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A l’école le jour, à la rue la nuit

Les expulsions de familles de demandeurs d’asile continuent. La solidarité aussi. Nouveaux rendez-vous d’action dans les prochains jours.

lundi 2 septembre 2013, par Roger Dubien

Fin juin, on savait à peu près à quoi s’en tenir sur les objectifs du ministre de l’intérieur Valls, mis en oeuvre ici par la préfète de la Loire Mme Buccio, concernant les expulsions de familles de demandeurs d’asile de leurs logements (voir Un programme d’expulsion des demandeurs d’asile est en cours dans la Loire. A deux étages ?)
Ici comme dans d’autres départements, la mise à la rue massive de familles de demandeurs d’asile était engagée. Avec l’impression que ceci pourrait n’être qu’une première étape, qui serait suivie - grâce notamment à la nouvelle loi unique immigration/asile annoncée - de l’expulsion du territoire français des familles déboutées du droit d’asile (Voir la déclaration de Valls au journal Le Monde et la déclaration du maire de St-Etienne Vincent dans le Progrès du 6 juin : “des personnes qui ont épuisé leurs droits et doivent retrouver leur pays d’origine”).

Pendant l’été, Valls a paru temporiser en annonçant que cette loi était remise à 2014, et peut-être même à après les municipales. Ses objectifs de carrière politique et la posture sécuritaire à la Sarkozy qu’il a choisi pour les atteindre ont sans doute agacé pas mal de monde (1), surtout que ça résiste sur le terrain. Mais au fond il ne renonce à rien - il vient même tout récemment de remettre en cause le regroupement familial, inscrit dans la loi française sous Giscard en 1974 ! Et sur le terrain, cette politique minable, qui est donc celle du gouvernement dont il est ministre de l’intérieur, continue.

Des expulsions tout l’été...

Lire aussi sur le blog tenu par Yves Scanu : http://stockinfos.over-blog.com...

Pour les familles Rroms, l’ordinaire a continué : 26 juin - expulsion de familles rroms de la rue des Alliés ; 23 juillet - expulsion du squat de la rue Ferdinand à St-Etienne - 6 familles, avec 15 enfants ; début août - expulsion du squat de la rue Beaubrun.
Depuis, 3 familles vivent dans des voitures, 4 familles vivent sous des petites tentes en ville... avec des enfants. Une quinzaine de familles, avec environ 60 enfants, vivent dans des garages, dans des conditions indicibles (2).

Pour les familles de demandeurs d’asile, la mise à la rue des familles logées en CADA ou en "DHU-Dispositif d’hébergement d’urgence" se poursuit au fil des jours, en silence si possible.
Par exemple, à Montreynaud, début juillet, les habitants devaient se mobiliser, à l’école Gounod, pour la famille Bagdasaryan, déboutée du droit d’asile. Le père depuis 4 ans en France est en “situation régulière”, mais la mère non. La famille a 4 enfants, dont 2 nés en France...
Le 18 juillet, la famille Colji, kosovare, 2 enfants, logée par P. Valdo à la Cotonne était mise dehors de son logement.
Le 14 août, à Roanne, était expulsé vers Belgrade Khemaldj Jakupi, sa famille restant en France.
Le 18 août Olivier Ngubi Ntemo, un jeune mis en rétention lors de la manifestation du 31 mai à St-Etienne, puis libéré par le Tribunal Administratif, était expulsé de son hôtel...

Depuis la mi-août, alors que des dizaines de familles de demandeurs d’asile sont à la rue, expulsées de leur logement ou hébergement, mais aussi pour certaines sans avoir jamais été logées alors même que leur demande d’asile est en cours d’examen à l’OFPRA ou en CNDA, les expulsions collectives se succèdent :
- Le 21 août, c’est l’expulsion de familles arméniennes (une trentaine de personnes) qui avaient trouvé refuge depuis la veille dans les appartements vides d’un immeuble de la Corniche à Firminy. Expulsion à la demande de l’OPH-Office Public de l’Habitat (lié à la mairie de Firminy).

