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Ce mardi 25 octobre au France : 3ème partie de “Route 181-Fragments d’un voyage en Palestine-Israël” d’Eyal Sivan et Michel Khleifi
Tu connais le jugement de Salomon ?
Projection suivie d’un débat : que penser de la demande de reconnaissance d’un Etat Palestinien ? Du récent échange de prisonniers ?...
mardi 25 octobre 2011
Après la projection de la 1ère partie (le Sud) de “Route 181 - Fragments d’un voyage en Palestine-Israël” en mai, puis de la 2ème (le Centre) en juin (voir), le collectif Liberté Justice Palestine invite à la projection de la 3ème partie : le Nord, qui aura lieu ce mardi 25 octobre à 20h au cinéma Le France à St-Etienne.
L’entrée est de 5 euros.
9 ans après son tournage, ce film ne vieillit pas, tout simplement parce que le fond de la situation reste le même. Ce film est un document exceptionnel pour comprendre la situation en Palestine-Israël, sa complexité, et les pistes possibles de solutions.
Le cinéaste israélien Eyal Sivan et le cinéaste palestinien Michel Khleifi ont remonté ensemble la “Route 181”, baptisée ainsi du nom de la résolution 181 de l’ONU qui divisait la Palestine. Une partition faite au nom de la paix, et qui a été suivie de plus de 60 ans de guerres.
Lire la retranscription d’une rencontre avec Eyal Sivan et Michel Khleifi après la sortie de leur film :
Eyal Sivan et Michel Khleifi : Le système de “résolution” du conflit israélo-palestinien c’est toujours séparation, la partition de la partition, et jamais le partage...
“Route 181 - Fragments d’un voyage en Palestine-Israël” donne à réfléchir, au moment où il est question de la “reconnaissance” d’un Etat Palestinien par l’ONU, en théorie sur 22% de la Palestine historique, en réalité plus probablement sur des miettes éparpillées de ces 22% aujourd’hui mités par les colonies qui continuent de s’étendre. Et en risquant de jeter à la poubelle le “droit au retour” de millions de Palestiniens qui vivent aujourd’hui à l’extérieur de la Cisjordanie et de Gaza, dans les camps de réfugiés des pays voisins où en exil dans des dizaines de pays du monde.
Lire à ce sujet Ali Abunimah : Enterrement officiel de la solution des deux Etats.
Dans ce film fait en 2002-2003, Eyal Sivan et Michel Khleifi opposent à ceux qui proposent la séparation, la proposition de “partager une humanité”. Trop difficile ? Mais plus de 60 ans d’une guerre qui n’en finit pas, c’est plus facile à vivre ?
La semaine passée a été marquée par un événement très important qui donne aussi matière à réfléchir à tous : l’échange de prisonniers qui a eu lieu avec la libération du soldat israélien Gilad Shalit et de 1027 prisonnières et prisonniers palestiniens (447 ont été libérés le 18 octobre, dont 27 femmes dont plusieurs étaient enfermées depuis 10 ans).
La présentation de cet événement dans la plupart des médias français est très révélatrice d’une certaine façon de voir qui n’est même plus consciente d’elle-même. Si un visage et un nom est mis sur le soldat israélien capturé dans son char, en train de faire la guerre il y a 5 ans lors d’une opération militaire à Gaza, aucun nom et aucun visage ne sont mis sur les prisonniers et prisonnières palestiniens. Et silence est fait sur le fait qu’il reste dans les prisons israéliennes au moins 5000 autres prisonniers (selon le PCHR de Gaza, organisation palestinienne des droits de l’Homme, qui annonçait fin août 2011 qu’il y avait plus de 6000 prisonniers palestiniens dans les prisons israéliennes dont 272 en détention administrative, et 180 mineurs palestiniens dont 34 avaient entre 12 et 15 ans).
Ici donc, les vies humaines n’ont pas la même valeur selon qu’il s’agit de personnes considérées en réalité comme des occidentaux, ou bien des autres, surtout des gens du Sud, des arabes par exemple.
35 ans de prison...
