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Les familles et enfants Rroms du bidonville de Montmartre expulsées ce vendredi
La nouvelle étape de la chasse aux Rroms inaugurée à Saint-Etienne
samedi 7 août 2010
Le Préfet de la Loire P. Soubelet s’est vanté hier sur les grands médias d’être le premier à mettre en oeuvre les décisions annoncées par Sarkozy : les Rroms regroupés par les expulsions de ces dernières semaines dans le bidonville à Montmartre ont été expulsés ce vendredi 6 août par d’imposantes forces de police. Police nationale et police municipale, car cette affaire, toutes comme les expulsions des mois précédents, a été menée en étroite collaboration entre le Préfet de Sarkozy et la mairie de Gauche, honte à elle.
Pour mieux comprendre la situation, plusieurs précisions sont utiles.
Les familles Rroms ont été chassées, mais pour aller où ? En discutant, même avec des gens qui en ont vu d’autres, on se rend compte que beaucoup pensent que les Rroms chassés d’un hébergement se voient proposer un point de chute quelque part. Eh bien non. Quel que soit le temps, les familles sont mises à la rue, enfants ou pas, malades ou pas, vieillards ou pas.
Après l’expulsion du bâtiment réquisitionné de Montreynaud le 17 juin, des familles ont ainsi erré plusieurs jours dans la ville, avant de trouver un taudis. Cette fois, le Préfet annonce que toutes les familles expulsées ont reçu un OQTF - obligation de quitter le territoire français sous un mois. Mais souvent c’est illégal, car beaucoup de familles sont en situation régulière (voir plus bas). Des recours seront déposés devant la justice...
Ce vendredi soir, les familles ont trouvé refuge pour dormir dans le bâtiment de l’ancienne clinique de la Jomayère, désaffectée depuis plusieurs années. Elles en ont été expulsées ce samedi après-midi... Certaines ont pensé ce soir se poser un peu en bordure d’un stade municipal. Elles en ont été immédiatement expulsées ce samedi soir. Des policiers ont annoncé la couleur : dès que vous vous installerez quelque part, on vous chassera. C’est bien une chasse aux Rroms qui est ouverte.
La première évacuation d’un camp rrom illégal, comme ça a été martelé sur les médias ? Mais rien qu’à St-Etienne, selon les comptes du Préfet, c’est la 11ème expulsion en 2010. Parmi d’autres expulsions :
Quelques jours avant seulement, il y avait eu vendredi 30 juillet l’expulsion de familles hébergées dans une maison de retraite vide à Terrenoire. 30 adultes et 18 enfants. Certaines de ces familles ont ensuite campé jusqu’a hier près de l’étang de Janon. Elles ont été expulsées ce 6 août aussi.
Le 17 juin, les familles et enfants rroms de l’immeuble de Molina (réquisitionné en mai 2009 par le réseau de solidarité, suite à l’incendie d’un immeuble qui abritait des familles rroms rue Roger Salengro (Voir)
avaient été expulsés, à l’heure de la rentrée de l’école.
Le 9 juin, les familles et enfants rroms de l’immeuble de Méons, réquisitionné en août 2008 (voir)
après la destruction de l’école de Montplaisir (voir)
avaient été expulsés (Voir)
Petite ironie de l’histoire, ces familles sont finalement allées sur le terrain de Montmartre, vers lequel la mairie avait tout fait pour les concentrer en juillet 2008. Avec le réseau de solidarité, les familles Rroms avaient en 2008 refusé jusqu’au bout, pour ne pas créer un bidonville...
Et suite à l’installation et au regroupement récent des familles rroms sur ce terrain (à chaque expulsion, il était plus ou moins suggéré aux rroms de s’y rendre), le réseau de solidarité a lancé une pétition “Non au bidonville de St-Etienne” , qui a été remise le 29 juin couverte de plus de 2000 signatures à la mairie et à la préfecture...
Pour ce qui est d’un camp illégal, donc, tout ça se discute ! Et d’ailleurs, la mairie y a installé 5 WC chimiques, deux robinets d’eau et une benne à ordures. Mais ce qui vient de se passer confirme que l’objectif de cette concentration des familles Rroms était de dégrader leur situation et de faciliter et de justifier plus facilement ensuite leur expulsion.
Le Préfet se revendique des décisions de Sarkozy. Le maire de St-Etienne assume les expulsions
St-Etienne a un lourd passif dans la chasse aux Rroms. De 2001 à 2008, la municipalité UMP de M. Thiollière s’y est employée. On trouvera quelques infos sur la situation des rroms à St-Etienne depuis des années ici
Parmi les “exploits” de la mairie de droite dans ce domaine, il y a eu l’expulsion des Rroms du Clapier en 2006, avec la destruction des caravanes au bulldozer. (Voir)
Puis l’expulsion du squat de la rue Beraud en 2007. Ce sont d’ailleurs les familles du Clapier qui s’étaient installées rue Beraud. Expulsées de la rue Beraud, elles ont été conduites, avec l’accord tacite de la mairie, dans l’école désaffectée de Montplaisir...
