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Philippe Zarifian : Propositions immédiates pour une relance économique et sociale, donnant toute sa place à l’urgence écologique.

lundi 16 février 2009

Ces propositions, vue la gravité de la crise actuelle, sont d’application immédiate. Elles sont, dans leur orientation, post-capitalistes, mais, vue l’urgence, ne sauraient en aucun cas prétendre représenter une sortie du capitalisme. Elles doivent donc composer avec la logique du capital et viser à contrôler cette dernière.

1. Une priorité donnée à la question du salaire, cohérente avec l’urgence écologique.

Une des causes premières de la crise réside dans la compression, puis la régression du pouvoir d’achat du salaire qui agit depuis plus d’un quart de siècle. Nous considérons le salaire pour ce qu’il est : non pas un salaire individuel direct, mais un salaire global, concernant l’ensemble du salariat, et qui englobe :

- le salaire direct, mais aussi le salaire socialisé, s’exprimant en particulier par les prestations sociales et englobant l’ensemble des effets redistributifs des services publics,

- le revenu des salariés actifs, mais aussi celui des chômeurs et des retraités.

Nous proposons de lancer un vaste programme de revalorisation de ce revenu global, d’application immédiate, mais avec une visée de moyen-long terme. Mais nous proposons en même temps de faire face à l’urgence écologique, dans le sens d’un "bien vivre" et d’un coup d’arrêt immédiat donné à tous les facteurs qui dégradent l’écosystème et la biosphère. Il ne s’agit donc pas d’une relance de la consommation ou "par la consommation", mais du redressement d’un revenu global orienté vers et par la prestation largement développée de services socialement et personnellement utiles, ainsi qu’écologiquement favorables.

Sans entrer dans les détails, ce programme comprend :

- l’instauration d’un revenu minimum d’existence pour tous, dont le montant sera situé au-dessus du seuil de pauvreté monétaire (60% de la médiane du pouvoir d’achat moyen des français) et qui concernera les 7,8 millions de personnes qui sont en situation de pauvreté. Il sera associé à la mise en place d’un programme d’aide à la réinsertion dans une vie sociale et humaine normale, en appui et à la demande des intéressés. Il remplacera les diverses prestations actuelles (de type RMI) et mobilisera à la fois les services de l’Etat et des municipalités localisés au plus prêt du terrain et tout le tissu associatif, avec la garantie d’une action cohérente et globale qui pourrait être pilotée par une agence publique de réinsertion sociale.

- Une nette revalorisation des salaires directs, par le biais d’une grande conférence salariale, fixant les règles de partage entre profit, salaire et impôts sur les sociétés (et laissant volontairement de côté la part constituée par les dividendes qui doit devenir résiduelle et ne relève d’aucune négociation). Ces règles fixeront le cadre des nécessaires négociations décentralisées que les partenaires sociaux auront la responsabilité de mener. Une revalorisation du Smic fixera le minimum de manière interprofessionnelle, mais elle ne saurait être dissociée de cette conférence et des négociations concrètes.

- Une réforme et un renforcement du système de sécurité sociale et de ses différentes branches, fixant des montants homogènes et justes sur tout le territoire et pour l’ensemble de la population bénéficiaire. Dans ce système, les prestations gratuites sous forme de services offerts par les services publics concernés (par exemple, l’ensemble du système de soins) l’emporteront tendantiellement sur la redistribution monétaire. Cela devra permettre de contrôler, mais aussi de personnaliser la qualité et pertinence des services rendus. Il s’agira d’associer un élargissement de l’application du principe de la gratuité à la pertinence des services offerts et aux moyens donnés, par la puissance publique, aux institutions offrant et réalisant ces services. Il comprendra un vaste programme de débureaucratisation et de décentralisation, au plus près de la vie sociale et individuelle réelle, de l’ensemble des institutions liées à la Sécurité Sociale et de montée en compétence des personnels concernés, compétence servicielle (de qualité de la démarche professionnelle de service rendu aux bénéficiaires) autant que technique. La revalorisation de la rémunération, sur fonds publics, de ces personnes accompagnera la montée en compétences et en débureaucratisation.

- Une annulation immédiate des diverses mesures appliquées au service public de l’emploi (le pôle emploi) pour réintégrer pleinement les droits inconditionnels des chômeurs, tout en soutenant et amplifiant le seul aspects positif de ces mesures, à savoir l’accompagnement personnalisé du retour à l’emploi (avec offre de bilan de compétences, offre de formation lorsque nécessaire, etc.). Cet accompagnement personnalisé sera gratuit et ne conditionnera en aucune façon le versement des prestations monétaires. Priorité sera donnée aux souhaits et désirs des chômeurs (qui restent de plein droit des salariés, mais dont certains peuvent souhaiter s’établir comme travailleurs indépendants) quant à leur devenir professionnel personnel.

- La création d’un nouveau type de contrat de travail, inspiré du régime des intermittents du spectacle, permettant d’associer et alterner temps de travail (salarié ou indépendant) et temps de disponibilité pour se ressourcer en termes de connaissances, d’activité personnelle, de créativité désintéressée. Ce contrat assurera, selon des modalités à déterminer, une continuité de revenu pour les personnes concernées et des plages d’alternance.

