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Maïs Mon810 ou soja Roundup ready de Monsanto, tournesols ExpressSun de Pioneer ou Clearfield de BASF...

Obtenus par mutagénèse ou par transgénèse, les OGM sont des OGM !

Et un colza, des blés, des maïs OGM mutés sont dans les cartons...

mercredi 10 août 2011, par Roger Dubien

L’action des Faucheurs Volontaires à St-Georges d’Espéranche et Feyzin le 30 juillet 2011 (Voir) a levé un peu la chape de silence sur ce qui est en train de se passer avec les OGM cachés, fabriqués par mutagénèse (1).
Il n’y avait plus de temps à perdre, puisqu’il se révèle que 10% du tournesol est déjà OGM en France, et même 30% en Rhône-Alpes. Et que d’autres OGM pesticides mutés sont dans les cartons, notamment un colza Clearfield de Pioneer, dès 2012.
Pour agir efficacement, il est nécessaire de travailler la question, pour mieux comprendre de quoi il s’agit.
Voici quelques repères ci-dessous... Et puis surtout, on peut regarder les vidéos de la journée sur la mutagénèse organisée par la Confédération Paysanne de Touraine, avec la participation de Christian Vélot, Eric Meunier, Jean-Pierre Berlan, Guy Kastler, François Dufour, en janvier dernier (Voir 5 vidéos)



Le contexte : ça coince pour les OGM transgéniques...

On commence à bien connaître les principaux OGM agricoles transgéniques. Les plus connus de ces OGM sont sans doute le maïs Bt Monsanto 810 - seul OGM, avec la pomme de terre Amflora, à être autorisé à la culture dans une partie de l’Europe - massivement répandu en Amérique du nord, et le soja roundup ready, massivement imposé en Amérique du sud.

Ces OGM :
- sont des plantes obtenues par une manipulation génétique appelée transgénèse, c’est à dire avec transfert de gène d’une espèce vivante à une autre,
- sont des plantes pesticides (2),
- et sont des plantes brevetées, c’est à dire que les paysans doivent payer des royalties aux firmes à chaque utilisation. Et ils doivent acheter aussi les pesticides qui vont avec...

Depuis plus de 15 ans, les multinationales de l’agrochimie, qui ont mis la main sur une grande partie des semences dans l’objectif de contrôler l’alimentation mondiale, font le forcing pour imposer ces OGM, mais l’opposition des sociétés ne faiblit pas.
En France, la forte mobilisation de la société contre les OGM a abouti non seulement au moratoire de 2008 interdisant le maïs pesticide Mon 810, mais aussi à une loi, votée en mai 2008, très insuffisante et pas satisfaisante du tout, mais qui encadre quand même les pratiques des forces qui veulent imposer les OGM, les oblige à rendre public un peu ce qu’ils font, et permet donc à la société d’avoir des indices sur ce qui se prépare, et d’agir. La pomme de terre Amflora, de BASF, n’a pas été autorisée...

Les multinationales ont bien compris que ça passera de plus en plus mal, d’ailleurs les surfaces cultivées d’OGM transgéniques régressent en Europe, et sont mises en cause dans d’autres pays du monde...

On n’en a bien sûr pas fini avec ces OGM transgéniques.
D’abord parce que, si leur culture est interdite, leur importation massive est autorisée - surtout le soja roundup ready (près de 5 millions de tonnes importées en France !) - pour nourrir le bétail : porcs, volailles, bovins. En Amérique latine, ce soja OGM est un désastre pour les paysans et pour l’environnement. Et ici, on mange donc des produits issus d’animaux nourris avec des OGM, avec tous les risques que portent ces plantes génétiquement manipulées, et avec les conséquences sanitaires de l’accumulation de pesticides dans ces plantes.
On n’en a pas fini, aussi, parce que les firmes ne désespèrent pas de faire exploser la réglementation européenne sur les OGM, même si elle est très insuffisante.
Donc, la bataille contre ces OGM doit continuer, mais il y a une résistance permanente...

Alors les firmes se sont lancées dans une autre sorte d’OGM, obtenus par mutagénèse...

Alors les firmes ont travaillé à développer une nouvelle sorte d’OGM : obtenus par mutagénèse, puisque la transgénèse est un bricolage devenu trop voyant.
Les mutations sont provoquées par des produits chimiques très agressifs ou par irradiation (rayons gamma, x, ultraviolets...). Il y a donc clairement manipulation génétique.
En fait, la mutagénèse provoquée est une technique connue depuis près de 40 ans, bien avant la transgénèse. Mais elle n’est devenue intéressante pour les firmes que depuis peu : depuis qu’il est possible, suite au séquençage du génome des plantes, et suite à la mise au point de la “sélection assistée par marqueurs” (mise au point pour la transgénèse), de repérer et de trier - parmi des milliers de mutations génétiques aléatoires provoquées dans celles des cellules qui survivent aux traitements chimiques ou aux irradiations - les mutations jugées intéressantes par les firmes, et de multiplier rapidement les plantes mutées obtenues.
La donne technique a changé : une plante OGM peut maintenant être mise au point par mutagénèse en 4 à 5 ans, au lieu de 15 ans avant...
Les firmes ont 2 idées fixes : vendre des semences brevetées, et vendre des pesticides. Les mutations "intéressantes" sont donc celles qui permettent d’obtenir des plantes “tolérantes” aux herbicides.

