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Ferme des 1000 vaches : relaxe pour les 9 de la Conf’ !

3000 personnes à Amiens avec les défenseurs de l’agriculture paysanne

Le jugement du procès en appel sera rendu le 16 septembre

jeudi 25 juin 2015

Agriculture paysanne ou agriculture industrielle et financiarisée ? La bataille fait rage.
Mercredi 17 juin : c’était à Amiens le procès en appel des 9 de la Conf’, lourdement condamnés le 28 octobre pour avoir agi contre la "ferme des 1000 vaches" du financier du BTP Ramery.
Cette "ferme des 1000 vaches" est devenue un symbole : celui de l’industrialisation et de la financiarisation de l’agriculture, de la destruction de l’agriculture paysanne. Car des projets similaires sont en cours de montage pour les porcs, les volailles, les agneaux...
Les promoteurs de cette dérive n’ont rien à faire du métier de paysan et de la production de la nourriture pour la société. Et il piétinent allègrement la légalité aussi : 8 jours avant le procès, Reporterre - confirmé par une enquête de la Préfecture de la Somme -, a révélé que Ramery avait déjà entassé 800 vaches dans sa ferme-usine, au lieu des 500 autorisées par la Préfecture ... avec laquelle Ramery siège pourtant dans un "comité de suivi" !! Enorme mensonge, donc, même auprès de ses soutiens politiques, de la part de quelqu’un qui poursuit les paysans de la Conf’ pour ... actes illégaux ! La finance ne connaît aucune éthique. On le savait, mais on est toujours surpris à quel point...






Le 17 juin, c’est une très forte mobilisation qui a eu lieu toute la journée autour des 9 à Amiens, pour exiger leur relaxe.
Dès 8 heures du matin, 3 cortèges ont convergé vers la place devant le Palais de Justice, juste à côté de la cathédrale d’Amiens. Et puis la journée a été une sorte de meeting permanent, avec des dizaines d’interventions de tous horizons, de la musique et des chansons...
Quand les 9 sont entrés au Tribunal, avec leurs deux avocats et avec leur grand témoin : Olivier de Schutter, environ un millier de personnes étaient rassemblées, notamment venues dans la nuit en cars des départements. Et puis vers midi s’est mise en route une manifestation qui a arpenté tout le centre-ville d’Amiens pendant une heure et demi, en grossissant des nouveaux arrivants au fil du parcours. Au point que ce sont près de 2000 personnes qui sont revenues sur la Place devant le Palais de Justice, dont beaucoup de jeunes...
"Les voyous, c’est pas nous !", "Ramery en prison, les 9 à la maison !"...Tout le monde ici sait bien qui est qui dans l’affaire de la "ferme des 1000 vaches". D’un côté la finance, la loi du fric, le cynisme, et la tentative permanente de faire taire ceux qui résistent. De l’autre le métier de paysan, pour produire la nourriture de qualité dont la société a besoin. Celles et ceux qui le pratiquent. Celles et ceux qui comprennent ces enjeux-là, et savent aussi qu’avec le changement climatique en cours, c’est d’une agriculture paysanne qu’on a absolument besoin pour essayer d’éviter le désastre. Et aussi celles et ceux qui entendent défendre la liberté.


Face au rouleau compresseur de l’agro-industrie et de ses financiers, les prises de parole ont montré la diversité du soutien dans la société. Parmi les intervenants :

Francis Chastagner, président de Novissen- Novissen est l’acronyme de NOs VIllages Se Soucient de leur ENvironnement -, association qui lutte depuis 4 ans contre la ferme des 1000 vaches et réunit maintenant 3000 adhérents, a rappelé les évènements des derniers jours : la preuve apportée que la ferme-usine concentre 800 vaches au lieu des 500 autorisées par la Préfecture : "on s’entendait dire que ce projet est légal, qu’on peut être contre mais qu’on ne peut rien faire ... aujourd’hui, cette légalité a volé en éclats !". Car Ramery trompe les services préfectoraux. Ce qui pose la question des responsabilités voire des complicités dans ce scandale. Une attitude de délinquant qui triche et viole le droit...
"Les 9 de la Conf’ ont eu raison d’alerter l’opinion publique par le coup d’éclat du démontage de la salle de traite". (...) "Les délinquants sont Ramery et Welter (le chef d’exploitation) qui ne respectent ni la loi (500 vaches autorisées par la Préfecture), ni leurs engagements... Arrogance et mépris envers les citoyens, les services de l’Etat et la Justice (...) c’est de la manipulation de la Justice. Mais aujourd’hui est jour d’espoir car les masques sont tombés." Il faut délivrer un message clair, y compris de la part de la Justice. Novissen demande la Relaxe des 9.