Sur ce sujet, voir la liste des 447 premiers libérés, publiée par l’ISM - International Solidarity Movement : http://www.ism-france.org
Lire aussi ce qu’écrit Jean-Louis Moragues sur le site des Missions Civiles
Prisonniers politiques Palestiniens : Ceux qui sortent et ceux qui sont encore en prison
Lire aussi le texte de Shahd Abusalama, jeune femme de Gaza, sur le site d’Electronic Intifada : http://electronicintifada.net qui a recueilli le témoignage de Thaer Ghneem, fils de Abou Thaer Ghneem libéré après 22 ans d’emprisonnement : “J’avais un seul jour quand mon père a été arrêté, et maintenant j’ai 22 ans. J’ai toujours su que j’avais un père en prison, mais ne l’ai jamais eu près de moi. Mais mon père va enfin être libre et il va occuper la place qui est la sienne, restée vide au cours des 22 années de ma vie. »
Ce témoignage est traduit en français ici :
« J’avais un jour quand mon père a été emprisonné »
La lecture de la liste des prisonniers libérés - et la durée de leur emprisonnement - donne une idée de la situation réelle, là-bas.
Par exemple,voici Nael al-Barghouthi, de Ramallah (Cisjordanie), emprisonné à 19 ans en 1978, qui a été libéré après 33 ans de détention ! Tout comme Fiker Asfour Barghouthi de Ramallah aussi. Muhammad Salama Abu Khusa, de Lod (Israël) était en prison, lui, depuis 1976 (35 ans !). Akram Abdul Aziz Mansur, de Qalqiliya (Cisjordanie) depuis 1979... Etc.
On imagine, à la lecture des noms des prisonniers libérés, originaires de Gaza, de Cisjordanie, des camps de réfugiés et d’Israël (“Palestiniens de 48”) le retentissement de cette événement dans toute la société palestinienne... Et on comprend pourquoi, à Gaza et en Cisjordanie, ces libérations ont été marquées par des rassemblements de centaines de milliers de personnes...
Route 181- 3ème partie : “Tu connais le jugement de Salomon ?
Ici c’est le contraire du jugement de Salomon”
Eyal Sivan disait, au cours d’une rencontre autour du film : “plus on monte vers le Nord, plus on est dans le colonialisme installé, bien avant la création d’Israël. On va arriver à cette région qui a déjà été colonisée au départ. Et c’est vrai qu’on a découvert, au Nord, ces gens largués au bord des frontières, parce que dans le mouvement sioniste (qui est un mouvement colonial, donc européen, donc orientaliste par essence, dans cette vision raciste), il y a, à la fois, à la source, l’expulsion des Palestiniens, des arabes de Palestine, mais il y a aussi à la source de grands mouvements de population des arabes juifs des pays arabes... Et donc on va expulser des arabes et à leur place on va mettre d’autres arabes au bord des frontières, qui vont être un genre de bouclier humain, pour protéger le coeur et le centre ashkénaze du pays.”...
Quelques étapes du voyage...
Migdal Tzedek - Majdal Yaba
Sur les collines des bâtiments magnifiques abandonnés et en ruines. Il y a aussi une décharge. C’est un village palestinien de 1948, détruit.
Un israélien en sort, en promenade avec son chien. “On a fait des fouilles ici. J’ai trouvé des tombes - ça doit être le cimetière des gens qui habitaient ici - les inscriptions sont en arabe (...) Qui pouvait habiter ici. quand je suis arrivé il n’y avait rien (...) il y a de la place pour tout le monde - si on veut bien il y a de la place - tout dépend de comment on s’y prend...
Eyal Sivan repose la question : “c’était habité ici ?
des gens ont habité ici.
ils se sont évaporés ?
Evaporés ... les gens ne s’évaporent pas. Ils sont partis à cause de la guerre. je t’ai expliqué ce que c’est, la guerre.
Tu filmes les ruines, et tu veux prouver quoi ? il n’y avait pas d’arabes, ici. Tu vois des maisons, ici ? Montre-moi où sont les maisons détruites"...
Kalkilya
La route longe des kilomètres du Mur. Arrivée sur un chantier de fouilles, d’une présence romaine. Un groupe d’ouvriers palestiniens, dont certains ont leur famille de l’autre côté du mur, fouille. Avec un patron israélien.
Parmi les palestiniens, les avis sont partagés sur l’avenir.
“et le transfert ?” demande Michel Khleifi
“ils nous menacent depuis des années en parlant de transfert. Ils en sont capables.
vous réagiriez comment ?
que faire ?
comme des moutons ?
ah non !
c’est notre terre. ce ne sera pas facile de nous chasser. “
Eyal Sivan et Michel Khleifi sortent la carte de la partition par l’ONU.
