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Après le rapport Gallois et les mesures annoncées par JM Ayrault

Réduire ou étendre la cotisation sociale : le débat nécessaire

Conférence-débat avec Bernard Friot ce jeudi 15 novembre à 19h à Lyon

samedi 10 novembre 2012, par Roger Dubien

Chômage massif, dette... On nous le rabâche tous les jours : la crise de l’économie française viendrait d’un problème de compétitivité : les produits sortiraient des entreprises trop chers, et le patronat ferait des profits trop faibles, l’empêchant d’investir pour gagner en compétitivité dans la féroce concurrence internationale...

Est-ce que les entreprises sont malheureuses ? Certaines, oui. Mais de façon générale, le capital ne s’est jamais aussi bien porté !
En 30 ans, la part qu’il prélève dans la valeur ajoutée - la production de richesses du pays -, a gagné près de 10 points, alors que ceux qui produisent ces richesses, les salariés, en ont perdu autant.

Et voilà que le rapport Gallois, présenté le 5 novembre, propose de transférer encore 30 milliards d’euros en 3 ans aux entreprises, en réalité au capital (1).
Comment ? Par une nouvelle baisse massive des cotisations sociales (cotisations dites "patronales" et cotisations dites "salariales"). Des cotisations qui ont été baptisées "charges sociales" (joli coup ! car si ce sont des "charges", qui "pèsent", ça irait sûrement mieux en les allégeant, tout le monde ne peut qu’être d’accord avec ça !...)

30 milliards : on peut remarquer que c’est ce que les organisations patronales demandent depuis plusieurs mois. Et aussi que la droite est à fond pour (2).

Et que vient d’annoncer le gouvernement (dès le 6 novembre), suite à ce rapport ? Un transfert de 20 milliards d’euros aux entreprises.
Ce qui apparaît d’abord, c’est que, même s’il annonce 20 milliards de cadeaux et non 30 milliards, le 1er ministre commence par valider le diagnostic : nous souffririons d’un manque de compétitivité des entreprises, responsable du chômage, des délocalisations, et de la dette. Et ce manque de compétitivité serait dû au "coût du travail", c’est à dire aux salaires et aux "charges sociales".
Et donc la solution serait un "choc de compétitivité" rebaptisé "pacte de compétitivité". Accessoirement, ce ne seraient pas (pour le moment ?) les cotisations sociales qui seraient réduites, mais ça revient au même : elles seraient remboursées grâce à des transferts d’argent aux entreprises : sous forme de crédits d’impôts. (Un crédit d’impôt, on l’encaisse en payant moins d’impôts, ou, si on n’en paie pas - comme beaucoup de grandes entreprises qui s’arrangent avec leurs filiales pour ne pas en payer - on reçoit directement un chèque de l’Etat.)
Cette vilaine cotisation sociale n’est donc pour le moment pas réduite un nouvelle fois directement (elle l’a déjà été de façon considérable ces 30 dernières années), mais elle est désignée comme coupable. Et c’est au fond pour la "compenser" - en attendant de lui régler son compte ? -, que l’Etat va verser 20 milliards au patronat...

Mais si l’Etat donne 20 milliards d’euros au patronat (10 milliards en 2013, 5 milliards en 2014 et en 2015), où va-t-il les prendre ? Il va augmenter les impôts et réduire les actions et services publics (pour 10 milliards d’euros).
- Réduire les services publics, ça veut dire moins de productions et services utiles, mais aussi ouvrir de nouveaux espaces aux affaires privées. C’est ce que les groupes capitalistes demandent avec insistance (et succès - voir les privatisations) depuis 30 ans.
- Augmenter les impôts : le rapport Gallois demandait une hausse de la CSG (payée à 90% par les salariés et à 10% par le capital). JM Ayrault a décidé lui d’augmenter la TVA, en 2014 : la TVA 19,6 va passer à 20%. Et celle à 7% (travaux à domicile...) à 10%. Mais des préparatifs se précisent autour de la CSG.

La cotisation sociale, c’est du salaire !

C’est du salaire dit "indirect” (qui n’a rien d’indirect, d’ailleurs). La démanteler, c’est détruire une institution du salariat, et la détruire au profit du capital.
Rappelons que la cotisation sociale sert à financer la Sécurité sociale (indemnités maladies et système de soins, allocations familiales, retraites) et les indemnités chômage (qui fonctionnent en réalité comme un nouveau pan de la Sécurité sociale).

Au cours des 30 dernières années - entre 1982 et 2010 - la part de la masse salariale (salaire direct + cotisations sociales) dans la répartition de la valeur ajoutée - c’est à dire de la richesse créée chaque année - a reculé de 8 points, au bénéfice de la part des profits, qui a augmenté de 8.
Cela représentait 80 milliards d’euros pour la seule année 2010.
Les salaires et cotisations sociales représentaient 75% de la valeur ajoutée en 1882. Et plus que 67% en 2010.
Le profit est passé lui de 25% à 33%. Tout ça au profit des dividendes et de l’épargne des entreprises non investie. Puisque les investissements ont stagné : ils restent inférieurs à 20% de la valeur ajoutée...

