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CUAD 42 : droits sociaux, liberté, éthique, déontologie du travail social
Le collectif qui dérange P. Clément, président du conseil général...
mercredi 27 juin 2007
La dérive sécuritaire est au coeur de la politique néo-libérale. A son étape actuelle, le capitalisme, qui réduit continuellement les droits sociaux, a un problème avec la démocratie : elle est devenue embarrassante. La dérive s’est aggravée au cours des 10 dernières années, et elle connaît une nouvelle accélération avec Sarkozy qui - encore ministre de l’Intérieur -, a fait voter début 2007 une mal-nommée “loi de prévention de la délinquance”.
Cette loi pousse plus loin la criminalisation des difficultés sociales et le contrôle politique et policier sur les catégories populaires. Disposition particulièrement grave, elle supprime l’obligation de secret professionnel pour les travailleurs sociaux (violation jusque là passible de poursuites pénales), qu’elle veut obliger à transmettre leurs informations aux maires. Des maires - et des présidents de conseils généraux - dotés ainsi d’un pouvoir exhorbitant qui ouvre la possibilité de toutes les dérives.
Cette transformation des professionnels de l’action sociale en informateurs est permise par l’article 8 qui stipule : “Lorsqu’un professionnel de l’action sociale, définie à l’article L. 116-1, constate que l’aggravation des difficultés sociales, éducatives ou matérielles d’une personne ou d’une famille appelle l’intervention de plusieurs professionnels, il en informe le maire de la commune de résidence et le président du conseil général. L’article 226-13 (*) du code pénal n’est pas applicable aux personnes qui transmettent des informations confidentielles dans les conditions et aux fins prévues au présent alinéa (...) « Le professionnel intervenant seul dans les conditions prévues au premier alinéa ou le coordonnateur sont autorisés à révéler au maire et au président du conseil général, ou à leur représentant au sens des articles L. 2122-18 et L. 3221-3 du code général des collectivités territoriales, les informations confidentielles qui sont strictement nécessaires à l’exercice de leurs compétences.”
(*) Cet article du code pénal prévoit que : “La révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.”
A propos de cet article 8, on peut télécharger en bas de page un document explicatif...
Cette instrumentalisation grave est refusée par nombre de travailleurs sociaux. Pour des raisons déontologiques : d’atteinte au sens et à l’éthique même de leur métier. Pour des raisons d’efficacité de leur travail aussi. Comment construire des rapports de confiance avec les familles plongées dans des difficultés sociales si celles ci voient dans le travailleur social qu’elle doivent rencontrer un auxiliaire du pouvoir politique et de la police ? Imaginons ce que deviendraient les rapports avec des médecins soumis à la même obligation !...
L’ANAS-Association nationale des assistants de service social, s’est opposée à cette loi et poursuit réflexions et mobilisations (voir son site web et en particulier le code de déontologie) : Le site web de l’ANAS
On peut lire par exemple sur le site du Portail des droits sociaux un texte de Sophie Vallat, assistante sociale dans la Loire : "Je refuse d’entrer dans cette délation au regard du respect de la vie privée et de la dignité de la personne."
Pour plus d’information sur cette loi , voir aussi :
Le texte de la loi LPD sur Légifrance
Le site web du CNU
Ainsi que, sur ce site :
Gilles Sainati : Alerte : le projet de loi de prévention de la délinquance : passage à l’État totalitaire
Une analyse de la loi
Loi Sarkozy = danger pour les jeunes et les familles
La nouvelle loi sécuritaire Sarkozy a été votée, la résistance à son application commence...
Dans la Loire, le président UMP du Conseil général P. Clément est à la pointe de la dérive sécuritaire, tout comme le sénateur-maire de St-Etienne. Voir ses interventions lors de son passage au ministère de la Justice...