Quelqu’un “si c’est ça c’est pas du travail”
Le patron : “si les arabes avaient accepté, aujourd’hui il y aurait un Etat palestinien.”
Une discussion extraordinaire commence :
Eyal : “tu connais le jugement de Salomon ?
oui
qui a refusé qu’on coupe l’enfant en deux ?
la mère adoptive
qui a refusé ?
la vraie mère. La vraie mère. Elle a refusé et on lui a rendu le bébé. Tu m’as eu, ici c’est le contraire... (...) On a accepté le partage
laquelle a accepté ?
la mère adoptive
pourquoi ?
ce n’était pas le sien. Ici c’est le contraire du jugement de Salomon.
pourquoi ?
dans la Bible, celle qui a accepté le partage n’a rien eu. Et ici, ceux qui ont accepté le partage ont tout eu.
C’est le contraire...”
Hawara
Eyal Sivan et Michel Khleifi accompagnent une manifestation d’israéliens du mouvement Ta’ayoush (“Vivre ensemble”), qui essaie d’atteindre le village palestinien d’Hawara près de Naplouse, soumis au blocus, et butte sur un barrage militaire.
Soldat : "c’est une zone militaire fermée"
Jeune israélien : "c’est une manifestation légale, sans provocation pour la paix entre 2 peuples (...) que ceux qui font passer la loi avant la morale sachent que nous risquons de transgresser la loi. Il s’agit d’une action importante et morale. Nous éviterons toute violence. Ne bousculez pas les soldats, ne piétinez pas les policiers, pas de gaz lacrymogène, nous allons apporter du lait pour bébé, et nous diriger vers Hawara.“
Des pancartes : “stop le couvre feu”. Des slogans : “A bas l’occupation ! “, "ni tirer ni pleurer, l’uniforme ne pas porter !" "nos partenaires pour la paix sont derrière les barbelés !"
Les manifestants passent à travers champs pour avancer . Les soldats commencent à cogner. Des palestiniens viennent à la rencontre : "libérez la Palestine !" “free free Palestine". Les soldats photographient tout le monde. "Vas-y, photographie, affameur d’enfants" crie un manifestant en tendant une boite de lait. Arrivée des chars...
Bir es sikka
Cueillette des olives. Des palestiniens d’Israël. "On a eu des temps meilleurs (...) Il n’y a plus de décence, même dans les mariages. on célèbre un mariage ici pendant qu’on massacre là-bas... le coeur n’y est plus”...
Le paysan palestinien propriétaire des oliviers avait 22 ans en 1948.
Michel Khleifi : “pourquoi êtes-vous restés ?
On a vu ceux qui avaient fui vivre dans l’humiliation. On préférait mourir plutôt que subir le sort des autres. C’était plus honorable.”
Et puis il raconte comment, en 1948, il a “rectifié” le tracé de la frontière qui plaçait sa maison en Israël et les terres de sa famille en Jordanie. “j’ai agrandi l’Etat d’Israël d’environ 2000 hectares. le lendemain, deux officiers de liaison, un jordanien et un juif, sont venus à cheval : “Viens ici, jeune homme. Où passe la frontière ?” j’ai eu peur ; s’ils le découvrent, ils vont me tuer ! “hier le géomètre est passé. il a tracé la frontière ici” ? Ils ont regardé leur carte. “C’est exact. merci jeune homme”. Ainsi, on a gardé notre maison et notre terre.“...
Emek Ysrael - Marj Ibn’amer
Des avions de guerre sans arrêt dans le ciel... Rencontre d’un israélien qui fait son footing. Discussion sur la carte...
“C’est la frontière du partage ?
Qu’est-ce que tu peux nous dire d’autre ?
Sur le partage ?
Oui.
Autrefois il y avait la paix. Tu te souviens ? Il y a eu de longues périodes de paix. Ma mère raconte qu’elle allait sans crainte à Ramallah et à Hébron, avant 48. Elle était venue d’Allemagne avant 40. Elle allait partout. Son frère vivait dans un quartier arabe...
Il explique comment le messianisme juif laïc des travaillistes a rejoint le messianisme juif qui relève de la religion... “J’ai fait, hélas, deux périodes à Hébron. J’ai vu notre comportement, j’ai vu le comportement des colons. Je comprends les réactions des arabes. Vu ce qu’on fait là-bas...
Eyal Sivan : “Il vaudrait mieux annexer et donner la nationalité israélienne à tous, non ?