La mairie de gauche et le Maire M. Vincent ont pris le relais. Dès juillet 2008, expulsion de l’école de Montplaisir avec saccage de toutes les affaires des Rroms (voir)
Le Maire de St-Etienne M. Vincent assume cette politique et a d’ailleurs annoncé implicitement l’expulsion du bidonville de Montmartre dès le 5 août, la veille de l’intervention policière : “l’évacuation des squats s’impose et est donc mise en œuvre par la police, avec humanité (c’est la demande de la ville) mais aussi avec fermeté car aucune solution positive ne pourrait sortir de la généralisation de ces squats. Cette attitude sera maintenue à l’avenir, car c’est la seule raisonnable pour maintenir dans notre ville les conditions du vivre-ensemble”
(Voir)
Comme “solutions véritables” qu’il dit rechercher, le Maire de St-Etienne ne propose que l’expulsion des rroms vers la Roumanie. “Vivre ensemble” ? En tous cas pas avec des Rroms. Et depuis deux ans la mairie n’apporte aucune aide au réseau de solidarité qui travaille à la scolarisation des enfants, à l’accès à la santé, au logement, à l’emploi... Que des bâtons dans les roues.
Le maire parle de fermeté et d’humanité. Où est l’humanité ? Même si elles ne se font plus comme celle de 2008 avec destruction des affaires des Rroms (une municipalité de gauche a fait ça !), les expulsions actuelles sont une grande violence pour les familles et les enfants. M. Vincent a beau s’efforcer de se distinguer de Sarkozy, s’agissant des rroms, ils disent et font exactement la même chose.
Ce vendredi, les militants présents ont vérifié que cette expulsion avait été minutieusement préparée par la préfecture et la mairie, en collaboration étroite. Avec des mesures policières pour empêcher toute protestation visible dans le centre-ville.
Le Préfet de la Loire le précise : "Il est clair que ce que j’ai fait ce matin est dans la ligne de la consigne présidentielle". Et Hortefeux en personne a commenté l’expulsion de St-Etienne : « Engagement pris, promesse tenue ».
Les approximations du Préfet
Les services de police - et donc la préfecture - connaissent dans le détail la situation des familles rroms de l’agglomération stéphanoise. Ils parlent de 218 adultes et 129 enfants. Soit 347 personnes. Contrairement à ce que dit la Préfecture, ce chiffre n’est pas en forte augmentation. Cela fait longtemps qu’il y a autour de 300 à 400 Rroms dans l’agglomération stéphanoise. Beaucoup de familles sont ici depuis plusieurs années.
“Il n’y a pas d’avenir en France pour les Rroms en situation irrégulière”, martèle le Préfet. Mais les Rroms sont des citoyens roumains de l’Union Européenne. A ce titre ils peuvent habiter dans tous les pays de l’UE. Sauf qu’au-delà de 3 mois ils doivent justifier de ressources suffisantes. Sinon, ils doivent rentrer en Roumanie... dont ils ont le droit de repartir aussitôt pour aller en France ou ailleurs. Il y a donc une part de mise en scène dans les déclarations du Préfet et du gouvernement. A moins que des mesures spéciales contraires à la constitution française et à celle de l’Union Européenne soient mises en place.
Ce jeudi à Montmartre, 44 OQTF - obligations de quitter le territoire français ont été distribuées, selon le préfet, qui dit que ce sont les premières. Mais ça fait des années que la préfecture délivre des OQTF. Et encore, il y a huit jours, 22 ont été délivrées à Terrenoire. Si ces OQTF se révèlent légales, les personnes concernées ont un mois pour partir et peuvent ensuite revenir en faisant la preuve qu’elles sont d’abord parties...
Ce faisant, cependant, le Préfet reconnaît (en parlant de seulement 44 OQTF) que beaucoup des Rroms présents au bidonville de Montmartre ne sont pas en situation irrégulière. Le préfet sait aussi pertinemment ce que vont faire ces familles : chercher un autre hébergement. On a envie de demander : pourquoi cet acharnement, et maintenant, que comptez-vous en faire ?
La destruction du travail de solidarité
A chaque expulsion, c’est tout un travail du réseau associatif qui est largement détruit (santé, scolarisation des enfants etc...). C’est le résultat le plus clair que peuvent revendiquer Hortefeux, le Préfet et la mairie de St-Etienne.
A St-Etienne, la force du réseau de solidarité, l’engagement de dizaines de militants bénévoles et d’associations a permis un travail considérable : ici, la quasi totalité des enfants rroms a été scolarisée et a appris le français. 30 familles ont obtenu un logement en bonne et due forme dans l’agglomération, ce qui représente environ le tiers des familles rroms présentes. Quelques personnes ont réussi à obtenir un travail déclaré, mais c’est le plus difficile : car pour le moment, les rroms n’ont pas le droit de travailler, sauf dans des conditions qui rendent leur embauche quasi impossible pour une entreprise. D’où le travail au noir d’une partie d’entre eux...
Cette politique d’expulsion des Rroms peut certes détruire des personnes et des familles. Elle vise aussi à décourager les initiatives militantes. Mais elle est sans issue. Les familles Rroms roumaines qui sont ici depuis des années vont continuer à tenter de survivre. La solution humaine et constructive est de consacrer à la construction de projets les moyens gaspillés aujourd’hui dans la chasse à ces familles.