Laurence Blisson, juge et secrétaire générale du Syndicat de la Magistrature, a dénoncé une criminalisation-pénalisation du mouvement social. "Dans ce procès, et dans d’autres, le droit pénal est dévoyé pour fournir des armes contre les militants. Tout un arsenal est utilisé, comme le fichage génétique" : à l’exception des délits financiers (!), il est possible aujourd’hui de ficher toute personne qui conteste quelque chose ! "Il se joue au niveau gouvernemental une véritable lutte contre les mouvements sociaux", un refus de la mobilisation sociale et politique. La loi sur le renseignement en cours de vote en est l’expression. Laurence Blisson a appelé à rompre avec ce système sécuritaire qui vise en fait à réduire toute contestation.
"Ce qu’ont fait les 9, c’est un geste de désobéissance civile, ce n’est pas ce que le droit pénal qualifie de vol, de destruction."

Un responsable du comité régional de la CGT Picardie a apporté le soutien des salariés au combat des paysans : "les syndicalistes de la Conf’ ont raison de se mobiliser contre ce projet mortifère", et annoncé une journée nationale d’action de la CGT le 23 septembre pour défendre les libertés.

Bernadette Groison secrétaire générale de la FSU : "il est possible de faire le choix d’une agriculture paysanne et d’une agriculture capable de refroidir le climat. La FSU est présente aussi pour défendre les libertés syndicales."

Pour La Via Campesina, organisation mondiale des paysans, c’est un responsable du SOC, c’est un responsable du SOC, syndicat des ouvriers agricoles d’Espagne, qui est venu apporter le soutien à la Conf’ Paysanne française.

Sont intervenus également Greenpeace, P. Tartakowsky de la LDH, P. Laurent du PCF, José Bové...


Et puis la présence d’Olivier de Schutter, rapporteur pour l’ONU pour le droit à l’alimentation (à la suite de Jean Ziegler et jusqu’en 2014), a marqué ce procès. Sacré soutien pour les paysans et la Conf’ !
Face à un Tribunal qui en octobre dernier ne voulait regarder les choses que par le petit bout de la lorgnette (les syndicalistes ont démonté une salle de traite...), il a expliqué l’enjeu de tout ça : "on défend l’intérêt de toute la collectivité (...) pour moi, défendre l’agriculture paysanne c’est défendre ce dont la génération qui suit la mienne aura besoin... une agriculture qui place la Terre et la vie au-dessus du profit... L’agriculture industrielle ne pourra pas continuer, elle est vouée à l’échec."
Olivier de Schutter est à 100% sur la même longueur d’ondes que Laurent Pinatel et ses co-accusés, qui se battent pour un autre modèle de développement agricole, capable aussi d’enrayer la mécanique du réchauffement climatique.

Et cette fois-ci, donc, au cours même du procès, est quand même venue la question du "l’état de nécessité" qui a motivé les paysans à agir ainsi. Et, alors même que l’avocate générale et les défenseurs de Ramery voulaient limiter le sujet à des histoires de boulons dévissés, des "actes illégaux", sans rien dire du contexte et des raisons de cette action syndicale, le président du Tribunal a quand même, cette fois, posé des questions sur le fond du dossier.
C’est Ramery qui devrait être condamné prochainement à de la prison, pour avoir trompé le Préfet, la Justice, et différents services de l’Etat en installant déjà 800 vaches au lieu des 500 autorisées par eux. Les paysans, eux, ont tenté, par des actes symboliques (démontage, puis remise des pièces au ministre Le Foll), de réveiller la population, après avoir épuisé tous les autres recours.

Le résultat du procès en appel a été mis en délibéré au 16 septembre. Cette fois le Tribunal, qui avait en 1ère instance, condamné dans la journée, se donne le temps de peser les choses. Alors, espérons...
Ce qui est sûr c’est que cette journée aura renforcé le mouvement de défense de l’agriculture paysanne.
Et puis, info a été donnée de la création d’un collectif contre les fermes-usines. Parce que la ferme-usine des 1000 vaches en Picardie fait des petits. Et pointe par exemple une ferme-usine des 1200 veaux en Alsace. Une bonne dizaine d’imitations du business de Ramery sont dans les cartons...
Alors le combat continue.





Le 17 juin, 50 personnes de la Loire sont allées à Amiens soutenir Laurent Pinatel et ses 8 camarades, avec le car de la Conf’.
Parmi eux, Violette Auberger, nouvelle conseillère départementale, vice-présidente de la commission agriculture du Conseil départemental
(nouveau nom du conseil général)

En fin de journée, a été lu par Mikel Hiribarren et Laurent Pinatel l’appel d’Amiens, dont on reparlera, c’est sûr...

Plus d’infos :

- http://www.confederationpaysanne.fr

- Compte-rendu de l’audience : http://www.reporterre.net/Le-proces-des-opposants-aux-fermes-usines-faut-il-respecter-la-loi-ou-defendre

- La vidéo de Reporterre http://www.reporterre.net