Mon site SPIP

Accueil > Collectif Liberté Justice Palestine > En Palestine, quoi de neuf à propos de l’occupation et de la colonisation (...)

30 mars 2005 - "Journée de la terre"

En Palestine, quoi de neuf à propos de l’occupation et de la colonisation ?

Rencontres avec Abdel Jaleel Sarsour, vice-président de l’Université de Gaza, le 1er avril à St-Etienne et le 2 à Lyon.

mercredi 23 mars 2005, par Roger Dubien

Il y a besoin de faire le point sur la situation en Palestine. Que s’y passe-t-il vraiment, alors que depuis des mois, notamment depuis le sommet de Charm Al Cheikh, alternent des commentaires médiatiques rassurants et le silence. On aimerait bien y croire - une énième fois - que les choses s’arrangent. On aimerait bien que ce soit la réalité. Le problème, c’est que ce n’est pas comme ça, dans la vie des Palestiniens...
C’est pour qu’on en parle en connaissance de cause que les étudiants Palestiniens de la GUPS ont invité à Lyon et à St-Etienne le Vice-Président de l’Université El Aqsa de Gaza, le professeur Abdel Jaleel Sarsour.
A St-Etienne, la rencontre aura lieu au Pax, 27 rue Elisée Reclus le vendredi 1er avril (*). Elle permettra à ceux qui le souhaitent de s’informer à la source et de parler de ce que l’on peut faire dans les prochains mois avec nos amis Palestiniens et nos amis anticolonialistes israéliens.
Plusieurs associations et mouvements apportent leur soutien et leur participation à cette initiative des étudiants Palestiniens : Réseau Actions Jeunes, Amis de Naplouse, Al Qalam, Forum des réseaux citoyens, Ahlan Bethléem, AFPS, Femmes en noir de Montbrison, Association Solidarité Forez-Palestine...

La réalité - si on veut bien accepter de regarder les choses en face - c’est qu’en Palestine l’occupation et la colonisation continuent. La colonisation s’accentue même, derrière le paravent de l’annonce de l’évacuation de Gaza. Les crimes de l’armée d’occupation continuent aussi.

Sharon est en train de continuer à grignoter la Cisjordanie, que la presse israélienne sioniste n’appelle d’ailleurs pas Cisjordanie, mais Judée-Samarie.

La construction du mur de l’apartheid - condamné par la Cour Internationale de Justice de la Haye, qui a demandé son démantèlement - continue. Le 1er Ministre français Raffarin n’a pas eu un mot là-dessus, au cours de son voyage en Israël. Au contraire, il a invité Sharon en France au printemps...
Attention : ce processus d’annexion et d’apartheid n’est pas mis en oeuvre que par l’extrême droite israélienne. L’ancien premier ministre travailliste Ehud Barak, disait fin janvier dans Libération que le mur devrait permettre à Israël d’intégrer entre 60% et 80% des colons. Soit l’annexion de tous les grands blocs de colonies. En réalité, le plan de colonisation que Sharon met en oeuvre aujourd’hui est d’abord l’oeuvre des travaillistes...

Une colonisation qui continue et même s’intensifie. Cette semaine a été annoncée par le gouvernement israélien la construction de plus de 3.500 logements dans la colonie de Maaleh Adoumim. C’est à 10 kms de Jérusalem-est, du côté est de la ville. Maaleh Adumim est la plus importante colonie de Cisjordanie avec 28.000 habitants. En fait cette colonie va ceinturer totalement Jérusalem Est (moitié "palestinienne" de Jérusalem occupée depuis 1967) du côté de la Cisjordanie. Elle fera la jonction entre les deux bouts du mur, et coupe ainsi Jérusalem Est de la Cisjordanie. Elle vise à consacrer l’annexion de la totalité de Jérusalem à Israël.
Le quotidien israélien "Yediot Ahronot" écrivait le 25 février que le gouvernement israélien a planifié de construire prochainement plus de 6.000 nouveaux logements (6.891 exactement) dans les colonies de Cisjordanie, et de légaliser 120 postes avancés ("plan de travail pour 2005 de l’Administration des terres d’Israël"). Il y a en Cisjordanie trois grands blocs de colonies : à Bethléem-Jérusalem, Hébron (Al Khalil), Naplouse.

L’expansion des colonies de Cisjordanie coïncidera avec le plan de désengagement de la Bande de Gaza (21 colonies), et de quatre colonies isolées du nord de la Cisjordanie où vivent 8 000 israéliens. Dans la bande de Gaza, il n’y a que 4 500 colons israéliens, et au moins 5 500 soldats qui les "protègent". A certains moments, il y a 2 soldats pour 1 colon.
L’évacuation des colonies annoncée est donc dérisoire quand on sait que c’est en Cisjordanie que vit l’immense majorité des 240 000 colons israéliens. Le vol des terres des familles palestiniennes, l’arrachage des arbres, la destruction des maisons, le pillage de l’eau continuent chaque jour qui passe.
Au début du mois de mars, Sharon a d’ailleurs proclamé que "grâce à la colonisation, nous garderons pour l’éternité des positions importantes, essentielles à notre existence, à Jérusalem notre capitale unifiée pour toujours, et dans les groupes d’implantations".

