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Alain Gresh sera-t-il interdit de conférence à l’Université de St-Etienne ?

Le rédacteur en chef du Monde Diplomatique doit venir parler de son dernier livre "L’islam, la République et le monde".

dimanche 24 octobre 2004, par Roger Dubien

Voici un nouveau signe qu’il souffle un vent mauvais pour la liberté de conscience, pour la liberté d’expression, et pour les idées anti-racistes et de dialogue des civilisations.

Alain Gresh, auteur et journaliste, rédacteur en chef du Monde Diplomatique, devait venir à St-Etienne le 4 novembre prochain. Pour parler de son nouveau livre : "L’islam, la République et le monde".
Pour cette conférence, une demande d’utilisation de l’amphi JO1 du campus de Tréfilerie a été faite auprès de l’Université de St-Etienne par des étudiant(e)s qui animent le Réseau Actions Jeunes, à l’initiative de cette conférence-débat avec le Forum des Réseaux citoyens, le Centre Al Qalam, etc...
Mais il est apparu que la mise à disposition d’une salle de l’université n’allait pas de soi. Et en milieu de semaine une rencontre a donc eu lieu avec le directeur de cabinet du Président de l’Université, M. Jean-Luc Foury. Une fois déblayés divers prétextes et obstacles plutôt flous, que les organisateurs étaient décidés à surmonter, quitte à changer de date, il est apparu qu’une salle ne serait pas accordée pour le 4 novembre, mais surtout que la véritable raison de ce refus consistait dans le sujet de la conférence-débat, qui touchait aux questions de l’islam, de la société, du monde.
Si l’équipe du réseau actions jeunes a bien compris, le directeur du cabinet du Président de l’Université ne souhaite pas laisser entrer à l’université l’influence de quelque religion que ce soit, par crainte de débordements inacceptables dans un établissement laïque et respectueux des principes républicains. Au nom même de la laïcité et de la liberté d’expression.

On attend maintenant la réponse écrite, et les motifs que la direction de l’université osera mettre noir sur blanc. Le résultat est cependant déjà que cette conférence n’aura pas lieu le 4 novembre, bien qu’il n’y ait pas d’obstacles matériels.

Cette censure est grave. Ce n’est cependant pas la première fois. En décembre 2003, il n’a pas été possible, pour des raisons semblables, mais exprimées moins ouvertement, que se tienne à l’Université une soirée-débat sur l’islamophobie avec Mouloud Aounit, secrétaire du MRAP, Vincent Geisser et Tarik Ramadan. La conférence avait donc eu lieu à la salle Jeanne d’Arc, avec 750 participants. Comme cette initiative avait dû, pour des raisons de calendrier des conférenciers, être préparée en quelques jours, on n’avait alors pas eu le temps de tirer les choses au clair avec l’université et on en était resté là. Mais on voit bien que quand on laisse les choses se dégrader, elles se dégradent.

Car aujourd’hui, c’est autour du rédacteur en chef du Monde diplomatique d’être interdit d’expression.
Cette fois, on ne peut donc pas en rester là.

Si cette position de l’Université de St-Etienne est maintenue, plusieurs remarques peuvent être faites.

- Empêcher une conférence d’Alain Gresh est une atteinte pure et simple à la liberté d’expression. Depuis quand est-il interdit dans l’Université française, qui est depuis des siècles un lieu de liberté, de parler de questions ayant un rapport avec des religions et des civilisations ? Qui a pris cette décision dans l’université de St-Etienne ?
La laïcité, ce n’est pas une philosophie officielle et l’interdiction du débat d’idées, ni la dictature de l’athéisme, l’interdiction des religions, et de toute discussion touchant aux religions et aux philosophies. ça c’est la définition du totalitarisme. La laïcité, c’est l’organisation de l’espace public pour que chacun y soit respecté, y ait sa place et droit d’expression, avec ses croyances et ses idées...

- Empêcher une conférence d’Alain Gresh sur son livre est une discrimination. Car il est faux de dire que l’Université de St-Etienne interdit tout débat touchant aux religions. Il y en a eu plusieurs, dont récemment la conférence de René Rémond (par ailleurs membre de la commission Stasi) sur "Les religions gouvernent-elles le monde ?", et c’est tant mieux.

- Il s’agit aussi d’une censure politique caractérisée. Car le livre de Gresh touche à la question de l’Islam mais porte plus globalement sur la question du racisme et de la guerre ou du dialogue des civilisations. Sur l’avenir de la société française et du monde.

Ce refus est donc extrêmement grave. Suffisamment pour obliger tout le monde, individus comme associations et organisations, à devoir prendre ses responsabilités.

On sent bien évidemment que tout ceci est lié au contexte national et international. Et pas sans lien non plus avec l’influence des idées de l’extrême droite dans la région stéphanoise. Idées maintenant largement banalisées dans diverses sphères.
Un exemple parmi d’autres : il y a quelques jours, était invitée à la Fête du Livre de St-Etienne - et a participé à un débat sur l’islam qui a eu lieu dans la mairie même, salle Aristide Briand - Mme Delcambre, auteure du livre "l’Islam des interdits" dont l’idée centrale est : "L’intégrisme n’est pas la maladie de l’islam. Il est l’intégralité de l’Islam".
Pour plus de détails sur ce genre d’idées, on peut aller faire un tour sur le site web du FNBelge, qui en parle largement... Voir à http://www.fnb.to/FNB/Article/Bastion_79/delcambre.htm . On peut regarder au passage la rubrique "liens" de ce site, c’est instructif. Voilà ce qui circule maintenant de façon tout à fait banale...
Pendant que serait refusée une conférence d’Alain Gresh à l’Université ?