Au cours des derniers mois, cette Loi Sarkozy a suscité une mobilisation multiforme, notamment du côté des travailleurs sociaux refusant la liquidation du secret professionnel et inquiets aussi de développement du fichage des personnes - avec tous les croisements de fichiers informatiques possibles - qui se développe. Mobilisation aussi du côté des associations et syndicats, et des juges du Syndicat de la Magistrature.
Au plan national, des travailleurs sociaux, syndicalistes ou non, ont mis en place un “Collectif national unitaire de résistance à la délation”, qui met en réseau les collectifs existants maintenant dans 62 départements. Dans la Loire, c’est fin 2006 qu’un collectif départemental s’est mis en place, et, comme pour le réseau RESF, ce collectif travaille, avec plusieurs dizaines de participants, et est en train de se développer (1).
Son originalité n’est pas seulement dans la diversité des personnes qui y participent, et dans son mode de fonctionnement en réseau. Elle est aussi dans le fait que ce collectif met le doigt sur le coeur du problème en faisant le lien entre l’aggravation des difficultés sociales, la montée des inégalités et de la misère, et la baisse continue des moyens mis en oeuvre pour y faire face - d’une part - et la restriction des libertés, le fichage, la policiarisation de la “politique sociale” - d’autre part.
Apparemment, c’est cela que ne supporte pas le président UMP du conseil général, qui selon la presse, a porté plainte contre le Collectif suite à une action de ce collectif mi-juin à la DATA sur le problème du RMI, et alors que grandit une protestation des personnels de l’action sociale du conseil général.
La mobilisation des travailleurs sociaux du département : plus de 200 d’entre eux ont manifesté lundi en séance du conseil général.
Le département est parmi les collectivités territoriales celle qui a tout particulièrement la compétence “politique sociale”. Et notamment la gestion du RMI - revenu minimum d’insertion.
Dans la Loire, la situation est dans ce domaine assez catastrophique. Officiellement, sur 10 000 Rmistes environ, 2 500 n’ont pas de contrat d’insertion. Manque de personnel, notamment. Et pour tous, tout comme à l’ANPE où il s’agit de faire faire baisser les chiffres à défaut de faire baisser le chômage, la pression se fait plus dure et les radiations plus fréquentes et plus arbitraires.
Il y a trop de pauvres, il faut en sortir des statistiques et des dispositifs de solidarité. C’est la toile de fond de la réorganisation en cours du service social du conseil général pour la “gestion” du RMI. Arguant des difficultés d’accompagnement des Rmistes, et à défaut d’embaucher le nombre de travailleurs sociaux nécessaire, il a été décidé de transférer l’accompagnement des “bénéficiaires” du RMI de la “DVS - Délégation à la Vie sociale” à la “DATA - Délégation à l’aménagement du territoire et à l’agriculture” et plus précisément à la “DIE - direction de l’insertion par l’économie”.
Quelle est la différence ? Moins de social et de prise en charge des personnes par des travailleurs sociaux formés et polyvalents. Plus de rendement, de pression, de contrats précaires et de formations bidons imposés par des salariés de “l’insertion par l’économie” souvent sans formation de travailleur social. Recul du travail social de proximité et du travail en équipe, au profit de plus de contrôles, de directives, de rapports hiérarchiques.
Etait ainsi décidé - contrairement aux démentis de Clément - le transfert de 42 travailleurs sociaux (AS...) à la DTA, 101 cours Fauriel, en face du commissariat central de police, dans les locaux de l’ex-polyclinique.
C’est pourquoi ce lundi 25 juin, plus de 200 travailleurs sociaux du département ont investi avec leurs organisations syndicales la séance du conseil général, qui était réuni pour parler du budget supplémentaire. Pour défendre la qualité de leur travail et les bénéficiaires du RMI. Pour le maintien d’un accompagnement global des Rmistes par le service social polyvalent. Une mobilisation très importante, à laquelle de nombreux membres de l’encadrement participaient.