- Le 22 août, c’est l’expulsion des familles habitant depuis décembre 2012 les logements vides du 7 rue Colette à St-Etienne. Expulsion à la demande de Métropole-Habitat (lié à la mairie de St-Etienne). Une centaine de personnes de familles réfugiées de Géorgie, d’Arménie, de Tchétchénie, de Mongolie ont été mises à la rue, en devant laisser dans leur appartement la quasi totalité de leurs affaires. L’expulsion a été faite avec un déploiement policier considérable, toute la journée (CRS, groupement d’intervention, police...).







Un rassemblement de soutien a eu lieu devant l’immeuble le lundi 26 août, autour de la soixantaine de personnes - dont une trentaine d’enfants - qui dormaient depuis 5 jours sous des tentes. Il a ensuite fallu une négociation pour que les familles puissent commencer à tour de rôle, 8 jours après, de récupérer quelques affaires (c’est toujours en cours, avec l’aide de personnes du collectif “personne à la rue”).
Pour les familles de la rue Colette, la préfecture dit qu’il existe des personnes logeables et d’autres non logeables. Voir son communiqué, avec quelques commentaires :
http://stockinfos.over-blog.com/communique-de-presse-de-la-prefecture
Que des familles - beaucoup de jeunes couples avec enfants - soient à la rue avec le froid la nuit, pas d’hygiène, pas d’eau, et ce alors même que la loi ordonne l’hébergement de toute personne en situation de détresse, quelle que soit sa situation par ailleurs, c’est maintenant devenu banal.

- Le 28 août à Roanne, c’est l’expulsion de 15 personnes Rroms du Kosovo déboutées du droit d’asile (dont ils relèvent, car le Kosovo ne fait pas partie de l’UE) d’un hôtel de Parigny. Après, déjà une expulsion de 20 personnes le 14 août.

En fait tout se passe comme si la préfète de la Loire appliquait des règles qui sont dans les objectifs et les cartons de Valls mais qui n’ont pour le moment aucune légalité. Ainsi cette “nouveauté” selon laquelle les familles dont la demande d’asile est en cours d’examen par la CNDA après un premier refus de l’OFPRA n’ont plus droit à être logées.
La préfète a donc décidé que seules les familles en cours d’examen par l’OFPRA avaient droit à un hébergement. C’est la politique du fait accompli et du test. Ce n’est pas légal, mais si ça passe, ça passe. La préfète de la Loire prend carrément ses aises avec la Loi.
D’ailleurs, concernant les personnes dont la demande d’asile est en cours d’examen par l’OFPRA et que la loi oblige sans aucune contestation (même de la préfète) à loger, un nombre important ne l’a jamais été. Et, sur 200 “référés liberté” déposés par Jean Rocher pour ces personnes-là, la préfète a été condamnée à loger, par le Tribunal administratif, plus de 100 fois. Mais autre chose est ensuite qu’elle applique le jugement ! Et alors ce n’est pas fini, il faut saisir un juge, etc...
De même, sur 42 dossiers déposés devant le Tribunal Administratif pour exiger le relogement de familles expulsées, la préfète de la Loire a été condamnée 21 fois. Mais après c’est la croix et la bannière pour que le jugement soit appliqué.
On en est là ! Ceci alors même que la loi française prévoit en plus aujourd’hui que toute personne en situation de détresse a droit à un hébergement, quelle que soit sa situation par ailleurs. Et que ce ne sont pourtant pas les logements vides qui manquent à St-Etienne (1000 logements sociaux y sont prévus à la démolition en 2013) ou dans l’agglomération....

