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Le BDS : la bonne voie pour faire avancer la justice en Palestine-Israël
Rendez-vous vendredi 27 janvier à 18h à St-Etienne avec Eyal Sivan et Armelle Laborie, amphi EO1 (campus de Tréfilerie) de l’Université de St-Etienne
jeudi 19 janvier 2017, par
La situation en Palestine-Israël revient de temps en temps chez nous à la une des médias (par exemple cette semaine avec la "conférence " organisée par Hollande). Pendant que tout le temps, là-bas, l’horreur reste quotidienne...
En décembre, le conseil de sécurité de l’ONU a voté une résolution (la n°2334) condamnant la poursuite de la colonisation en Cisjordanie. La Cisjordanie, c’est cette partie de la Palestine qui a été conquise par l’armée israélienne en juin 1967, en même temps que Gaza. Nous sommes en 2017, l’occupation dure donc depuis 50 ans, malgré toutes les résolutions de l’ONU (et depuis 50 ans, il y a de fait un seul Etat sur 100% de la Palestine historique, de la Méditerranée au Jourdain). La colonisation de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est a commencé dès 1967 et s’est accélérée après les accords d’Oslo de 1993 (!). Il y a maintenant 600 000 colons israéliens, qui ont déjà volé plus de la moitié des terres des 2,3 millions de Palestiniens qui y vivent.
La résolution est passée grâce à l’abstention des USA (abstention sur les colonies, pas vote contre !). Les grands médias nous ont expliqué que c’était un évènement considérable (car les USA soutiennent mordicus Israël depuis des décennies). En fait non. C’est toujours ça de pris que l’ONU condamne la colonisation, bien sûr, mais rien n’est prévu concrètement pour contraindre Israël à respecter le droit et la légalité internationale, à arrêter l’installation de nouvelles colonies et à évacuer celles qui existent. Une nouvelle résolution de l’ONU, Israël s’assoie dessus comme depuis 70 ans. Car jamais aucune sanction. Alors pourquoi changer quoi que ce soit ?
En laissant passer cette résolution, les USA auraient-ils enfin commencé à changer de position ? Est-ce "le testament d’Obama" ? Pas du tout. Jamais le soutien des USA à Israël n’a été aussi important que sous Obama. Et son testament, c’est la signature en septembre 2016 d’un accord d’assistance militaire avec Israël pour la période 2019-2028, un cadeau de 38 milliards de dollars, qui "constitue le plus important engagement d’assistance militaire bilatérale dans l’histoire des Etats-Unis", c’est Obama lui-même qui le dit.
Alors pourquoi les USA ont-ils laissé passer cette résolution ? Le secrétaire d’Etat John Kerry (ministre des affaires étrangères d’Obama) a donné l’explication le 28 décembre au cours d’une très longue déclaration et conférence de presse, ce qui n’est pas banal.
Voir l’intégrale sur le site de la Maison Blanche
Lire aussi cet article d’Ali Abunimah
Il a dit en substance aux dirigeants israéliens : vous ne savez pas vous arrêter, vous allez finir par tout perdre : "Le vote à l’ONU était pour préserver la solution des deux Etats", a dit Kerry. "C’est ce que nous défendions : l’avenir d’Israël en tant qu’État juif et démocratique..." (1)
Car la réalité en Palestine-Israël est qu’"aujourd’hui ... il y a un nombre semblable de Juifs et de Palestiniens vivant entre le Jourdain et la Méditerranée". Israéliens et Palestiniens "peuvent choisir de vivre ensemble dans un Etat, ou ils peuvent se séparer en deux États. Mais voici une réalité fondamentale : si le choix est un seul État, Israël peut être juif ou démocratique - il ne peut pas être les deux - et il ne sera jamais vraiment en paix." (2)
"S’il n’y a qu’un seul État, prévient Kerry, vous aurez des millions de Palestiniens vivant en permanence dans des enclaves séparées au milieu de la Cisjordanie, sans droits politiques réels, avec des systèmes juridiques, d’éducation et de transport séparés, de vastes disparités de revenus, sous une occupation militaire permanente qui leur ôte les libertés les plus fondamentales. Séparés et inégaux, voilà ce que vous aurez". (3)
Et ça, ce ne sera pas tenable longtemps, prévient Kerry. « Comment Israël répondrait à un mouvement croissant de droits civiques des Palestiniens, demandant un droit de vote, ou des protestations et des troubles généralisés à travers la Cisjordanie ?" (4)
En s’y prenant de cette façon, ce ne sera alors pas possible de maintenir indéfiniment - et officiellement - l’apartheid. Ce sera la fin du sionisme, c’est l’égalité des droits qui s’imposera, comme ça c’est passé en Afrique du Sud.
On voit donc que Kerry et Obama ne sont pas torturés par le respect des droits humains et la justice à rendre enfin au peuple palestinien. C’est le maintien d’Israël en tant qu’Etat ethnique, ségrégationniste et religieux qui les anime. Pas un mot sur les discriminations entre israéliens juifs et arabes palestiniens dans les 78% de la Palestine intégrés dans Israël de 1948 à 1967 (alors que la résolution de 1947 de l’ONU créant Israël prévoyait 55% de la Palestine pour un "Etat juif" - et dans lequel il y aurait égalité des droits pour les arabes y vivant...). Pas question non plus pour Kerry et Obama de permettre le retour des réfugiés palestiniens expulsés lors de la guerre de 1948 (qu’ils aillent s’entasser s’ils le veulent dans le bantoustan palestinien qu’ils font miroiter à Abbas et à ses collaborateurs).