Le tournesol Clearfield et le tournesol ExpressSun - sont des plantes génétiquement manipulées par mutagénèse pour être "tolérantes" aux herbicides. Tolérantes signifie que - comme le soja roundup ready tolérant au glyphosate -, elles pourront être arrosées et imbibées d’herbicides dans leurs tissus sans crever.

Avec la mutagénèse : la possibilité de contourner la loi sur les OGM

Les tournesols Clearfield et ExpressSun sont donc comme le maïs Mon 810 ou le soja roundup ready, des plantes génétiquement manipulées, pesticides, et brevetées.
Ce sont des OGM. Ils ont été obtenus par mutagénèse au lieu de transgénèse, mais le résultat est le même. Et le fonctionnement est exactement le même.
Seulement, le cadre législatif est différent, et les multinationales s’engouffrent dans cette brèche...

Car en Europe, c’est la directive 2001-18 qui réglemente les OGM (elle est ensuite “transcrite” dans la loi de chaque pays - en France dans la loi n°2008-595 du 25 juin 2008).
Voir : http://eur-lex.europa.eu

La directive 2001/18 est formelle : elle définit un "organisme génétiquement modifié (OGM)"  comme  “un organisme, à l’exception des êtres humains, dont le matériel génétique a été modifié d’une manière qui ne s’effectue pas naturellement par multiplication et/ou par recombinaison naturelle.  (article 2 - définitions)
Seulement voilà, l’article 3 de la directive, “Exemptions”, indique que “la présente directive ne s’applique pas aux organismes obtenus par les techniques de modification génétique énumérées à l’annexe I B.” - et l’Annexe 1B indique : “Les techniques/méthodes de modification génétique produisant des organismes à exclure du champ d’application de la présente directive, à condition qu’elles n’impliquent pas l’utilisation de molécules d’acide nucléique recombinant ou d’OGM autres que ceux qui sont issus d’une ou plusieurs des techniques/méthodes énumérées ci-après, sont :
1) la mutagenèse ;
2) la fusion cellulaire..."

Pourquoi cette faille dans la législation, alors même que la nature OGM des organismes obtenus par mutagénèse est clairement reconnue ? On peut penser qu’il y a deux raisons.
D’abord, les représentants des firmes ont préparé le coup de loin, et fait le lobbying nécessaire lors de l’écriture de cette directive, surtout que les projecteurs étaient alors braqués sur les OGM transgéniques, et que la mutagénèse était peu en vogue.
Ensuite, on peut penser que, comme certaines plantes avaient déjà été obtenues par mutagénèse (mais pas des plantes phares de grandes cultures liées à l’utilisation des pesticides), le Parlement européen n’a pas voulu revenir en arrière et ouvrir un débat sur le caractère OGM de ces plantes.

Sauf que depuis, la donne technique et politique a changé, et les firmes agrochimiques ont décidé de mettre le paquet sur les OGM pesticides obtenus par mutagénèse, en mettant à profit cette incohérence de la directive 2001-18, qui dit que les OGM mutés sont bien des OGM, mais qu’ils ont exemptés des procédures d’autorisation, d’évaluation et de contrôle des OGM.

Et les firmes et leur personnel politique creusent maintenant le filon des méthodes de manipulations génétiques sans transgénèse. Voir deux textes d’Eric Meunier sur le site d’Inf’OGM :
- petit tour d’horizon des manipulations génétiques
- De nouvelles techniques de biotechnologie pour échapper à la loi sur les OGM ?

Au lendemain du vote de la loi de 2008 encadrant (mal) les OGM transgéniques en France, Guy Kastler avait attiré l’attention sur ces préparatifs.
Voir la rencontre avec Guy Kastler à St-Genest Lerpt

Le rôle du CETIOM pour “vendre” aux paysans les OGM pesticides Clearfield et ExpressSun, et la légèreté de l’INRA...