...Et des actions de solidarité et de résistance aussi

Le 23 juillet, au milieu de l’été, le collectif “Pour que personne ne dorme à la rue” a fait le point et envisagé les actions pour cette rentrée.
Ce qui apparaît d’abord, c’est l’ancrage de la solidarité et des initiatives de résistance aux expulsions dans plusieurs villes du département et quartiers de St-Etienne.
A Roanne, où ce sont 160 personnes qui sont mises à la rue ou en passe de l’être, un Collectif “Un Toit pour Tous” a été constitué, qui a multiplié les initiatives depuis le mois de mai. Aussi bien pour aider concrètement les familles que pour protester et interpeller les élus, notamment la maire de Roanne Laure Déroche qui à l’époque de Sarkozy parrainait les menacés d’expulsion. Le discours a changé, maintenant c’est plutôt : “logez-les chez vous”. Mais ce qui était injuste hier l’est toujours aujourd’hui, et donc la solidarité se poursuit.
Des comités et collectifs de soutien agissent aussi à Montbrison (2 familles expulsées, 4 adultes et 9 enfants), Firminy (“comité de parrainage des familles de demandeurs d’asile du canton de Firminy”), Montreynaud, Saint-Jean Bonnefonds (“Un toit pas sans toi”). Et avec la rentrée scolaire, des comités de soutien constitués dans les écoles vont aussi se retrouver.

Décision a été prise le 23 juillet de recenser et de suivre dans la durée les familles mises à la rue au fil des jours, et une équipe y travaille. On peut transmettre les infos dont on dispose à Jacqueline Rival, de Montbrison (par mail à rival.jacqueline@free.fr).
Une conférence de presse du collectif “Personne à la rue” et des divers comités aura lieu dans quelques jours. Et un nouveau rassemblement est envisagé dans la deuxième quinzaine de septembre.

La situation est d’autant plus inadmissible que cette semaine c’est la rentrée scolaire. Dans la Loire, donc, des dizaines d’enfants prennent le chemin de l’école en étant à la rue ! Qui peut accepter ça ?

Rencontre du collectif "Pour que personne ne dorme à la rue" mardi 10 septembre à 18h30

La réunion aura lieu à la Bourse du Travail de St-Etienne.
A l’ordre du jour : Préparation d’une conférence de presse et discussion sur les actions à mener.

(1) Valls s’est efforcé cet été de saboter la réforme pénale préparée par Mme Taubira, ministre de la Justice, qui a l’impudence de penser qu’on ne résout pas tous les problèmes en mettant de plus en plus de monde en prison. Valls défend les emprisonnements toujours plus nombreux et les peines planchers. Pour l’instant, Mme Taubira n’a pas pu être dézinguée, et est annoncée la création d’une « contrainte pénale » alternative aux peines de prison pour certains condamnés. A suivre.
Concernant Valls, deux faits, parmi d’autres, qui en disent long :
- Le 6 juin a eu lieu une rafle dans le quartier Barbès à Paris (bouclage du quartier, contrôle général au faciès, plusieurs dizaines de personnes arrêtées)
- Le 7 juillet, un syndicat de policiers a dénoncé la politique du chiffre et les rafles d’étrangers organisées à Valence, dans la Drome.
Voir http://stockinfos.over-blog.com/un-syndicat-de-police-denonce-les-rafles-d-etrangers

(2) Le réseau Solidarité Rroms continue son travail et s’efforce de reconstruire ce qui est détruit : et d’abord la scolarisation des enfants. "En juin, une élève a obtenu le brevet des collèges, c’est la première à Sainté, les autres obtiennent un diplôme spécial un peu équivalent... elle entre en lycée, 2 ont obtenu un CAP, mécanique et restauration, plusieurs une orientation en lycée pro, en établissement spécialisé...".
Le réseau Solidarité Rroms recherche en permanence du renfort (et du matériel : cartables etc...) pour le soutien scolaire et l’aide aux enfants. Les permanences ont lieu au local, 20 rue Rouget de Lisle, les lundis et mercredis après-midi, et les vendredis de 10h à 14h.