Cette carte montre l’évolution en Palestine de 1946 à 1999. Depuis 1999, la situation s’est encore aggravée.

C’est donc dans ce contexte que se prépare le "plan de désengagement de Gaza" . Contre lequel l’extrême droite israélienne mobilise des dizaines de milliers de fanatiques...
Pourquoi abandonner Gaza ? Parce que chaque chose en son temps. Il n’est pas possible de tout avaler d’un coup. Cette affaire se joue depuis des décennies et peut-être encore sur des décennies. L’objectif actuel est de grignoter l’essentiel de la Cisjordanie. Et d’annexer Jérusalem Est.
D’autant que Gaza est une bombe de problèmes : l’un des territoires les plus peuplés (1,5 millions d’habitants y sont entassés sur quelques kilomètres carrés) et les plus pauvres du monde. De résistance aussi, résistance plusieurs fois massacrée, mais que l’armée d’occupation n’est pas arrivée à mâter.
Mais Sharon fait du désengagement de Gaza, auquel il est en partie contraint, un pas de plus vers l’annexion d’une importante partie de la Cisjordanie.
Autre chose à savoir : Sharon est en train d’installer des colons de Gaza sur les terres toutes proches des bédoins palestiniens d’Israël qu’il est en train de confisquer.

La réalité, c’est aussi la poursuite des crimes de l’armée d’occupation.

20 mars 2005, près de Ramallah, l’armée d’occupation a tiré sur des jeunes

Dimanche 20 mars à Ramallah, l’armée israélienne a tiré à balles réelles sur trois adolescents, alors qu’ils essayaient de sortir de leur école aux villages de Balin et Safa, à l’ouest de Ramallah.
Nayaf Razi, 16 ans, a été gravement blessé, Yassin Ashat, 16 ans, a été blessé à la tête, Zaki Mohmed Zaki , 17 ans, a été blessé aux yeux.

Ces jours-ci, il est question du "transfert" du contrôle de certaines villes : Jericho, Tulkarem, avant Kalkilya, Ramallah, Bethléem... suite à l’accord du 8 février.
Dans la réalité, cela semble surtout signifier que l’armée israélienne se pousse un peu, déplace ses checks-points et bouclages (par exemple, il y a 4 checks-points de l’armée israélienne entre Tulkarem et Naplouse. Le plus proche de Tulkarem va disparaître. Il en restera 3.

Le "transfert" aux Palestiniens de 5 villes de Cisjordanie. La population des villes indiquée dans le tableau date de plusieurs années et ne correspond pas à la réalité actuelle.

Ce dont il s’agit, c’est surtout du transfert d’une partie du contrôle sécuritaire aux Palestiniens : maintenant les Palestiniens auront, dans leur territoire occupé, une deuxième force de Police, palestinienne, mais dans la pratique, l’armée israélienne reste à l’extérieur de ces villes, occupe les abords.
La aussi il y a un calcul machiavélique, qui a déjà été l’un des gros problèmes de la situation à l’époque d’Arafat, avec l’énorme hypertrophie des services de sécurité palestiniens, parasitaires, desquels Israël et les USA exigent de "tenir" les palestiniens alors que l’occupation continue.

Il a été fait grand bruit de la libération des prisonniers palestiniens. En réalité, environ 500 prisonniers ont été libérés, sur 8 500. La plupart d’entre eux terminaient leur peine. Certains ont été arrêtés à nouveau quelques jours après. Au 8 mars, journée internationale des droits des femmes, 128 femmes palestiniennes étaient toujours enfermées dans les prisons israéliennes, dont 17 mères d’une soixantaine d’enfants. Et il y a 328 enfants palestiniens prisonniers dans les prisons israéliennes.
Au cours des 4 dernières années, 35 000 palestiniens sont passés par les prisons israéliennes.

Est-ce exagéré de dire tout cela, est-ce voir les choses en noir ? Il faut lire ce que dit l’anticolonialiste israélien Michel Warschawski : il n’y a "pas de trêve" en Palestine, alors
"que la colonisation continue à un rythme sans précédent, que le mur avance comme un monstre vivant, que le bouclage et ses centaines de barrages n’ont pas été levés...
Quelle trêve ? Alors que l’armée israélienne a poursuivi au cours des trois dernières semaines ses incursions dans les villes et les villages palestiniens, faisant au moins six morts ... Mais ces morts-là ne font, apparemment, partie de la norme, pas de l’état de guerre, et ils ne comptent donc pas ; ils n’auront pas droit à des reportages sur leur vie paisible interrompue par des terroristes, qu’ils soient en civil ou en uniforme, kamikazes ou protégés par des blindés."