Cette conférence d’Alain Gresh n’est donc plus possible le 4 novembre à l’Université. Mais ce déni de liberté ne sera pas entériné en cherchant une salle ailleurs. Une nouvelle demande va être faite, qui empêche tout refus sous les prétextes les plus divers. Et chacun va être mis devant ses responsabilités.

Ceci étant, il ne faudrait pas perdre de vue... le livre d’Alain Gresh ("L’islam, la République et le monde"). Un livre qui va compter pour celles et ceux qui préfèrent les idées, l’humanisme et le dialogue des cultures, à la guerre des civilisations et à la propagande de guerre.

Roger Dubien

Alain Gresh : "L’Islam, la République et le monde"

Ce livre est publié chez Fayard - 468 pages - Prix TTC : 20 (131,19 FF).


« Un spectre hante l’Occident, le spectre de l’islam » : paraphrasant le Manifeste du Parti communiste, écrit en 1848, on pourrait ainsi résumer le sentiment qui s’est emparé des dirigeants du Nord, relayés par quelques intellectuels soucieux de défendre les valeurs du « monde civilisé » contre celles des « barbares ».
En France, la peur est d’autant plus forte qu’elle se situe à la confluence de deux angoisses : celle du terrorisme islamiste, accentué par les horreurs de la guerre civile algérienne et par les suites des attentats du 11 septembre 2001 ; celle de la « menace » que représenteraient les nouvelles classes dangereuses, les immigrés issus des pays anciennement colonisés, notamment du Maghreb.
C’est le fantasme de cette « menace » islamique, à la fois interne et externe, qu’Alain Gresh démonte ici. Non en présentant une défense de l’islam, mais à partir d’une vision laïque et rationnelle des musulmans, dans leur diversité historique et géographique.
Tout en fournissant les éléments essentiels pour comprendre la religion musulmane et son histoire, l’émergence de l’islam politique et son rôle dans les différents conflits, cet ouvrage revient sur les débats qui ont secoué la France. L’islam est-il compatible avec la démocratie ? Le foulard est-il une arme contre la laïcité ? Les musulmans peuvent-ils s’intégrer dans les sociétés européennes ? Les citoyens français, musulmans et non musulmans, croyants et non croyants, peuvent-ils bâtir ensemble un avenir commun ?


Alain Gresh est le rédacteur en chef du Monde diplomatique depuis 1995.
Membre du conseil d’administration de l’Institut du monde arabe (IMA) et du conseil éditorial de la revue "Maghreb-Machrek". Président de l’Association des journalistes spécialisés sur le Maghreb et le Moyen-Orient (AJMO).
Il est notamment spécialisé sur le Proche-Orient et a écrit plusieurs ouvrages sur le sujet, OLP, histoire et stratégies (Spag-Papyrus, 1984), en collaboration, avec Dominique Vidal, Golfe, clefs pour une guerre annoncée (Le Monde éditions, 1991) et Les Cent portes du Proche-Orient (Autrement et Editions de l’Atelier, 1989, 1992 et 1996) et, en collaboration avec Didier Billion, Actualités de l’Etat palestinien (Complexe, Bruxelles, 2000). Il a récemment publié, avec Françoise Germain-Robin et Tareq Ramadan, L’Islam en questions, Actes-Sud/Sindbad. Il est l’auteur de Israël-Palestine, vérités sur un conflit (Fayard).
Ses livres ont été traduits en anglais, allemand, arabe, italien, espagnol et portugais.

Messages

  • Je crois qu’il est absolument indispensable que cette intervention ait lieu à la faculté de st-etienne et ce, non pas pour faire du prosélytisme( ce dont pourrait être accusé Alain Gresh, bien qu’a ce moment là il ne serai pas l’homme de la situation ) mais pour faire tomber les barrières des préjugés, et qu’enfin toute personne puisse avoir toutes les cartes en main pour se forger une opinions personelles, fondée sur de veritables éléments et non sur ce que les médias véhiculent pour justifier telle ou telle politique ; Cela est d’autant plus important lorsqu’ on se rend compte du climat qui règne au sein de cette université : En effet, bien que les institutions universitaires affirment à qui veut l’entendre qu’en son sein ne peuvent être exprimées ce genre d’opinions, il suffit de se rende aux toilettes pour se rendre compte d’une véritable guerre occulte entre religion d’une part mais également de propos anti-religieux et même souvent raciste. Il est difficile de croire que celle- ci ignore ce genre de pratiques mais plus encore il serait intolérable de croire que celle- ci ne fait rien pour y mettre un terme ; Plus encore, elle s’applique à instaurer une sorte de taboo que serait la religion au sein de la fac, mais qui dit taboo dit ne dis pas forcément silence bien au contraire, les débats ont bien lieu, seulement l’expression des différentes opinions n’ont pas lieu dans l’endroit approprié et celle- ci n’est donc pas encadrée et c’est à ce moment là que l’on risque de tomber dans de profondes dérives comme c’est le cas actuellement ; par ailleurs il faut également préciser que ces propos sont dénués de quelconque fondements, bien au contraire , ils sont influencé par le climat anti- islam qui fait mode en ce moment, peut- être alors faut- il expliquer les enjeux et les dangers d’un tel comportement...ce qu’on refuse à Alain Gresh aujourd’hui !
    N’oublions pas que l’université est un lieu de recherche, un lieu de développement de la reflexion et j’insiste sur le fait qu’il serait intolérable d’instaurer des taboos ou même une certaine censure au nom d’une pseudo- protection de la laïcité comme si la laïcité était négation du phénomène religieux. Je le répète, il ne dois pas y avoir de taboo au sein de l’université, surtout lorsque le sujet est fondé sur une étude objective et de la recherche menée par un homme dont c’est le métier.