C’est simple. Si ça dépendait de moi, je ne ferais pas ça. Je veux un Etat juif, pas binational (...) Deux populations dans un même Etat ? C’est ça que tu veux ? Je ne dis pas non, mais à une condition : que le pouvoir ne soit pas dans une seule main...”
Lavi - Lubya
Encore les ruines d’un village détruit, et des gamins israéliens avec sacs à dos. Dont l’un avec une mitraillette. Il est de "la jeune garde"... Ils vont à la forêt de Lavie.
Eyal : “Vous savez qu’avant c’était le village de Loubieh ?
A quelle époque ?
En 1948
Qui y habitait ?
Qui habitait la région avant 1948 ?
Qui ? Des arabes ? (...) on ne savait pas - la famille Lavie vivait ici il y a 4000 ans, c’est le nom de Loubieh qui vient de Lavie. C’est prouvé par des documents...
D’où viennent tes parents ?
Israël et Etats-Unis
Bonne promenade...”
Discussion avec un responsable dans un site historique du sionisme. Sejera, à côté du village palestinien vidé de Sajarah.
“C’est la première percée juive en Basse-Galilée. Les principales idées de l’implantation juive viennent d’ici : les kibboutz, la défense juive, le travail hébraïque, tout a commencé ici. Et enfin, la conquête de la Galilée...
“Les pogroms de Russie ont poussé des Juifs, toutes sortes de socialistes fanatiques, à venir faire ici des choses impossibles là-bas. Créer le Juif nouveau. Pour eux, le Juif en diaspora était un peu dégoûtant. Ici, ils ont imposé le travail hébraïque. Sans ouvriers arabes. Ils voulaient créer une économie indépendante. Pas contre les arabes, mais pour fonder une société plus juste...
Une photo de la RAF des années 30 montre côte à côte le village palestinien et la colonie juive.
Eyal : “Les habitants de Sajarah sont restés près d’ici ?
Oui, ils sont à Toura’an à 6 ou 4 kms d’ici, ou a Kfar Cana. Les autres sont en Syrie et en Jordanie"...
Justement, à Toura’an, une femme palestinienne âgée raconte, devant des plus jeunes et les enfants du village, ce qui s’est passé en 1948. Les exécutions. La fuite, pour ceux qui ont pu partir.
Michel Khleifi : “Ils vous ont expulsés ?
Bien sûr, on a été expulsés. On était encerclés et attaqués jour et nuit. Petit à petit, les gens fuyaient. Ils voulaient protéger leurs enfants. Pour les enfants, on s’est rendus et on n’a jamais pu revenir. "
Les habitants de Loubieh (aujourd’hui Lavie) ont du fuir aussi. Elle avait 13-14 ans. Sa soeur a fui, en Syrie. Elle n’a pu la revoir qu’une fois, en 1974.
Elle n’a pas le droit d’aller dans son ancien village tout proche.
Michel : “Tu voudrais y aller ?
J’aimerais vivre à Sajarah, même sous un cactus, même sous un olivier, à l’ombre du muret. Je crève d’envie de revoir mon village. Ceux qui sont réfugiés en Syrie me demandent une poignée de sa terre, pour respirer son odeur. Mon précieux pays. Qui n’aime pas son village ? “... Ce n’est qu’à 4 kms, mais c’est toujours interdit, 63 ans après.
Nujeidat
Un village - une plaque commémorative - des écoliers, en uniforme scolaire israélien...
Ce sont des enfants de “palestiniens de 1948”.
Qui sont ces noms sur la plaque de ce monument ? Un des enfants fait le malin : c’est de l’histoire ancienne, lui est maintenant israélien... Mais une fille : “Ce sont les martyrs”. Elle lit la plaque “afin de ne pas oublier ceux qui sont tombés”, ce sont nos martyrs, de 1936 et de 1948”.
Le garçon : ”Nous sommes israéliens !” La fille : “non, palestiniens.
Tais-toi ! Je suis un authentique israélien.
On est palestiniens et musulmans.
Je suis avec Allah et israélien
Non
Va en Palestine si tu es palestinienne.
(...) Ils sont morts en défendant leur terre”
Kibbutz Farod
Extraordinaire témoignage sur l’expulsion des Palestiniens en 1947-1948.
Aharon Greenberg a 73 ans, il est né à Tel Aviv, ses parents sont arrivés ici au début du siècle, de Russie - Odessa - et Lituanie.