Les Palestiniens veulent que la guerre et l’occupation s’arrêtent. Michel Warschawski écrit que Mahmoud Abbas "s’est engagé à faire cesser les attaques armées contre Israël et, à plus forte raison, les attentats terroristes contre des cibles civiles. Ce choix (...) répond à plusieurs considérations. D’abord, à la certitude que la lutte armée, même dans ses dimensions légitimes, n’est pas à l’avantage des Palestiniens et donne, au contraire, à Israël le prétexte de présenter sa sanglante campagne de pacification comme une guerre d’autodéfense contre le terrorisme ; ce faisant, Abou Mazen sait qu’il exprime un sentiment largement partagé par une population épuisée par près de cinq ans de répression et de destructions, et qui aspire à un minimum de normalisation.
La décision de mettre fin à l’« Intifada armée » est aussi le résultat d’une exigence de plus en plus forte de la communauté internationale ainsi que des États arabes, qui conditionnent leur aide financière et diplomatique à « un arrêt du terrorisme ». Sous les auspices de l’administration étasunienne et du président égyptien Hosni Moubarak, Abou Mazen et Ariel Sharon sont arrivés le mois dernier à Charm-el-Cheikh, à un accord sur un arrêt des opérations armées en échange d’un assouplissement des mesures répressives dans les territoires palestiniens occupés."

 Voir le texte de Michel Warschawski sur le site de l’AFPS  

Mais tout cela va mener où, alors que Sharon accentue la politique d’occupation et de colonisation ?
La politique de Sharon n’a rien à voir avec la paix ou un désengagement. Et il faut répéter que tout cela se fait en violation de dizaines de résolutions de l’ONU qui exigent qu’Israël se retire sur la frontière du 4 juin 1967, en violation du jugement de la Cour internationale de Justice de la Haye le 9 juillet 2004 qui a exigé le démantèlement du mur. En violation de la résolution de l’Assemblée Générale des Nations unies du 20 juillet 2004, qui a fait siennes les recommandations de la Cour Internationale de Justice. Cette résolution affirme l’illégalité du mur, mais aussi la responsabilité de l’ensemble des Etats de la communauté internationale, qui doivent s’engager à son démantèlement. Cela se déroule avec l’appui des USA et avec la complaisance des pays du Quartette (Etats-Unis, Union européenne, Onu, Russie), qui sont l’auteur du "plan de paix" appelé "Feuille de route" qui prévoit la création d’un Etat palestinien indépendant, plan que Sharon piétine sans qu’il lui en coûte quoi que ce soit.

Au lieu d’inviter Sharon en France au printemps, M. Raffarin devrait lire ce que vient de dire Nurit Peled devant le Parlement européen
La France et l’Europe pourraient mettre Israël en demeure de respecter la légalité internationale. Et il y a des moyens simples pour cela : le Parlement européen a demandé la suspension de l’accord d’association avec Israël tant que cet Etat ne respectera pas le droit humanitaire, le Droit international et ses obligations internationales. Pourquoi ce n’est pas appliqué ?
La France est semble-t-il à l’origine de la résolution 1559 qui exige un retrait immédiat des forces syriennes du Liban. Très bien. Mais les résolutions de l’ONU, cela doit être valable pour tout le monde, non ? La Syrie n’a rien à faire au Liban, et elle doit le quitter. Mais qu’est-ce qu’a à faire l’armée israélienne depuis bientôt 40 ans en Cisjordanie, à Gaza, à Jérusalem Est ? Et dans le Golan syrien ?

On parlera de tout cela le 1er avril avec Abdel Jaleel Sarsour (**). En essayant de regarder les choses en face, et de réfléchir ensemble à ce que l’on peut faire.

Roger Dubien

(*) A Lyon, la rencontre aura lieu à la MJC Saint Jean, Vieux Lyon, Place Saint Jean - Lyon 5e (métro D - Saint Jean) A partir de 14h, dégustation de plats palestiniens, exposition documentaire, et débat. Rencontre organisée par la GUPS (Union Génerale des Etudiants de Palestine en France), Dar Al Ali et « Terre de Palestine, terre de culture et de traditions »... et le soutien du Collectif Palestine 69 (Voir)

(**) De 16h à 22 h, salle du FJT "Le Pax", 27 rue Elisée Reclus à St-Etienne.
De 16 à 19h : discussions, exposition de photos et de broderies, dégustation de pâtisseries.
A 19h, débat avec Abel Jaleel Sarsour.
Une participation aux frais de 2 euros est demandée pour la soirée, incluant une pâtisserie palestinienne.

Chaque jour, on trouve des informations sur ce qui se passe en Palestine sur le site Nord-Palestine : www.nord-palestine.org/
Depuis que le site Solidarité Palestine de Giorgio Basile s’est tu, c’est le site francophone qui donne le plus d’informations...