie de la société (différencier "emploi" et "activité" ?...). Une revenu universel qui serait une réponse à "l’urgence sociale" ?...
En même temps, on peut quand même suspecter que parmi ceux qui ont martelé que "le travail c’est dépassé" ou bien que "le travail il n’y en aura plus jamais pour tout le monde", certains avaient une idée derrière la tête : mettre à l’écart de la société, avec leur acceptation en plus, des millions et des millions de personnes qui sont en trop avec ce système...
Mais évidemment ça dépend de ce que l’on entend par revenu inconditionnel. Est-ce forcément quelque chose qui remet en cause la centralité du travail dans la vie personnelle et dans la vie de la société, auquel cas ça rendrait dès le départ la proposition caduque, en tous cas non libératrice, du moins si celles et ceux qui croient à cette centralité du travail ont raison...

Alors, au fait, il faudrait creuser la question de ce qu’on entend par "travail". Parce que c’est très complexe, multidimensionnel, ce qu’on appelle du même mot "travail". Eclairer aussi la différence travail / emploi...

Enfin bref, ce travail sur le travail prendra sans doute des formes diverses : rencontre avec des auteurs, des écrivains, et chercheurs, rencontre avec des travailleurs de plusieurs entreprises, rencontres avec des militants qui se coltinent les conséquences du travail ou du chômage, projections de films suivis de débats...

Le rendez-vous du 5 mai est pour dessiner un peu la carte du sujet...
Vous pouvez y venir avec vos questions, vos réponses, vos propositions...
Et même les transmettre dès maintenant à Florence Dursapt, professeure de philosophie, et syndicaliste, qui introduira la discussion de ce café citoyen (florence.dursapt@orange.fr).

chanson : "les mains d’or", de Bernard Lavilliers...