Le CETIOM - centre technique des oléagineux - est un organisme qui est contrôlé par les tenants de l’agriculture industrielle
(Voir le CA et le Conseil scientifique du CETIOM).
Il est également financé par le ministère de l’agriculture. Et il travaille main dans la main avec les multinationales des semences et de l’agro-chimie.
En 2009, mis en cause lors de l’action anti-OGM à Montech, le CETIOM osait affirmer que ses tournesols mutés favoris n’avaient rien à voir avec des OGM !
(Voir : “Il n’y a aucun OGM dans cette culture”)
Depuis, le CETIOM fait le forcing pour “vendre” les tournesols OGM de Pioneer et BASF, et ce en cachant et en niant leur nature OGM.
Voir : http://www.tournesol-tolerant.cetiom.fr
Et notamment : la mutagénèse
Sur ce sac de semences de tournesol ExpressSun, une inscription mensongère : "il s’agit d’hybrides de tournesol sur lesquels un travail de sélection classique a permis d’obtenir un niveau de tolérance suffisant pour supporter un traitement des mauvaises herbes à base d’Express SX"

C’est un problème grave que l’INRA - Institut national de la recherche agronomique, qui est un organisme public -apporte sa caution au développement et au masquage des tournesols OGM de Pioneer et BASF.

Créer un débat dans la société sur les OGM mutés...

Donc, les plantes mutées répondent en tous points à la définition scientifique officielle des OGM. Il y a bien manipulation génétique : production de mutations génétiques volontaires d’organismes vivants. Ces plantes "mutées" ressemblent comme deux gouttes d’eau aux OGM précédents : Manipulation génétique + plante pesticide + brevet sur leur utilisation.
S’il n’y a pas eu transgénèse, le résultat est le même. Et rien ne garantit à long terme les résultats de la mutation génétique, ni sa stabilité, ni ses conséquences sur la santé et l’environnement. Mais elles échappent au cadre législatif européen des OGM, sous prétexte qu’il n’y a pas transgénèse.

Les OGM mutés sont donc en train d’être répandus, sans aucune transparence ni étiquetage, sans aucune procédure de protection et sans évaluation des conséquences sur la santé des populations et sur l’environnement.
Le tournesol (et donc l’huile de tournesol utilisée pour l’alimentation humaine) est par exemple en train de devenir OGM en France ! Un colza OGM caché est en route pour 2012. Et apparemment ensuite des blés et des maïs...
A l’allure où ça va, la question va d’ailleurs aussi se poser de l’utilisation de semences obtenues par mutagénèse dans l’agriculture bio (des plantes qui seraient produites alors pour une utilisation sans pesticides, mais OGM quand même)...

Les OGM mutés sont des OGM. Ils doivent être traités comme des OGM, relever des mêmes procédures. Il est donc nécessaire d’arrêter tout de suite leur dissémination, et urgent d’organiser dans toute la société un débat sérieux sur ces très graves questions. Ce débat ne fait que commencer.

(1) Les précédentes mobilisations contre les OGM clandestins...
c’est en 2009 que les Faucheurs Volontaires ont commencé à agir contre les OGM mutés. Voir :
- Des OGM clandestins : les tournesols mutés résistants à un herbicide (l’action à Bollène (Vaucluse) le 20 mai 2009...)
- Non aux OGM, même cachés ! (Compte-rendu de l’action de Bollène)
- OGM cachés : le débat est lancé
Où sont les plantations de tournesol muté ExpresSun de Pioneer ? Où en est le ClearField de BASF ? Action citoyenne à Condrieu le 12 septembre 2009...
- OGM mutés = OGM cachés - Le 24 juillet 2010, 200 Faucheurs Volontaires lancent l’alerte et neutralisent deux parcelles d’essai de tournesol OGM (ExpressSun et Clearfield) appartenant aux multinationales semencières Pioneer, Caussade, Limagrain et BASF près de Tours...

(2) OGM plantes pesticides, qu’est-ce ça veut dire ?
On appelle pesticides : les herbicides (tuent les plantes), les insecticides (tuent les insectes), les fongicides (tuent les champignons), les nématicides (tuent les vers).
99,99% des OGM agricoles sont des "plantes pesticides", des plantes qui ont été génétiquement manipulées :
- soit pour que leurs cellules fabriquent une toxine insecticide (c’est le cas du maïs Bt Monsanto810, qui fabrique à l’hectare des quantités considérables d’insecticide
- soit pour êtres tolérantes à un herbicide : c’est à dire pouvoir être arrosées de cet herbicide sans en mourir : c’est le cas du soja round-up ready dont les cultures peuvent être arrosées de glyphosate sans crever, alors que les autres plantes du champ sont empoisonnées par ce "désherbant total" - Le scientifique Gilles-Eric Séralini parle d’"éponges à pesticides" en parlant de ces plantes...
- soit pour faire les deux en même temps.
Il est donc très exact de dire que ce sont des "plantes pesticides".
Ce n’est évidemment pas un hasard si les firmes qui vendent ces OGM sont en même temps semencières et agrochimiques, si elles vendent des "kit" semences + pesticides.
Il faut ajouter qu’avec les OGM l’usage des pesticides ne diminue pas mais augmente, d’autant plus qu’apparaissent rapidement des plantes "adventices" résistantes aux herbicides utilisés, et des insectes résistants aux insecticides produits. Et alors il faut augmenter les doses. Ou utiliser aussi d’autres pesticides... c’est sans fin.