Au point que Clément a rapidement fait machine arrière, et assuré à la délégation qu’il a reçue avec deux vice-présidents que rien n’était fait, que les 42 ne seraient pas transférés, et que 15 postes de “référents spécialisés” seront créés et affectés à la DATA pour l’insertion et l’emploi. Un groupe de travail se réunira en juillet, pour une décision en septembre.
Pas d’illusion à se faire cependant : ce n’est que partie remise, l’objectif est bien de transférer la totalité des rmistes à la DATA, et donc aussi un certain nombre de postes de travailleurs sociaux.
Les initiatives du collectif anti-délation...
C’est dans ce contexte que quelques jours avant, et alors que cette mobilisation du personnel se développait, Clément a annoncé dans la presse qu’il portait plainte contre le Collectif anti-délation, suite à une action de ce collectif auprès de la DATA le 13 juin dernier, cours Fauriel.
Apparemment, M Clément ne supporte pas que le collectif soit allé rencontrer les rmistes et les personnels de la DATA. Il l’accuse d’avoir envahi les locaux et tenté d’accéder à des dossiers, ce qui est faux, évidemment. M. Clément cherche a enrayer les mobilisations qui se précisent. En fond de tout ça, il pourrait bien y avoir aussi une volonté de règlement de comptes contre des cadres de la DVS, accusés de ne pas tenir leur personnel, au profit de la DATA qui a de l’appétit en ces temps de “gagneurs”. Le bruit court d’ailleurs que pour faire poids contre l’action des personnels à la séance du conseil général, des “experts en insertion” auraient été “invités” à se mobiliser pour venir y faire face...
Au fait, que s’est-il passé le 13 juin à la DATA ? Une distribution d’un tract par une dizaine de membres du collectif, tract s’adressant aux personnels comme au Rmistes pour mettre le problème sur la table : “travailleur social ou flic ? précaire ou délinquant ?” (Télécharger ce tract en bas de page). Exagéré ? Non, c’est bien la logique de ce que certains cherchent à mettre en place.
L’action à la DATA a été instructive d’ailleurs pour ce qui est de “l’ambiance”. La DATA ressemble plus à un camp retranché qu’à un service accessible aux personnes en difficulté. Les salariés rentrent avec un code. Mais les Rmistes aussi : un code écrit sur leur convocation. La porte est verrouillée. Une caméra filme. Une fois tapé le code, il faut faire vite pour ouvrir la porte... Bienvenue.
Le 13 juin, des membres du collectif, arrivés à 8h30 sur les lieux, ont donc donné des tracts, et certains sont rentrés pour en donner aux agents rentrés dès 8 heures. Le responsable a indiqué qu’il n’était pas d’accord avec le contenu du tract - c’est son droit - et a promis de venir en discuter, dehors. En fin de matinée, sans nouvelles de ce responsable, une discussion a eu lieu à l’intérieur avec deux agents.
Aucune agression ni heurt évidemment. Le responsable est finalement sorti discuter...
Ce qui est vrai est que le tract interpellait les professionnels sur le rôle qu’on veut leur faire jouer et la façon dont ils prennent en charge les bénéficiaire du RMI. C’est légitime, et un travailleur social doit pouvoir écouter ce que disent ceux qu’il est chargé d’aider et pour lesquels son emploi existe. C’est même d’autant plus utile aussi qu’une partie des personnels vit mal ce qu’on lui fait faire de plus en plus.
Difficile de ne pas faire le lien entre le dépôt de cette plainte contre le collectif et la mise en accusation de la politique sociale du conseil général par un nombre important de travailleurs sociaux. La plainte a été annoncée le jour même ou était déposé le préavis de grève des organisations syndicales qui a abouti à l’action du 25 juin... M. Clément aimerait bien détourner la protestation en se posant en défenseur de “ses salariés” face à des agresseurs imaginaires, au moment où il désorganise le travail social.