On mesure l’ampleur du transfert, en valeur absolue, quand on sait qu’en 30 ans la valeur ajoutée des sociétés non financières a été multipliée par 3,6 : passant de 273 milliards d’euros en 1982 (“tournant de la rigueur”) à 973 milliards d’euros en 2010.
Ça signifie que depuis 1982, en cumul, 1600 milliards d’euros sont passés du salaire (cotisations incluses) au profit. Alors que la “dette” de la Sécurité sociale s’élevait en 2010 à 175 milliards d’euros.
Depuis 1982, en cumul, les revenus distribués aux détenteurs du capital ont augmenté de 544 milliards d’euros et l’épargne des entreprises de 1641 milliards (3).

Un choix politique a donc été fait : n’augmenter que très faiblement le salaire direct, et bloquer les taux de cotisation sociale (Et donc limiter très fortement les prestations sociales) et aussi exonérer de plus en plus largement de cotisations sociales. Exonérations qui touchent aujourd’hui la moitié des salariés !
Et c’est au nom de l’emploi que cette politique a été menée - et acceptée - puis plus récemment au nom de la dette.
Il ont réussi à faire croire massivement que le salaire était “un coût du travail qui joue contre l’emploi” et la cotisation sociale encore pire : une “charge sociale”. On voit les résultats...

Alors, faut-il continuer dans cette direction ou bien tout remettre sur la table ? Il est vraiment temps de rediscuter de tout ça ! C’est ce que propose l’association d’éducation populaire Réseau Salariat (voir)

Bernard Friot sera à Lyon ce jeudi 15 novembre, à l’invitation des Amis du Monde Diplomatique, pour une conférence-débat à 19h à la Mairie du 3ème, 215 Rue Duguesclin
(Métro B arrêt Guichard ou Tram T1 arrêt Mairie du 3e) - Entrée libre dans la limite des places disponibles
(Voir)

Réseau Salariat vient d’autre part de publier (le 4 novembre, la veille de la présentation du rapport Gallois) un Appel : “La cotisation : un dangereux problème pour le capital, une solution efficace pour le salariat. TOUT LE PIB POUR LA COTISATION !”, que l’on peut télécharger ci-dessous...

Télécharger l’appel "Tout le PIB pour la cotisation !"

(1) Il y a bien d’autres choses très nocives (dont il faudrait reparler) dans ce rapport Gallois, qui pour l’instant ne sont pas transcrites dans des mesures (par exemple : relance des projets d’extraction du gaz de schiste...). Comme si certaines forces prenaient date et faisaient inscrire leurs projets dans des docs et des agendas gouvernementaux...

(2) Copé : Baisser la cotisation sociale, la droite est à fond pour !
Il n’aura fallu que quelques heures pour que Copé, au nom de l’UMP, apporte son appui enthousiaste au rapport Gallois et demande son application immédiate... :
"Les mesures préconisées par le rapport Gallois, eh bien moi je les approuve totalement. Elles correspondent exactement à ce que nous souhaitons pour l’économie. Elles correspondent exactement à ce que nous avons initié avec Nicolas Sarkozy tout au long des années qui viennent de s’écouler.
Donc il n’y a qu’une seule question qu’il faut maintenant poser : c’est qu’est-ce que François Hollande va faire de ces propositions ? François Hollande maintenant est à la croisée des chemins, et c’est un véritable tournant de son mandat. Soit il a le courage de suivre les recommandations responsables de Louis Gallois, et de les appliquer maintenant, c’est à dire pas de les étaler sur 5 ans, soit il fait le choix de les ignorer, et alors il va créer non pas un choc de compétitivité, mais un choc de défiance.
Si François Hollande décide de changer de cap, et de reprendre les propositions du rapport Gallois, y compris les rapports les plus courageuses qui correspondent à ce que nous avions nous-mêmes initié, François Hollande doit savoir que nous serons à ces côtés."
(Europe1 - 5 novembre)

(3) Ces chiffres sont puisés dans le livre de Christine Jakse, "L’enjeu de la cotisation sociale".

2 livres récents peuvent aider à y voir plus clair :
- “L’enjeu du salaire”, de Bernard Friot, et
- “L’enjeu de la cotisation sociale” de Christine Jakse.

Deux diaporamas pour entrer dans le vif du sujet

Voici deux versions d’un diaporama qui peut aider à faire connaissance avec la “lecture” de la situation et des enjeux que propose Réseau Salariat

Télécharger le ppt "L’enjeu du salaire"


Télécharger une version plus courte du ppt "L’enjeu du salaire"

Le site internet de Réseau Salariat : http://www.reseau-salariat.info