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Expulsion des familles Roms hébergées dans les garages de Montchovet à St-Etienne :

A St-Etienne, 50 enfants ont été chassés de l’Ecole début janvier 2014

dimanche 12 janvier 2014

Ce sont de drôles de voeux de bonne année que la préfète de la Loire et le maire de St-Etienne ont adressé aux familles Roms hébergées depuis près d’un an pour certaines d’entre elles dans les garages de Montchovet. Vendredi 3 janvier, les policiers sont venus en force expulser tout le monde. C’est à dire jeter 130 personnes, dont 80 enfants à la rue.
Le 8 janvier (1), des militants du Réseau de solidarité Roms ont expliqué à la presse, avec à l’appui des témoignages d’enseignants, le désastre que cette expulsion constitue. D’abord parce qu’elle signifie que 50 enfants (scolarisables et scolarisés) ont ainsi été chassés de fait des écoles dans lesquelles ils allaient malgré toutes leurs autres difficultés.
Ce sont de longs mois d’efforts des enfants, des familles, des enseignants et des militants associatifs pour que ces enfants aillent à l’école qui sont ainsi mis par terre.

C’est sûr que l’hébergement dans ces garages était indigne. D’autant plus indigne qu’il y a à St-Etienne des milliers de logements vides, à commencer par des logements sociaux, et des immeubles publics inoccupés qui pourraient devenir des lieux d’hébergement corrects pour des familles à la rue.
Mais la Préfecture a belle mine de dire que c’était indigne, elle qui n’a rien fait pour améliorer ça, au contraire. Et puis un garage, c’est encore mieux que la rue. Surtout avec des enfants. On peut y dormir, y faire un peu de cuisine, se laver, s’éclairer un peu. Et ça fait une adresse, à laquelle on peut rentrer. Et une domiciliation à partir de laquelle les enfants peuvent s’inscrire dans les écoles du quartier.

Et c’est bien ce qui s’était passé avec garages de Montchovet. Sur les 80 enfants Roms qui y étaient abrités, au moins 50 étaient scolarisés : 30 dans les écoles élémentaires de Montchovet, Beaulieu et La Cotancière, 10 en maternelle, 10 au collège Jean Dasté. Les enseignants de ces établissements se sont beaucoup impliqués pour que ces enfants puissent aller à l’école, apprendre.
Une enseignante du collège Dasté a dit combien ces enfants Roms étaient heureux d’aller à l’école. “ils étaient très assidus, volontaires et engagés dans les apprentissages, alors même que leur vie précaire ne s’accorde pas avec le temps long de l’éducation. Un vrai désir d’apprendre...”

Mais “comment empêcher les enfants d’aller à l’école en une leçon ?” a demandé Pierre Rachet. “C’est simple : vous les mettez à la rue”.
Et c’est un fait que depuis le 3 janvier, ces enfants ne vont plus à l’école.
“Oui, la situation dans les garages, c’était catastrophique. Mais malgré ça, ces familles étaient quand même dans une démarche de stabilisation... Ok les garages, c’était indigne. Mais ces familles étaient dans les garages depuis 4 mois à 1 an. Les services de l’Etat avaient le temps pour dire : que va-t-on faire ?”
Des militants et des associations construisaient quelque chose avec ces familles. A nouveau, c’est mis par terre.

Alors, préfecture et mairie disent que pour un temps, ces familles sont quand même hébergées, au gymnase de Terrenoire. Et effectivement environ 90 personnes y sont allées (Une quarantaine sont ailleurs, sans doute dans d’autres abris de fortune). Mais ceci empêche les enfants de continuer à aller à l’école. Parce que dans ce gymnase, on ne peut rentrer que le soir à 20 heures, pour dormir. Et on doit dégager le matin à 8 heures. Quel que soit le temps. Alors les familles vont dans la journée à Renaître, à 2kms à pied, près de la gare. Ou au bistrot social, dans le centre-ville.Ou traînent dans les rues. Avec les enfants...

Les militants du Réseau de Solidarité ont bien pensé demander un bus qui vienne chercher les enfants le matin à Terrenoire et les emmène dans leurs écoles. Mais comment faire à midi pour manger ? Et le soir, que faire des enfants entre la sortie de l’école et l’ouverture du gymnase à 20h ?

Isabelle Graci, enseignante, coordinatrice pour les élèves allophones de la Loire est en colère. “Ces enfants sont mis à la porte le matin jusqu’à 20h le soir. Et entre temps, ils font quoi ? (...) Ça avait déjà été compliqué de leur trouver une place dans les écoles. Ils se retrouvent sans école, en France, en 2014. C’est juste pas pensable (...) Notre devoir en tant qu’Education Nationale est d’accueillir ces élèves dans les écoles. Mais après la traque en septembre, on nous les remet à la rue en plein hiver. Les garages sont dangereux ? D’accord. Mais vivre dans la rue, c’est mieux ? Comment peut-on faire notre travail d’enseignants, comment ces enfants peuvent-ils grandir, pourquoi avoir mis ces enfants à la rue ?”

"Et c’est en contradiction avec la loi que le maire a l’obligation de respecter” dit Marie-Pierre Manevy. Alors même que le Conseil général exige la scolarisation des enfants, pour l’aide aux familles.

Jamal Rami ajoute que la Préfète elle-même n’a pas appliquée la circulaire du Ministre Peillon qui a fait suite à l’expulsion de Léonarda : d’autres enfants sont chassés de l’école !
A ce propos, les choses se sont passées différemment dans le Rhône fin 2013 : le Préfet de région a mis en place à Oullins des bungalows et un suivi social pour des familles expulsées de leur abri sous un Pont dans le centre de Lyon.
Pourquoi rien dans la Loire, alors que ce ne sont pas les appartements vides qui manquent, redit Pierre Rachet. Et Marcel Gaillard ajoute : “nous on est contre les squats, l’hébergement dans des garages... mais maintenant ils sont européens. Ils ont le droit d’appeler le 115. Et d’être logés. Il y a plein de maisons vides à St-Etienne”...

On remarquera que cette nouvelle expulsion est faite au moment où la France vient de lever au 1er janvier 2014 les “mesures transitoires” qui interdisaient aux Roumains et aux Bulgares (donc à la plupart des Roms) de travailler en France. Des rendez-vous étaient d’ailleurs pris avec Pôle Emploi. Une façon de leur dire : “dégagez quand même, n’y comptez pas”, au moment où ils ont le droit au travail et à la formation ?

Quand est-ce que ces familles auront un logement pour que ces enfants puissent retourner à l’école ?

(1) Ce même 8 janvier, le Maire de St-Etienne a inauguré une plaque “Aimé Césaire” sur l’Esplanade du Zénith. Il a parlé de “défense de la négritude”, de “combat contre l’apartheid”, de “reconnaissance des différences”, de “lutte contre toutes les discriminations“. Et de “faire coïncider la parole et les actes”.
On se pince.
Une chance qu’Aimé Césaire ne puisse pas protester.