“A 17 ans, j’ai fait la guerre. Je me suis battu en Galilée. D’abord, l’opération "balai"... En Galilée, il y avait beaucoup de villages arabes (...) il y avait aussi beaucoup de campements de bédouins. Ils se déplaçaient avec leurs tentes et leurs troupeaux. C’était gênant. On voulait établir un front. Avant l’invasion des armées arabes. Les armées syrienne, libanaise et jordanienne. On ne pouvait pas laisser sur nos arrières une telle quantité d’ennemis. Il fallait les expulser. Pas tuer, expulser.”
Eyal Sivan demande ce qu’était cette “opération balai”. “On les a balayés. Balayer. On les a chassés de la région. Pour créer une continuité territoriale juive (...) On formait une chaîne. on était armés, évidemment. En nous voyant approcher, ils s’enfuyaient (...) On était du régiment Iftah. Un bataillon. 1500 hommes.
(...) Quand on s’approchait ils avaient peur qu’on les tue et ils fuyaient. on ne voulait pas les tuer, mais ils ne le savaient pas. Quand tu vois un groupe d’hommes armés, avec des fusils, qui marchent vers toi, que fais-tu ? Tu t’enfuies.”
Eyal : “Et ceux qui voulaient revenir ?
On ne revient pas... C’était avant la guerre
(...)
Les femmes ? Les enfants ?
Pareil. Les enfants suivent leurs parents.
Et les maisons ?
Rien. Ce ne sont pas les maisons, mais les gens qui gênaient.
(...)
Tu as vu les enfants, les mères ?
Oui" (il change de ton) - "Oui
Ils partaient comment ?
Le plus souvent à pied, à cheval... non à dos d’âne. Ils n’avaient pas de véhicule"...
(...)
Eyal Sivan : “J’essaie de comprendre ce qu’ils craignaient...
(...) La peur psychologique est pire que n’importe quoi d’autre. "ils arrivent, ils nous tuent"
Parce que vous tuiez un peu ?
On tuait beaucoup”
Suit une discussion sur cette “opération balai”
Eyal : “Qui avait donné les ordres ?
On avait des commandants, on était une armée.
C’était planifié ?
On avait des chefs, des commandants au-dessus de nous, des sous-chefs, des groupes, des sous-groupes. C’était exactement comme à l’armée.
(...)
Quels villages vous avez occupés ?
On n’occupait pas, ce n’était pas l’objectif. Il fallait les expulser. Ce n’était pas une conquête où les gens restent. Ce n’était pas l’objectif. Le but était de chasser les gens...
(...) Pourquoi ce nom, "opération balai" ?
Tu sais ce qu’est un balai ? (...) Un balai ! c’est pour nettoyer le sol (...) parce qu’on balayait les Arabes.
(...) Mais ce n’était pas une armée
Qu’est-ce que ça veut dire ? Nous non plus...”
Eyal Sivan : “On a détruit des villages ?
On a détruit des villages. Bien sûr, pour créer des implantations juives, des kibboutz, maintenant ce sont les terres des kibboutz et des moshavs. Des maisons et des villages existent toujours, mais vides. Surtout dans le nord...
(...)
Et les gens qui essayaient de revenir ?
Ils ne pouvaient pas. il faut un visa pour entrer dans un pays“
Michel Khleifi : “Même si c’est chez eux ?
Chez eux, c’est ça...
Je te pose la question : quand on quitte sa maison, on peut revenir, non ?
(...) Ce n’est pas nous qui avons voulu la guerre. On a accepté la partition. J’ai dansé dans les rues quand l’ONU a voté la partition.
Eyal Sivan : “Tu connais le jugement de Salomon ?
Quel rapport ?
Raconte-moi le jugement de Salomon
Deux mères se disputent un enfant. L’une dit : "prends-le" c’est la vraie mère. L’autre dit : "j’en veux la moitié" (il fait le signe de couper en deux avec sa main). C’est le jugement de Salomon. Salomon comprend à qui est l’enfant. Il le rend à sa mère.
Qui est la vraie mère ?
Celle qui est prête à renoncer à l’enfant.
A partager l’enfant ?
Non tu te trompes : renoncer à l’enfant, voilà la sagesse. La sagesse de Salomon. C’est ainsi qu’il comprend qui est la vraie mère. La vraie ne laisserait pas tuer son fils.
Partager
Tuer. partager, c’est tuer.
Partager, c’est tuer ?