En parallèle à ce vaste plan global et cohérent de revalorisation du revenu global, on associera de manière systématique, une visée d’amélioration du "bien vivre", respectueux de la santé biologique et psychique des personnes et des populations, et respectueux des équilibres (et rééquilibres) à trouver dans la relation aux éléments de la nature, tant en terme de reproduction des éco-systèmes, de rétablissement des conditions de développement de la biosphère (sphère de la vie sous toutes ses formes) que d’esthétique des lieux de vie et d’art de vivre. Cette visée pourra être discutée de manière décentralisée entre les bénéficiaires et les prestataires des services (le concept d’usage d’un service, y compris de conseils et services en alimentation, remplaçant le concept de consommation). Il ne s’agira pas d’imposer, mais de convaincre autour des meilleurs choix émergeant de ces discussions.

2. Une reprise en main radicale du système bancaire et assurantiel et de la politique d’investissement.

La nationalisation immédiate des grandes banques et assurances est une nécessité incontournable. Mais elle doit se traduire par une reprise en main et réorientation forte de leurs missions et activités.

En particulier :

- l’extinction et disparition des départements qui interviennent sur les marchés financiers et interdiction faites à ces organismes d’opérer sur ces marchés, que ce soit pour leur compte propre ou pour le compte d’un tiers (le marché obligataire étant traité comme un cas à part, y compris le marché des bons du Trésor),

- le plein développement de la vocation initiale des banques : assurer un crédit à court, moyen et long terme, à un taux fixe garanti, aux "particuliers", et ceci sur la base des dépôts en revenu et en épargne dont ces banques assurent la gestion.

- Accès à un marché obligataire "sain", étroitement contrôlé pour éviter tous produits dérivés et spéculation, visible en tant que tel, donc dissocié des "marchés financiers" (vocable opaque), dont la mission centrale résidera dans le financement des investissements des entreprises. On pourrait renommer ce marché obligataire : "marché de financement des investissements réels par emprunt".

- Création en parallèle d’un pôle public spécifique dédié au financement des investissements à visée sociale et écologique. Ce pôle se constituerait par regroupement opéré entre la Caisse de dépôts et la Banque Postale, prenant en main, tout en l’élargissant, le financement du logement social (respectueux des normes écologiques), du cadre de vie urbain et des collectivités territoriales. On pourrait le renforcer par la nationalisation de certains groupes, comme le groupe Véolia, qui joue un rôle clef dans la délivrance des services urbains (eau, transport, déchets, etc.) et l’implication directe des grandes entreprises publiques actuelles (SNCF, RATP, La Poste en particulier) de telle sorte que ce pôle se trouve renforcé, en moyens financiers et en moyens d’action. Les projets et prises de décision quant à l’usage des fonds venant de ce pôle associera, non seulement les élus, mais les citoyens concernés, selon une problématique autogestionnaire et un fonctionnement régulé selon le principe des "parties prenantes".

3. Des contreparties réelles et publiquement énoncées et contrôlées pour le financement des secteurs en difficulté.

Les secteurs en grave difficulté immédiate, tel l’automobile, doivent recevoir une aide de l’Etat remboursable, mais avec des contreparties clairement énoncées et notablement différentes des plans actuels :

- une interdiction de licencier pour les secteurs aidés, les progrès dans le domaine des coûts étant à rechercher dans des plans de montée en compétence et modernisation technologique, lorsque nécessaire, mais aussi dans une meilleure organisation du travail, tant sur le plan des conditions de vie au travail que d’efficience des processus productifs, l’organisation du travail étant désormais pensée en tant que "mise en coopération" de travailleurs et de métiers compétents, reposant sur l’économie du savoir et de la prise initiative.

- Des objectifs ambitieux et de réalisation la plus rapide possible sur le plan de l’impact écologique, contrepartie obligatoire des aides,

- Si besoin est : des projets de reconversion des compétences et des installations, pour les réorienter vers des usages sociaux et écologiques, se substituant, au moins en partie, aux "biens" actuels (telle que l’automobile). La question écologique ne peut pas être traitée par "usage forcé" (on ne peut forcer pas les personnes à vivre de manière écologique). Mais elle doit se concrétiser par l’offre de nouveaux types de biens et services, aptes à convaincre de leur validité supérieure, en faisant confiance à l’intelligence et à la montée en conscience des citoyens face à la gravité et à l’urgence de la question écologique. En toutes occasions, il ne faudra pas mettre en avant uniquement l’aspect "négatif" (éviter une augmentation de l’effet de serre par exemple), mais aussi l’aspect "positif" : une meilleur qualité de vie et la création progressive d’un nouvel art de vivre (de vivre ensemble et de vie personnelle).

- Un rejet du chauvinisme économique et l’ouverture des secteurs et entreprises aux besoins européens et mondiaux, définis par les attentes, cultures et traditions d’usages des peuples concernés. Loin d’un retour au protectionnisme, il s’agit de réaliser, de manière concrète, une ouverture vers la mondialité, vers notre appartenance à la fois commune et diverse au même monde global. Cela passe par des accords de coopération clairement définis (et non pas par la seule "loi du marché"), construits autour de "propositions d’usages", correspondant à ces attentes et cultures.

Conclusion

Nous nous limitons volontairement à ces trois grandes propositions. Il ne s’agit pas de traiter exhaustivement de tous les sujets, mais de prendre des dispositions d’impact à la fois immédiat et massif.

Philippe Zarifian

14 février 2009

Le site de Philippe Zarifian : http://pagesperso-orange.fr/philippe.zarifian