Il supporte mal aussi que des travailleurs sociaux réfléchissent et agissent en citoyens, par exemple en participant au Collectif anti-délation, au lieu de se contenter d’obéir.
Nouvelles initiatives...
Le Collectif anti-délation (qui est départemental, avec une participation importante du roannais ) s’est réuni à nouveau ce 26 juin à la Bourse du travail. Il se réunira à nouveau mardi 3 juillet à 18h en séance plénière (salle 66 de la Bourse).
Décision a été prise d’une réunion tous les 1ers mardis de chaque mois (y compris en août). Et une permanence d’accueil est mise en place les 2è et 4è mardis. Des réunions de travail plus thématiques fonctionnent par ailleurs (comme celle du 11 juillet, sur les propositions). C’est un réseau d’alerte et de soutien qui s’organise. Aussi bien auprès des personnes qui s’adressent aux services sociaux que des personnels de ces services qui tiennent à l’éthique de leur travail.
Une nouvelle action publique du CUAD est prévue début juillet.
(1) Comment participer au CUAD ?
Le CUAD42 rassemble des syndicats, associations et mouvements et de nombreuses personnes présentes à titre individuel.
Du coté des organisations : CGT, SUD CT, SUD éducation, Solidaires, CNT, Syndicat de la Magistrature, FSU, LDH, NOVAC 42, Réseaux citoyens de St Etienne, CDAFAL, FCPE, Copernic, CVDH, collectif des animateurs socioculturels...
Coordonnées du collectif : CUAD Loire - 12 rue du Colonel Marey 42000 St Etienne
Tél. : 06.84.92.54.61 ou 06.75.81.77.07 ou 04.77.33.60.57 Courriel : cuad.42@gmail.com
Le communiqué de presse de P. Clément, tel que paru dans le Progrès...
Messages
1. > Le collectif qui dérange P. Clément, président du conseil général..., 27 juin 2007, 17:25
Le soutien du Collectif aux personnels de l’action sociale du département
(communiqué de presse du 21 juin à propos de l’action engagée par les travailleurs sociaux du Conseil Général au sujet d’une réorganisation de l’accompagnement des bénéficiaires du RMI.)
Une logique déshumanisante qui nie les valeurs du travail social ?
Au Conseil Général de la Loire, les travailleurs sociaux de secteur (Délégation à la Vie Sociale) ont entamé une mobilisation à propos du RMI. En effet, les élus ont décidé de confier entièrement l’accompagnement des bénéficiaires du RMI à la Délégation à l’Aménagement du Territoire et à l’Agriculture (sic) (DATA), plus précisément à la Direction de l’Insertion par l’Economie (DIE). Cette réorganisation entraîne la disparition d’un accompagnement global et de proximité au détriment d’une prise en compte complexe des situations individuelles des Rmistes. Elle va aggraver la stigmatisation des Rmistes pour mieux économiser sur les dépenses sociales.
Le Collectif Unitaire Anti Délation (CUAD) est solidaire des Rmistes qui perdent un peu plus un réel accompagnement social et se voient contraints d’accepter les injonctions de la DATA (contrat précaire, formations bidon...) sous peine de suspension du RMI parfois pendant plusieurs mois. En contrepartie, pour ce qui est de l’insertion économique proprement dite, la D.A.T.A n’a rien de concret à offrir aux Rmistes.
Avec les dispositions de la loi dite de « Prévention de la délinquance », ces pratiques sécuritaires et « rentabilistes » s’étendent à l’ensemble du public des services sociaux. A terme c’est une mort globale de l’action sociale qui est programmée.
Les travailleurs sociaux peuvent-ils se retrouver dans cette logique déshumanisante qui nie les valeurs du travail social ?
Le traitement du RMI doit rester au sein des services sociaux ou bien nous irons vers une aggravation des problèmes plutôt que vers leur résolution.
Saint Etienne le 21/06/07