Bien sûr. Deux moitiés peuvent vivre séparément ? On sait qui est la vraie mère. Nous on le sait maintenant, mais Salomon le savait par sagesse.”
Eyal sivan : “Il a fait le contraire de ce qu’a fait l’ONU
(rire) Il a fait le contraire, oui ... Non ! (fin du rire).
Eyal Sivan : “Tu n’as jamais éprouvé de pitié pour les expulsés ?
Très souvent. Et alors ? Et alors, que faire ?
Ne pas le faire, justement”.
(...) Tu peux parler un peu de ce que tu as éprouvé ?
Non, je ne peux pas (...) laisse tomber..."
Aharon Greenberg est au bord des larmes.
“Vous vous baladez dans le pays et en plus vous filmez... vous avez reçu l’autorisation ? ...
Pourquoi ?
J’ai des raisons.Vous avez suscité des doutes chez moi..."
Kfar Shamai - Sammu’i
Un village Israélien du Nord. Habité par des Marocains et des Yéménites. En écoutant le témoignage de cette femme israélienne arrivée du Maroc en 1961, on repense à ce que disait Eyal Sivan lors d’une rencontre : “Et donc on va expulser des arabes et à leur place on va mettre d’autres arabes au bord des frontières, qui vont être un genre de bouclier humain, pour protéger le coeur et le centre ashkénaze du pays.”
"Je suis marocaine" (...) A 15 ou 16 ans je faisais partie du mouvement de jeunesse au Maroc. Je devais aider à l’émigration, convaincre les familles d’émigrer en Israël”. Elle raconte comment ça se passait. Et elle regrette. “J’étais jeune, je n’avais que 15 ou 16 ans. Tout le baratin qu’on nous faisait, la merde qu’on nous vendait, on y croyait. Tout ce qu’on nous disait on l’avalait. Aujourd’hui, à postériori, je n’y crois pas. On leur a peut-être causé du tort en les envoyant ici. Ils ont embobiné ces Marocains.
Tu les as embobinés
On m’a embobinée la première. J’ai répété ce qu’on m’avait raconté. Je les ai baratinés, c’est vrai. C’est décevant. On répétait. Ils nous disaient ce qu’il fallait dire. Leurs promesses, c’était du vent.
Regarde ce bel arbre. il a un joli port, tu ne trouves pas ? filme cet arbre au lieu de me filmer moi...”
Meron - Meirun’
Musique. Une fête de juifs religieux
Shefer - Al Farradiya
Rencontre avec un monsieur à la retraite, plein d’humour. Lui aussi vient du Maroc.
“Je repartirais bien finir ma vie là-bas”
Michel Khleidi : “ça te manque ?
Si tu savais ! Mais je ne peux pas y aller. Il faut beaucoup d’argent, et je n’ai pas d’enfant...”
Arrive le mari de la voisine, et tout le monde se retrouve chez la voisine. “On vient, Myriam (...) On se tient ici au frais le matin et le soir....
“Je suis venue de Tunis, je l’ai épousé en 54. Nous avons eu 8 enfants, que leur santé soit bonne. Trois garçons et une fille sont déjà mariés. Trois filles sont à la maison. une à Jérusalem, deux ici. Mon plus petit a été tué à la guerre du Liban. C’était le plus bel enfant du monde. C’est pour ça que je ne supporte pas Israël.”
“Israël regorge de tout, c’est un beau pays. .. On ne manque de rien, grâce à Dieu. Mais il n’y a pas de joie de vivre. On ne se réjouit pas de la vie. Tu apprends qu’untel est mort au Liban, untel en Syrie, un autre, à Gaza, qu’un soldat a sauté sur une mine, a été kidnappé. On baisse les bras. On n’écoute plus les infos...”
Michel Khleifi : “Alors tu penses qu’on peut vivre ensemble ?
Bien sûr qu’on peut. Juifs et Arabes ensemble, comme on vivait en Tunisie. Au Maroc, dans tous les pays arabes, on vivait avec eux. Les Arabes étaient nos voisins. Ma maison était ici, celle du voisin arabe là. La simplicité, boire un verre de thé et vivre tranquillement. Pas comme ici, ou même si on a tout, on a rien. Ici tu ne jouis pas de la vie. ce n’est pas une vie".
Avivim - Saliha
La voiture longe une ligne de barbelés, et arrive sur une clôture.
"Stop border in front of you !"
Le coffret des 4 DVD de Route 181 sera en vente lors de la projection-débat. Il coûte 44 euros.