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Qu’est-ce qu’on fait ?
"Un million d’enfants pauvres en France..."
Discussion ce samedi à St-Etienne avec le Forum des droits sociaux...
mercredi 18 février 2004, par
Le rapport que vient de publier le CERC déchire le voile mis sur une injustice parmi les plus insupportables. Ne le laissons pas banaliser, et enterrer sous des piles de paperasses dans des placards. Surtout, appuyons-nous sur ce travail sérieux pour obtenir des décisions concrètes urgentes en faveur des enfants pauvres.
Car pour eux, c’est maintenant que cela se joue.
Combien d’enfants sont-ils concernés dans la région stéphanoise ? Qu’est-ce qu’on fait ? Que font la mairie, son CCAS, le département, la région, le gouvernement ?
Combattre jusqu’à l’éradiquer la pauvreté des enfants doit être un des chantiers prioritaires de la transformation sociale.
Des militants, des associations y travaillent, sur le terrain, par exemple en faisant du soutien scolaire... Mais souvent sans moyens. Ils n’ont certes pas attendu le rapport du CERC pour comprendre ce qui se passe et agir. Aujourd’hui un organisme officiel montre à quel point leurs demandes de moyens sont légitimes et urgentes.
Quelle forme pourrait prendre dans chaque ville ce "programme national de lutte contre la pauvreté des enfants" qu’appelle le CERC ?
Un terrible acte d’accusation : il y a 1 à 2 millions d’enfants pauvres en France
Le rapport du CERC(1) "Les enfants pauvres en France" publié ce 16 février est un terrible acte d’accusation contre les injustices et les inégalités, contre l’organisation actuelle de notre société.
Un million d’enfants de moins de 18 ans vivaient en 1999-2000 en France sous le seuil de pauvreté Insee (2), soit 8% de l’ensemble des enfants. Et depuis cette date, rien n’indique que les choses se soient améliorées...
Et encore ! Le CERC a retenu la définition française du seuil de pauvreté, fixé à 50% du revenu médian. Mais ils sont deux millions d’enfants pauvres si on retient le seuil de pauvreté européen (60% du revenu médian)...
Or n’est-ce pas ce seuil européen qui paraît devoir être pris comme repère, puisque le CERC indique que les problèmes des familles semblent être les mêmes que l’on prenne le seuil Insee ou le seuil européen, et que "lorsqu’on analyse les différences de carrière scolaire, la rupture se produit plutôt autour du seuil "européen".
Injustice...
Les enfants sont donc les premières victimes, et les plus nombreuses, de la pauvreté, à l’âge de la vie où beaucoup de choses se jouent ; il "subissent une situation sans être en rien responsables de cet état de fait".
"L’échec scolaire des enfants issus des familles pauvres".
C’est une terrible mécanique qui se met en route, même s’il y a, heureusement, des exceptions ...
"La pauvreté éprouvée dans l’enfance risque d’avoir des conséquences durables qui pèseront toute la vie... conduisant à une reproduction des inégalités d’une génération à l’autre".
"Le risque de reproduction de la pauvreté provient surtout de l’échec scolaire qui touche particulièrement les enfants des familles à bas revenus.
Quarante-cinq pour cent des enfants pauvres sont en retard contre 24% pour les enfants des classes moyennes et seulement 12% pour ceux issus des milieux favorisés.
"Cette situation est enregistrée dès l’entrée à l’école. Elle tend à s’aggraver au cours de la scolarité. Ainsi le retard scolaire à l’entrée en 6ème est très nettement concentré sur les enfants à bas niveau de vie. Il en est de même à l’âge de 15 ans, pour le retard scolaire de 2 ans et plus. Les écarts de résultats scolaires se creusent encore après la fin de la scolarité obligatoire."
A 17 ans, 18 % des enfants du dixième de la population qui a le plus bas niveau de vie ont arrêté leurs études (les 2/3 sans diplôme), contre 1% pour les enfants des 3/10èmes de la population qui a le plus haut niveau de vie...
Comment fonctionne le mécanisme ?
"Les canaux qui relient pauvreté et difficultés scolaires sont multiples". Le CERC les détaille :
"Certains sont directs :
surpeuplement du logement permettant mal de s’isoler pour travailler,
ségrégation spatiale du logement social conduisant à des écoles ou des collèges où se concentrent des enfants en difficultés scolaires,
moindre accès à des biens culturels ou aux vacances,
moindre accès aussi aux moyens de soutien scolaire hors de l’école.
D’autres passent par les facteurs qui expliquent la pauvreté des parents :
un faible niveau de formation des parents (de la mère surtout), explique significativement une moindre réussite des enfants,
D’autres enfin sont plus indirects :
voir que ses parents ne parviennent pas à s’en sortir peut conduire à penser que l’on n’y arrivera pas non plus,
de même que ressentir qu’ils souffrent de discrimination due à leurs origines..."
Le CERC indique que "la lutte contre l’échec scolaire est un des axes importants d’une politique visant à réduire les conséquences de la pauvreté des enfants sur leur devenir."
Pas seulement l’échec scolaire...
La pauvreté, c’est global. Concernant la santé par exemple, le CERC estime que "la médecine scolaire est très sous-dimensionnée" alors que les enfants pauvres, moins bien nourris, sont plus souvent obèses (21% d’entre eux) et ont deux fois plus de caries que les autres.
Pourquoi cette pauvreté des enfants ?
"La pauvreté des enfants provient d’abord des difficultés d’emploi de leurs parents".
Et le CERC pointe en premier lieu la situation des travailleurs pauvres, ceux qui subissent la sous-qualification, la précarité, le chômage à répétition, l’alternance emploi précaire / chômage, les emplois à temps partiels.