Kerry met en garde : en Palestine-Israël "la vérité est que les tendances sur le terrain (...) se combinent pour (...) de plus en plus cimenter une réalité irréversible d’un seul Etat".(5)
Alors Kerry appelle à « faire avancer le processus de séparation maintenant » (6). Séparation. Une autre façon de nommer (et de faire durer) un apartheid.
Mais tout ça, ce ne serait pas la paix, évidemment : ce serait la poursuite du charcutage et de l’épuration ethnique en Palestine-Israël. Et ce serait le racisme et la guerre perpétuelle.
C’est donc un conseil tactique que Kerry et Obama viennent de donner aux dirigeants israéliens d’extrême droite qu’ils ont soutenu à fond pendant 8 ans malgré tous les crimes commis, et ils le leur rappellent : "Nous nous sommes fermement opposés aux boycotts, aux campagnes de désinvestissement et aux sanctions visant Israël dans les enceintes internationales (...) Nous avons conclu un protocole d’entente historique de 38 milliards de dollars qui dépasse tout programme d’assistance militaire que les États-Unis aient jamais donné à un pays". (7)
Soit dit en passant, les discours sur la catastrophe que serait pour les palestiniens l’arrivée au pouvoir de Trump sont inconsistants. La nouveauté, seulement, c’est que Trump annonce carrément la couleur et la politique qu’il entend mener - la même que celle que Obama et Kerry ont faite en la déguisant sous la propagande du "processus de paix" et de "la solution à 2 Etats".
Mais avec un peu de recul, le discours de Kerry indique qu’il est (trop) tard pour les partisans de l’apartheid. C’est cuit, sur le terrain et dans les têtes, pour les deux Etats. La solution qui s’imposera en Palestine, c’est la vie en commun et à égalité des droits des 12 millions de juifs israéliens (ou assimilés : un million de russes y a immigré ces 20 dernières années, dont beaucoup ont été expédiés dans les colonies, avec un uzi) et de palestiniens qui y vivent, avec droit au retour pour les réfugiés palestiniens de 1948.
Evidemment c’est cuit aussi pour les initiatives comme celle de Hollande avec sa "conférence de Paris" le 15 janvier, à laquelle Kerry sera présent. Hollande qui finira donc dans ce domaine aussi par un fiasco, après avoir soutenu à fond Nétanyahu et ses guerres pendant toutes ces années.
Lire la déclaration de l’UJFP : Une conférence inutile le 15 janvier à Paris
Et la seule voie pour établir la justice en Palestine - Israël, et l’égalité des droits de toutes celles et ceux qui y vivent - juifs israéliens, israéliens non juifs, arabes palestiniens - c’est de placer cet Etat sous la pression et l’isolement croissants international, pour qu’il soit obligé de changer. Et ça s’est passé comme ça en Afrique du Sud...
Cette voie, c’est celle du mouvement BDS - Boycott-Désinvestissement-Sanctions.
Nous en parlerons vendredi 27 janvier à St-Etienne avec notre ami le cinéaste israélien Eyal Sivan, et avec Armelle Laborie, qui viennent ensemble d’écrire un livre : "un boycott légitime".
Roger Dubien.
La rencontre aura lieu de 18h à 20h30, à l’amphi EO1 de l’Université de St-Etienne (campus de Tréfilerie, angle de la rue du 11 novembre/grande-rue et de la rue Richard/consulat d’Algérie)
Eyal Sivan et Amelle Laborie viennent de publier "Un boycott légitime - Pour le BDS universitaire et culturel de l’État d’Israël". Ce livre (10 euros) sera disponible lors de la rencontre. (Plus d’infos sur ce livre)
NOTES
(1) “The vote in the UN was about preserving the two-state solution” (...) “That’s what we were standing up for : Israel’s future as a Jewish and democratic state...”
(2) “Today ... there are a similar number of Jews and Palestinians living between the Jordan River and the Mediterranean Sea. They can choose to live together in one state, or they can separate into two states. But here is a fundamental reality : if the choice is one state, Israel can either be Jewish or democratic - it cannot be both - and it won’t ever really be at peace.”
(3) “If there is only one state, you would have millions of Palestinians permanently living in segregated enclaves in the middle of the West Bank, with no real political rights, separate legal, education and transportation systems, vast income disparities, under a permanent military occupation that deprives of them of the most basic freedoms. Separate and unequal is what you would have.”
(4) “How would Israel respond to a growing civil rights movement from Palestinians, demanding a right to vote, or widespread protests and unrest across the West Bank ?”
(5) "The truth is that trends on the ground - violence, terrorism, incitement, settlement expansion and the seemingly endless occupation - they are combining to destroy hopes for peace on both sides and increasingly cementing an irreversible one-state reality..."
(6) “advancing the process of separation now”
(7) “We have strongly opposed boycotts, divestment campaigns and sanctions targeting Israel in international fora (...) we concluded an historic $38 billion memorandum of understanding that exceeds any military assistance package the United States has provided to any country, at any time".
Des sources pour comprendre ce qui se passe en Palestine-Israël :
BDS France : https://www.bdsfrance.org
UJFP-Union Juive Française pour la Paix https://www.ujfp.org
Chroniques de Palestine, site de Ramzy Baroud, avec maintenant une édition aussi en français :
http://chroniquepalestine.com
The Electronic Intifada (Ali Abunimah...) : https://electronicintifada.net