La pauvreté touche davantage les enfants de familles monoparentales.
La présence d’enfants renforce la difficulté de l’emploi car l’impossibilité de payer les modes de garde pousse la mère à se retirer de l’emploi, à cause du manque de moyens de garde accessibles. "Les aides financières à la garde d’enfants sont insuffisantes pour que la majorité des familles à bas revenus puissent recourir à des gardes rémunérées".
La discrimination : "la pauvreté des enfants concerne très fortement les familles issues de l’immigration". Un enfant pauvre sur 4 appartient à une famille issue d’un pays hors de l’Europe des 15.
Le CERC indique que cela n’est pas seulement dû au fait que les parents sont souvent moins qualifiés et les familles souvent plus nombreuses, mais qu’il y a discrimination sur le marché du travail :"lorsque le chef de famille a le niveau du Bac, le risque de pauvreté est 6 fois plus élevé s’il est immigré venant d’un pays hors UE".
Le CERC invite à lutter contre les discriminations dans l’emploi, le logement.
Des transferts sociaux insuffisants
Le CERC indique que la politique familiale est insuffisante pour combattre la pauvreté. Les transferts sociaux ne compensent pas suffisamment le coût supplémentaire de chaque enfant. Le CERC estime qu’ils constituent un supplément de revenu par enfant de 200 euros/mois pour un couple et de 300 euros pour une famille monoparentale.
Surtout, "les transferts liés à la présence d’un enfant (prestations familiales, majoration des allocations logement, bourses, réductions fiscales ... varient peu avec le niveau de revenu des familles".
Que faire ? Le CERC propose le lancement d’un programme national de lutte contre la pauvreté des enfants.
"La société ne devrait pas accepter une exclusion des enfants". Parmi les mesures préconisées :
Créer des emplois, permettre "l’accès à l’emploi et à un emploi de qualité suffisante en termes de niveaux de rémunération, de stabilité, permettant de concilier l’exercice des responsabilités parentales essentielles au développement des enfants et des adolescents".
Créer " un service public local organisant une offre de garde de qualité pour les enfants d’âge périscolaire ou scolaire"... Car les familles pauvres n’ont pas la possibilité de recourir à des modes de garde payants. "Si la famille et le voisinage ne peuvent être mobilisés, la présence d’enfants demeure un obstacle majeur au retour à l’emploi", notamment de la mère. Un service public qui contribue aussi à la mixité sociale.
Relever substantiellement les prestations liées aux enfants. Créer une allocation familiale dès le 1er enfant. Relever les majorations par enfant dans le calcul des minima sociaux, pour améliorer la situation des enfants dans les familles allocataires de minima sociaux (RMI etc...).
Combattre directement les conséquences de la pauvreté sur le développement des enfants avec une lutte précoce et bénéficiant de moyens contre l’échec scolaire.
Lutter contre les discriminations liée aux origines, et d’abord les discriminations liées à l’embauche, pour assurer aux jeunes issus de l’immigration que leur réussite scolaire pourra contribuer à améliorer leur avenir.
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Cette lutte contre la pauvreté des enfants sera l’un des problèmes à l’ordre du jour de la journée de travail du Forum des droits sociaux qui aura lieu à St-Etienne ce samedi 21 février de 9h30 à 18H à l’amicale laïque de Beaubrun, Espace Pibarot, 11 rue de l’apprentissage.
Une journée dont le but est de se donner plus d’efficacité dans lutte contre la pauvreté dans l’agglomération stéphanoise, et si possible de déboucher sur des projets, des actions concrètes.
Roger Dubien,
conseiller municipal, élu au CA du CCAS de St-Etienne.
(1) Le CERC (Conseil pour l’Emploi, les Revenus et la Cohésion sociale) est nommé par le 1er Ministre. Il est actuellement présidé par Jacques Delors.
Il y aurait bien sûr des choses à dire sur le fait que M. Delors est l’un de ceux qui ont plaidé pour la " libéralisation de l’économie " et la dérive sociale - libérale de la gauche en France... Reste que l’organisme officiel qu’il préside mesure aujourd’hui les dégâts de politiques qui, menées au nom de la droite ou au nom de la gauche, ont mené à un million d’enfants pauvres.
(2) Niveau de vie / Seuil de pauvreté
Le niveau de vie d’un ménage est défini comme son revenu disponible après impôts directs, divisé par sa taille.
La taille du ménage est calculée ainsi : le 1er adulte compte pour un. Le deuxième et tout enfant de 14 ans ou plus compte pour 0,5. Et tout enfant de moins de 14 ans compte pour 0,3.
Pour 2003 en France, le niveau de vie médian est de 1.300 euros pour une personne.
Le "Seuil de pauvreté" est fixé par l’Insee à la moitié du niveau de vie médian. Mais la définition européenne fixe le seuil de pauvreté à 60% du niveau de vie médian.
Le seuil de pauvreté (monétaire), pour 2003, est donc selon l’Insée, de :
650 euros/mois (4.260F) pour une personne seule (800 euros - 5.250F - selon la définition européenne).
1.170 Euros (7.675F) pour un couple avec un enfant de moins de 14 ans.
de 1.365 euros pour un couple avec deux enfants de moins de 14 ans.
de 1495 euros pour un couple avec 1 enfant de plus de 14 ans et un enfant de moins de 14 ans.
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Le rapport complet (151 pages - 850 Ko) ainsi que le résumé (6 pages - 64 Ko) sont disponibles sur le site web du Cerc et sur le site de la Documentation française